[fondateur]

let me go
one two three. one two three. breathe.

Ca fait quelques semaines qu’il rentre tard, qu’il trouve des excuses en rapport avec le travail pour s’éclipser de la maison sans conséquence. Il s’éloigne. Il s’éclipse parce que la folie se fait de plus en plus oppressante. Il sent la folie grimper lentement, se faire oppressante et il tente de la calmer, de la dissimuler pour l’oublier, l’éclipser.
Le noir passe autour de lui. Il marche dans les rues afin de se diriger vers chez lui. Les mains dans le fond de ses poches, la neige se dépose doucement sur sa chevelure foncée. Ses vêtements sont foncés. Son regard est noir. Il a l’impression qu’il se perd de plus en plus, qu’il s’enfonce sans trouver la force de se sortir à nouveau de ce mal qui l’anime depuis toujours. Le temps file et il sent son emprise se refermer lentement en étau autour de sa gorge, pour lui couper le souffle, pour le pousser au bord du gouffre. Jackson se sent vaciller entre la réalité et ce monde qu’il est en train de se créer à travers des romans qu’il écrit. Romans salaces. Romans noirs et sombres.

Il soupire et tourne un coin de la rue pour se diriger vers sa demeure. Cette vie qu’il a pu se trouver avec le temps, auprès de cette femme qui calme les maux qui le rongent, ses envies dévastatrices. Cette femme trop douce pour se trouver à ses côtés. Des enfants qu’il aime, mais qui lui semblent parfois étrangers. Il ne se connait pas lui-même, incapable de se définir en quelques mots. Ses phalanges passent dans sa chevelure pour retirer les quelques flocons blancs qui y traînent encore et il pousse la porte de sa demeure. Le silence règne dans sa maison, mais il voit une lumière qui dure encore dans le salon. Il ne sait pas si sa femme dort. Jack retire sa veste qu’il accroche rapidement et se dirige vers la source de lumière.
Il est tard et elle est pourtant là, dans le canapé à attendre son retour. Le psychologue laisse son sac à dos près du canapé pour s’approcher d’elle et se poser sur le bord du divan. Ses iris sombres se posent sur sa femme, observant ses traits avec lenteur. Il se demande ce qu’elle fait encore debout. Leur couple semble bien se porter, elle ne sait pas ce qui peut le ronger depuis longtemps, depuis qu’il a laissé ses phalanges s’enrouler autour de la gorge frêle de Silley. Une femme qui faisait partie de sa vie par le passé.
L’amour. Ça ne le connait pas vraiment. Bethany est sa femme. Il aime ses enfants, mais une part de noirceur est en train de le ronger lentement, de le bouffer de l’intérieur pour prendre possession de son âme en entier. « Tu ne dors pas?» Question rhétorique. Il peut voir par lui-même qu’elle ne dort pas, mais il cherchait à comprendre la raison qui la poussait à rester sur le canapé au lieu de se rendre dans leur chambre. Jack n’est pas facile à comprendre, parce qu’il sait cacher ce qui le ronge, parce qu’il sait lire les autres sans se laisser lire. Les travers de l’esprit ne sont pas un secret pour lui et cache son vrai visage derrière un masque est une habitude qu’il a fini par acquérir avec le temps.  
Sa femme. Elle le connait pourtant bien, mais pas comme elle le voudrait. Elle est pourtant la seule à pouvoir lui tirer la moindre once de tendresse. Elle et les enfants. C’est un père aimant. Il peut parfois oublier ce qui le pousse à mentir, ce qui le pousse à écrire quand il s’occupe d’eux. Jackson n’est pas le père idéal, s’éclipsant parfois de la demeure pour se rendre chez cette femme qu’il observe depuis quelque temps, celle à même d’inspirer l’héroïne de ses romans noirs. « Tu n’arrives pas à dormir Bethy?» Il l’observe un moment avant de laisser son regard traîner autre part, sur le sol, sur les murs, mais pas sur elle.

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let me go
one two three. one two three. breathe.

Qu’est-ce que c’est que ce mariage au fond? Il n’en sait rien. Peut-être un moyen de le sauver de ce mal qui le ronge depuis longtemps. Elle le connait, en partie. Ce qu’il a toujours voulu lui montrer, mais il y a tant de parcelle caché qu’il refoule. C’est mieux pour elle, pour les enfants, qu’elle n’en sache rien. Sa femme ne sait pas ce qui le ronge depuis des années, parce qu’il sait le canalise, parce qu’il sait le refouler au plus profond de son être pour l’enfouir et l’éteindre. Depuis quelque temps, le mal se fait un peu plus oppressant et Jack a du mal à ne plus y penser. Elle l’apaise moins. Elle le calme moins, mais elle reste sa femme. Peut-être pour les mauvaises raisons, mais il semble que sa vie ne soit qu’une suite de mauvais choix.

Il se pose près d’elle, se demandant ce qu’elle fait encore debout. Il rentre tard. Il rentre tard depuis toujours, ça fait partie de son boulot et son mode de vie. Il a du mal à dormir, parce que ses rêves sont étouffants. « Non je ne dors pas. » Il laisse son regard se porter sur le sol un moment, il n’a pas envie d’avoir une conversation à cette heure, surtout qu’il n’a rien à dire. Jackson se demande pourquoi diable n’est-elle pas capable de dormir? Il n’a jamais eu besoin de qui que ce soit pour trouver le sommeil. Jack finit par détourner les yeux pour observer le visage de sa femme. Il voit la fatigue qui tire doucement ses traits, mais elle reste toujours aussi belle. Elle dégage cette fragilité qui a toujours eu le don de l’apaise, cette douceur à même de calmer ses mots, sauf depuis quelque temps. « Non je n'arrive pas à dormir. Disons que je t'attendais ... » Il reste silencieux un moment, le silence ne l’a jamais réellement dérangé. « Tu ne devrais pas m’attendre, tu sais que je rentre souvent tard et tu travailles tôt le lendemain matin.» Il connait son emploi du temps. Il n’a pas envie qu’elle fonctionne mal pendant les journées parce qu’il tarde à rentrer, surtout qu’elle ne connait pas ses réelles habitudes ou ce qu’il fait lorsqu’il rentre tard. C’est mieux ainsi. Ça ne ferait que la faire souffrir. Que la briser un peu plus et ce n’est pas ce qu’il veut. Il a tenté, tenté de repousser cette pulsion, mais elle ne cesse de venir le ronger de plus en plus. Jackson ne sait plus quoi faire pour la repousser. Il s’approche pour laisser ses phalanges caresser la peau opaline de son visage et se repose dans le fond du canapé. « Je suis désolé de te faire attendre Bethy.» Il l’appelle comme ça depuis toujours. Jack n’est pas le plus tendre, mais il sait faire attention à elle. C’est la seule qui n’attire pas ses foudres destructrices. Elle le calme. En partie et il ne fait que s’éclipser de plus en plus. Il risque de les mener à leur perte, mais Jack fait des efforts depuis des années pour repousser le mal. Ce mal qui le rend fou.