Tu roules. Tu avances. Tu files dans la ville, dans les alentours là où le soleil est cuisant parce que tu en as marre du ciel gris. Tu as besoin de soleil et de bon temps. Tu es partie sur un coup de tête pour te changer les idées et tu as filé vers le soleil dans les villes des États-Unis. Pas de chance, vers le chemin du retour, ta voiture décide de faire des siennes et elle tombe en panne au beau milieu de nulle part. Ce n’est pas ton jour de chance, il semble.

Fuir. Loin. Très loin. C’était tout ce à quoi Isabel pensait depuis ce matin. En se levant, elle avait eu du mal à respirer. Elle se sentait tellement oppressée qu’elle ne chercha pas plus loin. Elle prit une douche rapide et remplit une thermos de café avant de prendre la voiture et de partir de chez elle. Elle ne savait pas où elle allait comme ça. Tant qu’il y avait une route, elle roulait. Isabel ne saurait dire combien de kilomètres elle avait parcouru mais cela lui faisait un bien fou. Sentir le vent lui fouetter le visage l’aider à ne plus penser à rien.
Elle n’aimait pas ça. Pourquoi ne pouvait-elle pas tout simplement envoyer balader sa vie actuelle ? Parce qu’elle était Isabel Kennedy née Fitzgerald et que chez les Fitzgerald, on n’abandonnait pas. On se devait de garder la face quoiqu’il se passe. Malgré nos tourments intérieurs, malgré nos peines ou nos chagrins, quelque soit les difficultés. On lui avait toujours appris qu’il fallait sourire. Elle portait un nom qui en imposait. Et en se mariant à Peter, elle s’est également mariée à la famille Kennedy. Une famille en tout point semblable à la sienne.

Mais aujourd’hui, juste pour aujourd’hui, Isabel s’autorisait à faire tomber son masque de femme parfaite, heureuse et comblée. Aujourd’hui, elle n’était plus qu’une femme qui voulait vivre le temps d’une journée loin des conventions et des diktats qu’on lui imposait. Alors elle roulait. Vers une liberté illusoire. Vers une destinée rêvée. Un déjeuner pris sur le pouce, un plein d’essence et elle reprit la route. Pour conduire encore et toujours.
Pourtant, il fallut bien rentrer à un moment. Elle aurait voulu continuer mais elle travaillait le lendemain et la jeune femme avait trop le sens des responsabilités pour manquer à son devoir envers ses patients. Mais cette escapade l’avait quelque peu soulagée. La jeune femme avait, si on pouvait le dire ainsi, recharger ses batteries. Quoi ?! Rien que par le fait de conduire me direz-vous ? Et bien oui. Malgré les apparences, Isabel était une jeune femme simple et forte. Il ne lui fallait que peu de chose pour qu’elle se reprenne et continue son petit bonhomme de chemin. Aujourd’hui était suffisant pour Isabel. Elle n’en demandait pas plus…

Mais apparemment sa voiture si. Car elle commença à faire des bruits bizarres avant que le capot ne commence à fumer. Vivement, elle se rangea sur le bas côté et l’ouvrit manquant de se brûler au passage.

« Et merde ! »

Elle ne s’y connaissait pas du tout en réparation et elle avait oublié son téléphone chez elle en partant ce matin. C’était bien sa veine que de se retrouver en panne sur une route déserte…

Parfois, cela faisait du bien de partir quelques heures. De prendre la voiture pour rouler sans même savoir vraiment où aller. Ça vide la tête, ça aide à réfléchir ou au contraire, à ne plus penser. Ça permet de cesser de s'abrutir de choses vues à la télévision ou lues dans les magasines people. Partir c'est un peu fuir la réalité, fuir les problèmes, se retrouver soi-même pour quelques heures, discuter avec son for intérieur de choses et d'autres. Partir c'est à la fois découvrir quelque chose, et perdre du temps sur la vie, ou en gagner, partir c'est des tas de choses, trop de choses confondues.

