story of my life
Les paysages norvégiens se dessinaient sur la toile. Coups de pinceau après coups de pinceau, Bartholomew peignait cet horizon qu'il avait sous les yeux. Des couleurs claires, mélangeant du vert, du marron et du bleu. Les tons principaux de la nature qu'il observait d'un œil concentré. Les sourcils à demi-froncés formaient un léger creux sur le bas de son front, laissant apparaître de petites ridules. Il n'avait que vingt-ans et avait cette impression d'avoir toute une existence devant lui. Pourtant, le mal qui le rongeait semblait vouloir mettre un terme au fil que les Parques tissaient depuis déjà plus de deux décennies. Ses soupirs répétés, son teint blafard ainsi que ses mimiques répétées, sa gestuelle lente et lassée. L'homme avait le sentiment que les ténèbres l'avaient pris pour cible, l'avaient choisi pour subir tous les supplices physiques et mentaux qui pouvaient exister. A côté de lui se trouvait un journal froissé dont les plis se formaient sur toutes les pages, comme s'il avait été traité négligemment. Le titre principal était assez aguicheur et il était certain que tous regards curieux s'y seraient attardés. « L'Affaire Carmin : L'assassin écroué pour l'homicide volontaire de Damian et Helia Ødegård. » Glauque. Morbide. Sanglant. On pouvait entendre Bartholomew fredonner des airs d'une musique que sa génitrice lui chantait lorsqu'il était encore enfant. A chaque nouveau trait de peinture, il paraissait s'adoucir, retrouver une sérénité qui l'avait abandonné il y a de cela plus d'un an. Depuis la mort, ou plutôt, l'assassinat sauvage de ses tuteurs, il s'était abandonné aux simples plaisirs que Mère Nature pouvait lui procurer. Mais pouvait-il rester dans cette condition ? Rester cloîtré dans cette cabane au fin fond d'une forêt épaisse de Norvège ? Non. Il le savait et n'allait pas rester les bras croiser, à faire de sa vie une toile sans signification. Il devait reprendre ses études, retrouver l'établissement scolaire de prestige où il se trouvait, affronter les regards accusateurs et suspicieux de ses camarades tout aussi hypocrite que n'importe quel enfant de la haute société. Dans un geste brusque, il planta l'embout du pinceau qu'il tenait dans le coton, brisant le paysage qu'il venait de créer. Il tourna les talons, attrapa la veste noire qui était accrochée au porte-manteau qui se trouvait à quelques pas, et claqua la porte sans même donner un dernier regard, une dernière attention à l'endroit.  

Le contexte était hilarant. A prendre avec ironie. Les prunelles claires de Bartholomew s'enfoncèrent dans celles de cette personne, qui se tenait devant lui. Sourire salace, vicieux. Il serra les poings avec comme seule envie de l'utiliser sur le faciès déjà cabossé de son interlocuteur. La prison de Bergen était un lieu placé sous haute surveillance, de sécurité presque maximale. Elle était connue pour les nombreux criminels qui y logeaient, mais aussi pour ces détenus féminins qui usaient de leurs atouts physiques dans des activités illégales en échange de drogue. Si Bartholomew était présent, c'était pour la simple et bonne raison que le médecin légiste officielle n'avait pas pu se déplacer dans les temps, et qu'on avait par conséquent fait appel à ses services. Il négocia néanmoins une prime pour cette intervention, qui fut acceptée de façon amère par son supérieur. Ne pouvant pas refuser quoique ce soit au meilleur anthropologue qu'il avait sous la main, il était presque obligé de lui obéir au doigt et à l'œil. Presque. Daario Henriksen. Ce prénom résonnait dans l'esprit de Bartholomew, qui resta immobile devant la cellule où il se trouvait. Il n'était pas là pour ça, et pourtant, ses membres ne souhaitaient pas s'en aller afin de rejoindre l'équipe avec qui il était venu. Le prisonnier ne disait rien, se contentant d'étirer ses lippes comme pour provoquer l'anthropologue. Une incitation à la violence, un défi qu'il ne devait pas accepter. Que pouvait-il bien dire à cette pourriture qui croupissait déjà derrière les barreaux ? Pour Bartholomew, cela n'était pas assez. Le détenu avait pris deux vies, deux âmes innocentes. Et il était encore en vie, respirant l'air du monde, nourri, logé par l'État norvégien. Une honte selon lui, lui qui aurait été capable de partir à la recherche de ce meurtrier sans les forces de l'ordre, lui qui aurait assouvi sa vengeance en affrontant l'assaillant dans un combat. « Monsieur Ødegård ? » Il tourne le regard vers cette voix fluette, féminine. Temperance Montgomery, se remémora-t-il avant d'esquisser un sourire artificiel. Il lança un dernier regard au criminel et s'en alla aux côtés de l'une de ses collègues. La seule dont il pouvait retenir le prénom sans l'écorcher. Alors que la donzelle lui parlait, dans des discours innocents et toujours aussi candides, Bartholomew se laissait aller dans des pensées plus obscures et virulentes. Il s'imaginait, lui, simple humain lambda, dirigé par aucune institution, par aucune obligation supérieure, rendre justice à ces défunts parents qui avaient, selon lui, rejoint les rangs du Seigneur (si tenté qu'il existait) bien trop tôt.

