Sa vie n’a plus vraiment de sens maintenant que son père est mort. Aédan ne sait plus quoi faire pour oublier qu’à présent elle est seule. Aucune famille. Ses grands parents ne sont plus de ce monde, sa mère l’a quitté des années plus tôt et à présent, c’est son père qui manque à l’appel. L’homme qui la soutenait, qui la faisait vivre tout simplement. Comment peut-elle faire le deuil d’une personne sans qui elle ne se voyait pas vivre ? Evidemment, ses amis sont là pour elle, mais la jeune femme ne dit rien, elle ne parle jamais de ses doutes, de ses craintes et encore moins de la peine qui la ronge. Elle fuit la réalité, elle oublie la douleur grâce aux sorties, à l’alcool. Elle fait la fête. Trop souvent. Se sent-elle vraiment mieux ? Sur le coup, oui. Sinon, elle ne recommencerait pas. Pourtant, quand les effet de l’alcool s’estompent, la douleur est encore plus forte et son absence se fait cruellement sentir. Aédan n’a jamais été de ces filles qui boivent trop, qui font les folles en boite toutes les nuits. Elle a toujours aimé sortir et s’amuser de temps en temps, seulement, si elle continue d’écumer les bar et les soirées privées ce n’est plus pour s’amuser, c’est juste pour oublier.

Depuis quelques jours, elle vit sous le même toit que le coéquipier de son père. Il s’y force, elle le sait. Son père a dû lui demander. Il n’est pas du genre à aimer la présence de quelqu’un dans ses pattes pourtant, il l’accepte, il ne dit rien. Il lui arrive même de venir la chercher quand elle est incapable de retrouver son chemin. Aédan sait qu’il ne le fait pas parce qu’il a de l’affection pour elle. S’il pouvait, il le mettrait dehors, elle le sent. Seulement, l’ombre de Miles plane encore au dessus du loft de James et Aédan sait qu’elle restera à l’abris tant que l’homme sera tout aussi affecté qu’elle. Elle sait ce qu’il a traversé avec sa femme, son père lui a dit. Aujourd’hui, il perd à nouveau quelqu’un et depuis qu’elle vit avec lui, Aédan ne l’a pas vu côtoyer d’autres personnes qu’elle. Il doit voir des gens à son travail, mais en dehors, il ne semble avoir aucune vie sociale. Elle est sa vie sociale. Et elle en abuse. Il l’aide à oublier sa peine malgré lui. La jeune femme exagère, elle repousse ses limites. Pourtant, elle espère qu’il ne craquera pas. Sans lui, elle risque de sombrer. Réellement. Il est celui qui lui rappelle son père. Lorsqu’il y avait Miles, James n’était jamais loin. Il était souvent venu chez eux, et aussi loin qu’Aédan s’en souvienne, elle l’avait trouvé à son goût. Malgré sa tristesse depuis la mort de sa femme, malgré ses traits fatigués. Il reste un très bel homme.

Ce soir encore, elle a dansé, elle a bu. La rue semble se dérober sous ses pas mais elle continue d’avancer. Seule, dans le froid et la pénombre. Elle n’est plus très loin, elle le sait. Un instant, elle hésite à appeler James pour qu’il vienne la chercher mais son regard accroche enfin la porte de cet immeuble de standing qui abrite le loft de l’ancien coéquipier de son père. Fière d’elle, Aédan se redresse faiblement et tangue jusqu’à l’entrée. Dans l’ascenseur, elle étouffe. Elle a à peine le temps de se dépêtrer de son écharpe que le« ding » significatif annonçant son arrivée se fait entendre. Faiblement, elle glousse avant de s’extirper de la cabine pour aller ouvrir la porte. Après plusieurs tentatives infructueuses, elle constate que celle-ci est ouverte.  « Vilaine porte » annonce-t-elle en chuchotant aussi faiblement que l’alcool lui permet. La lune éclaire la pièce qui semble vide. Plus que quelques mètres et Aédan pourra enfin se coucher. Avançant faiblement, elle se débarrasse de ses affaires comme elle en a pris l’habitude. Elle laisse tout trainer, juste pour le provoquer. Chaussures abandonnées, sa veste trouve refuge non loin de la cuisine. Son pull la suit de près. En jupe et débardeur la jeune femme décide de faire une pause sur le canapé. Sa chambre lui semble si loin. Sans regarder, elle s’allonge dans le sofa qui n’a pas la douceur escomptée. Clignant des yeux, elle se rend compte qu’elle vient de s’allonger sur James.  « Oups. pardon » dit-elle, un sourire presque niais sur les lèvres. Elle ne bouge pas. Sa présence la rassure même si elle n’ose pas lui dire. Depuis la mort de son père, elle n’a jamais été aussi proche physiquement de quelqu’un. Et ça lui manque. Elle donnerait tout pour un câlin de son père.  « Tu dors pas ? » Allongée sur lui elle le regarde, posant son menton sur son torse.  « Bon, en même temps, je t’ai peut-être réveillé. Désolée. » Elle ne l’était pas vraiment. Elle n’avait pas envie d’être seule. Mais elle savait aussi que ce n’était qu’une question de secondes avant qu’il ne la pousse et se lève en catastrophe.  