Mais partir n'était pas une chose qu'appréciait Andrew, pas réellement en tout cas. Il aimait le confort de son appartement et la chaleur des bras de sa fiancée. Il aimait se moquer des gens à la télévision et il aimait écouter de la douce musique en travaillant dans leur cuisine, sur la table. Partir pour s'évader n'était pas une chose qui lui semblait réellement utile, il n'avait certes pas une vie de rêve en tous points, mais il ne se considérait pas comme à plaindre. Il était heureux et c'était tout ce qui comptait. Alors partir, prendre la voiture, gâcher de l'essence qui coûte cher, non, il ne le faisait pas. Il ne prenait la route que quand il en avait besoin et aujourd'hui, il en avait eu besoin quand il avait dû ramener sa petite sœur à l'aéroport, un triste sourire sur son visage alors qu'ils se promettaient tous deux qu'ils se reverraient vite, probablement même avant le mariage si tel était possible.

Il était sur le chemin du retour, avait attendu que l'avion de sa sœur ne décolle avant de partir et prenait tranquillement la route, les vitres ouvertes et la musique dans toute la voiture. C'était réellement un moment agréable qui lui faisait oublier ô combien sa sœur pouvait lui manquer dès l'instant où elle partait mais qui lui rappelait qu'il avait encore sa fiancée ici et qu'il pouvait en être heureux. Sur ce même chemin du retour, il put apercevoir au loin une voiture sur le bas côté. Devait-il s'en inquiéter ? Peut-être que non, peut-être qu'il devrait même faire attention mais son côté généreux prit le dessus sur sa raison et il attendit d'être à son niveau pour finalement s'arrêter. C'était une jeune femme qui visiblement semblait paniquée devant son capot ouvert. Mettant les warning, il sortit de la voiture pour venir à sa rencontre. « Vous êtes tombée en panne ? » Demanda-t-il alors qu'il regardait en sa direction, s'approchant peu à peu, apercevant un peu de fumée qui sortait.

Isabel était une jeune femme assez curieuse. Elle adorait apprendre de nouvelles choses, comme de nouvelles langues, de nouvelles techniques ou pensées concernant son travail… Ou bien encore, elle n’était pas réfractaire à utiliser ses mains pour s’essayer à la poterie – même si elle était nulle à ça – ou encore à la couture. Mais si il y avait bien une chose à laquelle elle n’avait jamais rien compris c’était le fonctionnement d’une voiture. Peter avait essayé bien des fois de lui expliquer au moins le B-A BA de la chose mais c’était comme si son cerveau bloquait tout ce qui avait trait à ce sujet. Elle lui disait toujours que si jamais elle avait un problème avec sa voiture, elle aurait toujours la possibilité de contacter un dépanneur avec son téléphone. Ce n’était pas sorcier. Quitte à payer un peu, elle n’avait pas à avoir peur de tomber en panne au milieu de nulle part. Sauf que là… Et bien, la demoiselle n’avait pas son téléphone avec elle ! A croire que le destin aimait jouer avec elle.

La brune scruta l’horizon mais voilà la conséquence d’emprunter des routes inhabituelles pour voyager. Pas un chat ne se profilait à l’horizon alors ne parlons même pas de voitures… Au moment où, résignée, Isabel commençait à envisager de plus en plus la possibilité de marcher afin de trouver quelqu’un susceptible de l’aider, elle entendit un moteur. Soulagée, elle leva la tête au son de la voix et sourit à l’inconnu devant elle. C’était un blond assez jeune lui semblait-il. Il devait avoir moins d’une trentaine et il dégageait quelque chose de rassurant. Au moins, ce n’était pas un psychopathe. On ne savait pas sur qui on pouvait tomber de nos jours et ce n’était pas avec le métier qu’elle exerçait que cela risquait de réduire son côté un peu parano.

« Bonjour… Oui… Je conduisais et tout d’un coup, la voiture s’est mise à faire des bruits bizarres et de la fumée est sortie du capot… »

Elle regarda l’homme devant elle d’un air penaud ne sachant pas comment mieux expliquer ce qui lui était arrivée. Après tout, elle n’y connaissait rien. Pourtant ce n’était pas faute d’avoir essayé.

« Merci de vous être arrêté… Je m’appelle Isabel. »

Lui dit-elle en lui tendant la main, après vérifié qu’elle était propre bien sur ! Il ne manquerait plus qu’elle salisse la main de son sauveur ! Quoique… Si il s’y connaissait en mécanique il aurait de toute façon les mains plein de cambouis nan ?