Avait-il le droit au bonheur ? C'était une interrogation qui lui venait parfois en tête. Était-il maudit par un quelconque sort ? Avait-il était si mauvais dans une existence antérieure pour que l'on décide de s'acharner sur cette unique et même personne ? La réponse était : non. Non, parce qu'il a finalement pu attraper dans ses paumes, ce sentiment de bien-être, cette délectation, l'allégresse, la satisfaction d'une vie qui repartait d'un bon pied. Un chemin qu'il allait tracer non pas seul, mais avec celle qui était devenue son épouse. Avait-il déjà connu l'amour ? Avait-il déjà capitulé face aux divertissements charnels ? Évidemment, elle n'était pas la première. Temperance. Douce, affectueuse, compatissante, compréhensive. Elle était belle, pour ne pas dire parfaite. Les cheveux dorés qui se balançaient sous le rythme du zéphyr, elle avait pour habitude de rester quelques longs instants sur le balcon de la chambre, à observer la mer qui s'éloignait. Quant à Bartholomew, il préférait rester allongé dans les draps, à observer la carrure, la posture de la jeune femme, regarder les courbes qui se dessinaient sous le peu de tissu dont elle était vêtue. Inlassablement, il faisait tourner son alliance autour de son annulaire droit, lui rappelant ainsi qu'il avait désormais une nouvelle vie à mener. A créer. Temperance le rejoignit finalement, s'enroulant elle aussi dans les draps en soie. Des matins comme ceux-là, il en aurait besoin.

Et il n'en n'eut pas assez. Les morts prématurées semblaient pesées au-dessus des crânes de quiconque osait s'approcher de trop prêt le Bartholomew. Après quinze ans de mariage, la jeune femme se laissa emporter par la maladie à seulement trente-huit ans. C'était bien jeune pour attraper ce genre d'infection des tissus, mais ce n'était pas impossible. Et il fallut que ce soit elle, la cible. La Faucheuse s'en était certainement donnée à cœur de joie. Récolter cette âme revenait à embarquer celle de l'homme en même temps. Il n'était désormais qu'un corps. Rien ne l'animait. Rien ne le retenait ici. Au boulot, on essayait de ne pas lui reprocher son humeur exécrable, lui qui imposait le deuil de sa défunte épouse à tous les employés à cause de l'atmosphère qui devenait morose dès son arrivée. Il avait enchaîné la Mort à ses pieds et peu importe où il allait, elle lui tenait compagnie. Certains vivaient la débauche dans leurs vingtaines, et d'autres, comme Bartholomew, attendaient d'être plus mature afin de vivre l'expérience.

Institut de recherche (Memphis) — 2015. Recruté dès lors qu'ils eurent vent de qui était l'homme. Anthropologue de renom en Europe, a permis la résolution de nombreuses affaires qui avaient été mises dans les cartons et laissées pour non-classées. Après la mort de sa femme, et déjà avant, il se battait corps et âme pour résoudre les dossiers les plus étranges. Les Insolvables. Ceux que personne ne voulait toucher à cause de leur mécanisme et procédé bien trop tordus et glauques pour tout esprit humain. Mais ça, il ne l'était plus. Il habitait désormais dans un appartement qu'il s'était payé au comptant. Son arrivée sur le territoire américain se déroula sans encombres et il avait réussi à passer un voyage confortablement installé entre un hublot et une bien charmante demoiselle qui se rendait elle-aussi à dans cette ville. Une discussion intéressante qui fut écourtée dès lors que l'avion se posa à l'aéroport. C'était bien dommage, l'amusement conféré par la conversation lui faisait oublier ses peines. L'appartement dans lequel il logeait était assez spacieux, assez pour un seul errant qui n'allait pas y passer la plupart de ses journées. L'Institut deviendrait sa deuxième maison. Son bureau, sa deuxième chambre. Les tables d'autopsie, son deuxième lit.

bonjour femme

Bonjour homme.

vas faire ta fiche au lieu de polluer la mienne

J'ai fini moi

t'es rapide *se bat avec la sienne *

bienvenue

merci beaucoup jesse

ça promet tout ça.
Bienvenue parmi nous.

arlena -

jamie-jane - merci beaucoup jolie demoiselle

bienvenue à toi