James en a marre de devoir passer derrière elle. Il a cette impression qu’il habite avec une gamine en crise d’adolescence qui se rebelle contre son père. Sauf qu’il n’est pas son père et que le sien est mort depuis peu.
Ce père qui était un de ses amis le plus précieux, qui le connaissait assez pour savoir quand le calmer. Il lui arrive souvent de perdre le contrôle, surtout quand il est question de sa femme, de l’alcool. Quelque chose qu’il a du mal à supporter. La mort de Miles avait ouvert des blessures qu’il pensait rétablies.
Un soupir s’extirpe de ses lèvres alors qu’il jette un regard à la chambre d’Aédan. Ses yeux s lèvent au ciel en voyant le chaos qui traîne dans cette pièce et surtout le fait qu’elle n’est pas là à une heure aussi tardive. Il n’est pas son père, il ne va pas lui dire quoi faire, mais elle va finir par perdre le contrôle. James se dirige vers le salon et se laisse tomber sur le canapé. Le sommeil ne vient pas. Les pensées ne cessent de se percuter. Sa femme. Miles. Il sent encore la chaleur de son sang contre ses doigts et y rêve à outrance. Ça le rend fou. Il se sent coupable et cette culpabilité est en train de le détruire à petit feu, de le réduire à néant. Il ferme les yeux, tentant de calmer le mal qui le ronge, les pensées envahissantes.

Le son de la porte qui s’agite le sort de ses pensées. Il ne dort pas depuis des heures, incapable de trouver le sommeil. Une main passe sur son visage alors qu’il ouvre les yeux pour observer la jeune femme entrer dans sa demeure. Elle y prend trop ses aises. Il n’est pas son domestique et si elle a envie de rester un peu plus longtemps, elle n’aura pas le choix de se plier à ses règles. James n’a pas envie de se coltiner les caprices d’une gamine. Il ne dit rien, parce que le brun n’a pas la moindre envie de se prendre la tête, parce qu’il n’a pas envie de lever le ton. Il sait. Il sait pourquoi elle agit de la sorte, pourquoi elle se laisse perdre dans la caresse tentante de l’alcool. Elle s’approche et au moment où il allait lui adresser la parole, elle se laisse lourdement tomber sur lui. Heureusement qu’elle ne pèse rien. « Oups. pardon » Le contact de la jeune femme contre sa peau est étrange. James n’a enfilé qu’un simple pantalon large avant de sortir de sa chambre. « Tu dors pas ? » Il lève les yeux au ciel un instant avant de plonger ses iris bleutés dans ceux de la jeune femme. « Non. À ce que je vois toi non plus.» Sa voix est ferme, surement un peu plus qu’il ne le désire réellement.
Elle s’installe. Il ne fait rien pour le moment, mais il ne restera pas longtemps dans cette position. Elle sent l’alcool. Il ne suffit que de petit mouvement pour qu’elle s’écroule sur le sol. « Bon, en même temps, je t’ai peut-être réveillé. Désolée. » Il affiche un sourire rapide et hausse les épaules. « Je dormais pas.» Il n’aime pas ce contact. C’est la fille de son ami et il a seize ans de plus qu’elle. Elle agit comme une enfant. Elle le rend fou et il doit tenir sa promesse. Il n’a pas envie qu’elle finisse chez un connard qui abuse d’elle, qu’elle finisse dans la rue et qu’elle ne soit pas capable de terminer ses études. Il n’a pourtant pas la fibre paternelle ni celle d’un homme ayant le temps de s’occuper d’une enfant. « Tu sens l’alcool à plein nez.» Son souffle. Sa peau. Ses vêtements. Lui qui méprise l’alcool parce que ça rend con, parce que sa femme a été tuée par un ivrogne. Il ne boit pas. Parce qu’il n’aime pas perdre le contrôle et avoir Aédan dans sa vie est une perte de contrôle sur sa routine. James attrape le poignet de la jeune femme pour la faire basculer sur le côté, elle se retrouve sur le tapis tout juste à côté du canapé. Il a quand même pris soin qu’elle ne se brise pas quelque chose au moment de la chute. Il tourne la tête vers elle pour l’observer. « Tu devrais prendre une douche.» James n’est surement pas l’homme le plus tendre ou l’homme parfait pour s’occuper d’elle, mais il fait de son mieux pour ne pas foutre la jeune femme à la rue. Elle n’est pas des plus faciles à vivre et ça a tendance à faire des flammèches entre eux. Ses iris s’attardent sur son visage, sur ses jambes fines un peu trop découvertes à sa vue et il se retourne complètement sur le dos pour observer le plafond. Bordel. « Ca m’étonne que tu te sois pas ramené quelqu’un habillé de la sorte.» C’est plus facile de la critiquer que de se dire qu’elle ne ressemble pas à une gamine. Elle est pourtant en train de le rendre fou.

