Et j’ai dit oui. Mais pourquoi? Sans doute à cause de l’envie d’avoir une discussion autre que de parler de Dora l’exploratrice et de son amie Diego. Pour ma santé mentale, j’ai besoin de pouvoir avoir une discussion saine avec des sujets d’adultes. Quoiqu’avec la boisson qui risque de couler ce soir, j’ai comme un doute sur la maturité des conversations qui auront lieu. Au moins, on ne pourra pas dire que je n’aurai pas essayé. « Je suis certaine que ça va te faire du bien. » dit ma mère alors qu’elle posa ses petites mains sur mes épaules. Je lui souris tout en hochant la tête. Jouer à l’homme fort en sa présence, ça ne servait à rien. Elle était ma mère, après tout, elle me connaissait que trop bien pour savoir lorsque je mentais. « Je pense aussi. » J’avais encore des moments où je me sentais moins bien, où la mort de Margareth était plus difficile que d’autres jours mais je voyais bien que le processus de guérison était enclenché. Me lever le matin commençait à être de moins en moins difficile. J’avais finalement été en mesure de reprendre la patrouille, plutôt que de faire du travail administratif, ce qui m’aidait beaucoup à me sentir mieux dans ma peau. Je me sentais de nouveau accompli sur le plan professionnel et j’étais persuadé que ma vie personnelle allait finir par suivre lorsque j’allais être prêt. J’avais recommencé à faire un peu de sport bien que je n’avais pas vraiment le temps d’en faire autant qu’avant. C’était quand même mieux que rien et c’était suffisant pour faire en sorte que je me sente mieux. « Ne fais pas de conneries mon grand, d’accord? » dit ma mère comme si je partais dans un camp de jour pour la première fois alors que j’étais haut comme trois pommes. Je lui souris doucement alors que je déposai un baiser sur sa joue. « Je ne me laisserai pas faire, tu me connais bien. » J’embrassai Emily et Mallory avant de faire signer à ma mère de la main et je pris place dans ma voiture, prêt à faire la route qui me séparait du chalet de mon ami où j’allais passer la fin de semaine avec un nombre trop important de personnes. Ça allait me faire bizarre de faire la fête alors que j’étais rendu habitué de ne plus sortir avec ma vie de famille qui était prenante. Mais d’un autre côté, ça allait me faire du bien de penser à autre chose que mes problèmes auxquels je faisais face tous les jours. Rencontrer de nouvelles personnes ne pouvait pas me faire de torts.

« Allez, ramènes ton cul! Arrêtes de faire ta poule mouillée et viens donc. » La soirée était déjà bien avancée et le niveau d’alcool dans le sang de plusieurs personnes commençait à être élevé. Joshua tentait de me convaincre de venir me baigner avec eux mais je ne pouvais pas vraiment me permettre de tomber malade. Il n’avait peut-être pas d’engagements, lui, mais moi je devrais retourner travailler et m’occuper des mes filles d’ici deux jours. « Baignes-toi pour moi, je suis certain que tu vas bien faire ça. » S’il y avait bien une chose que j’avais apprise au nombre de fois où nous étions venus ici, c’était bien que l’eau n’était pas encore chaude à ce temps-ci de l’année. Et il y a une certaine partie de mon corps qui était bien d’accord avec la décision que je venais de prendre. L’eau froide l’aurait presque rendu inexistant. Les cris qui suivirent ne firent que confirmer que j’avais bien fait de refuser d’aller me baigner. J’avais beau avoir le sang chaud, je préférais les regarder aller d’ici la plage. Riant de leur gueule, j’aperçu une jeune femme assise sur la plage, pas très loin de moi. Je m’approchai lentement d’elle et je lui posai une question pour engager la conversation : « Tu ne vas pas les rejoindre? » dis-je en souriant, prenant place sur un tronc d’arbre coupé qui était posé juste à côté d’elle. « Laëlle, c’est ça? » On nous avait présentés plus tôt dans la soirée et j’avais généralement une bonne mémoire en ce qui concerne les noms. « Qu’est-ce que tu fais ici toute seule? » Peut-être qu’elle était venue ici pour se sentir mieux, elle aussi. Qu’est-ce que j’en savais? Et si ça se trouve, elle n’avait pas envie qu’une brute barbue vienne la dérange. Au pire, ce n’est certainement pas moi qui allais me sentir vexer de me faire revirer de bord.

