Ces derniers jours pouvaient être résumés en seul mot, travail. Alyss avait passé la majorité de son temps derrière un bureau les yeux rivés sur un ordinateur à essayer d'écrire, tant bien que mal, un article sur l'impact des nouveaux médias sur la société, un sujet qui ne l'inspirait que très peu. De plus, elle avait pour mission de superviser le travail de toute une équipe de journalistes qui en ce début d'année était plus intéressée par comment perdre le poids gagné pendant les fêtes que par les articles qu'ils devaient rédiger. Si en général elle appréciait son boulot, cette semaine avait été plutôt éprouvante pour la jeune femme car encore une fois d'autres éléments occupaient ses pensées et cela se ressentait dans ses écrits. Jusqu'alors elle avait toujours été capable de dissocier vie professionnelle et vie personnelle mais depuis quelques jours ça la pesait énormément. Alyss était consciente du malaise qui s'installait petit à petit dans son quotidien, elle ne voulait pas l'avouer mais elle avait la désagréable impression que son mari s'éloignait d'elle. Certes, il leur était arrivé de se prendre le tête, ces derniers mois beaucoup plus qu'auparavant et la jeune femme ne savait pas pourquoi. Enfin si, elle pensait savoir pourquoi mais cela la ramenait toujours vers ce qui lui était arrivé, son bref séjour à l'hôpital et elle essayait délibérément de ne pas y penser car cela lui était trop douloureux. Tout ce cheminent de pensées fut à l'origine d'une idée, ce soir au lieu de rester plongée dans son travail Alyss allait rentrer un peu plus tôt et préparer un dîner à Kieran, rien que pour eux. Comme elle le faisait avant.

Alyss n'était pas vraiment connue pour ses talents de cuisinière même si elle tentait toujours de s'améliorer, fort heureusement il y avait certaines recettes que la jeune femme réussissait mieux que d'autres. Ce soir elle avait pour but de faire quelque chose de simple, sans prétention et dans le pire des cas elle avait réussi à dénicher au cas où le numéro d'un traiteur très réputé qui lui sauverait la mise. La jeune femme n'était pas vraiment pressée puisqu'elle savait pertinemment que Kieran ne rentrerait pas avant une heure tardive, ce qui en aurait pu en agacer plus d'une. Alyss, elle, se disait que si il n'était pas à l'heure c'est simplement parce qu'il était en train de sauver une vie ou bien d'une manière moins poétique et héroïque, il était sûrement en train de déboucher une artère. Quand elle prépara le repas elle se remémora le premier repas qu'elle lui avait servie et qui était plus qu'infecte, Kieran avait eu la délicatesse de ne rien dire et avait même essayé de manger son plat, quitte à souffrir d'intoxication alimentaire. Cela avait fini en éclats de rires et par la livraison d'une pizza. Alyss n'était pas du genre nostalgique mais cette époque lui manquait, tout semblait plus simple. Tellement loin de la pression qu'elle s'infligeait depuis sa fausse-couche et qui lui donnait l'impression de ne remplir ni son rôle d'épouse ni son rôle de femme. Et pourtant, ce n'était pas l'envie qui manquait. Elle aurait tout fait pour enfin tomber enceinte, pour enfin donner un héritier à son Kieran, qui rêve d'être père. En réalité elle faisait déjà tout ce qu'elle pouvait de son côté, tous les traitements y passaient, mais elle ne pouvait pas faire un enfant toute seule. Dans sa tête c'était plus que clair, elle voulait ré-essayer car elle finirait par tomber enceinte sans aucun doute, même son docteur le lui avait affirmé. Pourtant elle était très loin de se douter de la vérité et des raisons qui motivaient l'éloignement de son époux. Peu importe, elle comptait y remédier avec cette soirée.

Tandis qu'elle allumait les bougies, elle entendit son téléphone sonner. Si initialement elle ne comptait pas décrocher, elle fut obligée de répondre face à l'acharnement de la personne qui tentait de la joindre. Alyss aurait dû écouter son intuition puisque c'était son boulot, résultat elle passa une demi-heure à donner des explications à un pigiste très peu expérimenté mais totalement paniqué. Ainsi elle n'entendit même pas Kieran rentrer, ce n'est que lorsque l'eau de la douche coula qu'elle pris conscience de sa présence. Ainsi elle coupa court à la conversation téléphonique et jeta un bref coup d’œil dans un miroir pour voir dans quel état elle se trouvait. Potable pensa la jeune femme, qui avait espéré avoir un peu plus de temps pour se pomponner et allumer les dernières bougies. Finalement elle essaya de se faufiler incognito dans le couloir dans l'espoir d'aller allumer les dernières bougies, et accessoirement de vérifier que son repas n'était pas en feu. Mais une autre idée lui traversa l'esprit, elle aurait très bien pu le rejoindre dans la salle de bain. Toutes ses bonnes idées furent interrompues lorsqu'elle croisa Kieran dans le couloir, qui se rapprocha automatiquement d'elle. « Tu vas bien chérie? Tu as fini plus tôt.» Instantanément Alyss se sentait mieux, juste bien. Il lui faisait toujours cet effet là Kieran. Il était l'homme de sa vie, elle en était persuadée. Elle n'avait qu'à le regarder pour le savoir, en sa présence elle se sentait parfois même comme une adolescente transie. Elle hocha en guise de réponse. La jeune femme souriait tendrement à son mari et vint poser un baiser sur sa joue, avant d'ajouter. « Et toi ? Tu as l'air exténué. Tu devrais vraiment prendre des vacances,ça te ferait du bien.»  Elle n'avait pas pu faire l'impasse sur ses traits tirés et sa mine fatiguée, certainement une grosse opération. Elle espérait tout de même qu'il serait assez en forme pour ce qui l'attendait, parce qu'après tout c'était censé être une surprise. La réalité la heurta alors qu'elle se perdait dans son regard, s'il était rentré sans qu'elle s'en aperçoive il avait sans doute du voir ce qu'elle avait préparé. Alyss se sentait obligée de lui demander de manière détournée, l'air innocent, en espérant qu'il n'ait rien vu. « Dis moi, est-ce que tu es passé par la cuisine en rentrant ? »  Elle priait pour qu'il réponde que non et cela se voyait dans son regard. Elle trépignait d'impatience à lui d'idée de lui montrer ce qu'elle avait fait, elle était persuadée que cette fois-ci ça allait être délicieux. Elle s'expliqua alors, en essayant de ménager le suspens. « J'espère que tu n'es pas trop fatigué parce que j'ai besoin de tes talents de gourmet ce soir...  » finit elle par avouer. Elle avait envie de lui prendre la main et de l'attirer jusqu'à leur cuisine pour qu'il découvre le fruit de son labeur.