La jeune femme sait qu’elle joue peut-être son avenir en étant infecte avec James. Il l’héberge gratuitement et tout ce qu’elle fait est lui rendre la vie impossible. Mais malgré tout, Aédan  continue dans cette voie. Elle s’en amuse, elle sent que ça le dérange. A peine rentrée dans l’appartement, ses affaires se retrouvent par terre. Tout ce qu’elle espère c’est que James sera agacé le lendemain. Aédan préfère vivre légèrement, elle ne veut pas penser. Pas ce soir. Elle sait que lorsque l’alcool se dissipera, la douleur reviendra la frapper fortement. Se maintenir occupée, faire la fête sont ses solutions pour ne pas penser au fait que son père ne reviendra plus jamais. Aller voir un psychologue, la jeune femme y a songé, il l’aiderait sûrement à extérioriser son mal être et ne pas s’enfermer dans ce rôle de fille qui va bien. Parce que ça n’est pas du tout le cas. Aédan va mal mais personne ne s’en rend compte, personne ne le sait. Elle aussi parfois aimerait oublier ce qui la détruit. Oublier son malaise, sa tristesse. Elle voudrait que son père revienne, mais tout ça est impossible.

Le chemin jusqu’à sa nouvelle chambre lui semble si long alors Aédan préfère s’arrêter sur le canapé. James lui criera sûrement dessus dans quelques heures. Peu importe. Le canapé ne s’avère pas si moelleux qu’elle l’aurait imaginé. Pourtant, elle ne bouge pas. Pourquoi le faire alors que James se trouve juste sous elle, torse nu, les cheveux en bataille. Un instant, la jeune femme se demande s’il n’est pas une hallucination à cause de l’alcool mais la chaleur de son corps lui fait rapidement comprendre qu’il est bel et bien réel. Pour son plus grand plaisir. Ses excuses pour l’avoir réveillé ne sont que du vent. Elle est ravie de l’avoir tout près d’elle. James a toujours été attirant à ses yeux, aussi loin qu’elle se souvienne. Gamine, quand son père l’avait ramené pour la première fois chez eux, elle avait été frappée par la clarté de son regard. Chose qu’elle n’a jamais oubliée. Aujourd’hui, les yeux de James sont plus froids, plus tristes, mais toujours aussi beaux. En grandissant, cette admiration s’est transformée en attirance. La jeune femme n’a jamais rien tenté mais il lui a toujours plu alors vivre à ses côtés, pouvoir le voir presque nu parfois était un plaisir non négligeable dans sa vie de merde. Elle aurait pu plus mal tomber. Il est la seule personne qu’il lui reste et il en est de même pour lui. James a perdu sa femme et son meilleur ami. Il est seul. Comme elle. Alors aujourd’hui, ils sont seuls à deux. Aédan lui est reconnaissante d’accepter de l’héberger, sans lui, elle serait à la rue. Elle devrait mieux se comporter, elle le sait mais se calmer voudrait dire perdre pied et craquer. Ce qu’elle ne voulait pas.