« Oui, c’est ça, Laëlle. Et toi, Maverick ? »Je ne suis apparemment pas le seul à se souvenir du prénom des autres. Faut croire que le fait que nous avions tous les deux un nom peu commun aidait à la tâche même si je devais clairement massacrer la prononciation de son nom. Déjà, elle ne me reprenait pas donc ça ne devait pas être trop mauvais à moins qu’elle se sente tout simplement mal de le faire ou qu’elle en a carrément marre. « C’est en plein ça. » dis-je en prenant une gorgée de la bière que je buvais à petites gorgées depuis un moment déjà. Ce n’est certainement pas moi qui allait me réveiller demain matin avec un mal de tête atroce sans souvenirs de ce qui s’était passé la nuit dernière. S’il y a bien une chose que j’avais appris au fil des années, c’est que le corps perd en facultés. Avec l’âge, c’était toujours un peu plus difficile à se remettre d’une soirée un peu trop remplie d’alcool. De toute façon, j’avais perdu l’intérêt de faire la fête à toutes les fins de semaine comme je le faisais à une certaine époque. Faut dire qu’à un moment donné, on gagne en maturité et on change. On finit par avoir envie d’avoir un minimum de stabilité et de fonder sa propre famille. Et s’il y a bien une chose qu’on ne peut pas se permettre lorsqu’on a des enfants, c’est bien de se saouler la gueule et se réveiller à des heures pas possibles. Je ne m’attendais pas à avoir un super sommeil récupérateur en fin de semaine, avec tous ceux qui allaient se coucher aux petites heures du matin, mais je comptais bien dormir pour le peu d’heures de sommeils que j’allais avoir. J’avais déjà Emily et Mallory qui coupaient dangereusement mes heures de sommeil, je n’allais certainement pas laisser une bande de fêtard m’influencer pour qu’un mal de crâne vienne m’empêcher de dormir.

« Disons que j’avais pas vraiment envie de me baigner, l’eau doit être froide. Même chose pour toi ? » Ça ressemblait pas mal à ça, oui. « Pas mal. Je ne peux pas vraiment me permettre d’être malade. Avec des enfants, c’est un peu plus compliqué. »[/color] dis-je en haussant des sourcils. Intérieurement, je me dis que je n’aurais peut-être pas dû aborder le sujet de mes enfants. Si j’étais venu ici, en fin de semaine, c’était pour me changer les idées et certainement pas pour parler des mes enfants. Beaucoup de ceux qui sont ici sont plus jeunes et n’en ont pas et je n’avais certainement pas envie de les emmerder en parlant de mes filles. Mais c’était parfois difficile de ne pas en parler puisqu’elles partagent mon quotidien. J’aurais presque dû me mettre un élastique autour du poignet pour me faire penser d’éviter le sujet. Pas que j’en avais honte mais j’avais bien envie d’avoir des conversations d’adultes sans me soucier du reste. Disons que j’en avais besoin après les mois difficiles que je venais de traverser. [b] « Ça va peut-être me faire paraitre comme un vieillard mais j’ai comme un peu passer l’âge de faire ça. » À un moment donné, on arrive à un âge où on a envie de prendre moins de risque, où on a envie de rester dans notre zone de confort. Faut croire que j’arrivais de plus en plus vers cet âge. « Faut croire que quand la sagesse arrive, le courage s’en va. » dis-je en souriant. Je n’étais pourtant pas encore très vieux mais j’allais garder mon courage pour mon travail. Policier n’était pas un boulot toujours évident. « Tu t’es fait entrainer toi aussi ou tu es venue de ton plein gré? »