« Non. À ce que je vois toi non plus.» Aédan ne peut s’empêcher de sourire en sentant son torse nu contre ses mains. Sa peau est chaude et douce. Tout le contraire de son ton. La jeune femme sait qu’il a envie d’être plus sévère, qu’il aimerait l’engueuler mais qu’il n’ose pas. « Je dormais pas. » Le sourire d’Aédan ne faiblit pas. Il ne l’a pas encore repoussée. Elle peut donc profiter au maximum de sa présence et même si l’attirance est indéniable, elle apprécie aussi le contact simple. Juste sentir quelqu’un près d’elle, quelqu’un sur qui elle peut compter. Elle aurait aimé qu’il l’enlace, qu’il la serre juste un peu, juste quelques secondes. « Tu sens l’alcool à plein nez.» Faussement désolée, Aédan grimace. « C’est parce que j’ai un peu abusé. tu t’en doutes. » Ca ne doit pas être agréable pour lui. A sa place, la jeune femme l’aurait sûrement déjà rembarré et repoussé. Une personne saoule et qui sent l’alcool n’est jamais de bonne compagnie.

« Tu sais je… HEY ! » Alors qu’elle ne s’y attend pas, elle se retrouve sur le tapis. James a été doux, il ne l’a pas poussée violemment. Aédan reste là où elle vient d’atterrir et le fixe pas fâchée pour un sous. « Tu devrais prendre une douche.»  Se reniflant le bras, Aédan rigole. « T’exagères, je sens un peu l’alcool, je pue pas la merde ! » Prenant ses aises sur le tapis, la jeune femme ne lâche pas du regard son hôte. La tension entre eux lui plait. Ca met du piquant dans sa vie et l’aide à garder la tête hors de l’eau. « Ca m’étonne que tu te sois pas ramené quelqu’un habillé de la sorte.» Penchant la tête, Aédan sourit, amusée. « Ah oui ? Tu trouves que je suis habillée comme une salope ? Là encore, tu exagères, il y a bien pire. Puis j’ai enlevé la moitié de mes fringues en entrant ci, j’avais un pull. » A peine redressée, elle rigole. « T’aimes pas ? Réellement ? Tu préfères les filles habillées moins court ? » Frôlant ses propres jambes de ses mains, Aédan glousse. « Oh mais puisque tu en parles, j’ai le droit de ramener quelqu’un ici ? » La jeune femme n’est pas sérieuse. Jamais elle n’a songé à ramener un homme dans cet appartement. Elle veut le rendre fou mais pas au point d’être irrespectueuse. Mais s’il lui autorise, peut-être qu’elle y songera. « Faudrait pas que tu me surprennes dans une position peu catholique » dit-elle en souriant l’air malicieux. L’alcool est encore trop présent dans son sang pour qu’elle cesse de l’embêter. Demain, elle le regrettera surement. Pour l’instant, elle s’amuse.  

Il ne s’attendait pas à ce qu’elle se retrouve contre lui. Ça a quelque chose de troublant. Quelque chose qui éveille des pulsions en lui à même de lui réprimander un soupir. C’est une gamine. La fille de son meilleur ami. Elle le rend dingue. Il a envie de lui foutre au claque autant que de la plaquer contre un mur. Son esprit ne cesse de vaciller entre ses envies et les barrières qu’il pose entre elle et lui. Il a du mal à supporter son comportement, le fait qu’elle laisse ses choses trainer un peu partout et qu’elle passe une bonne partie de son temps ivre. James ne supporte pas bien l’alcool. C’est quelque chose qui le rend hors de contrôle. « C’est parce que j’ai un peu abusé. tu t’en doutes. » Il ne dit rien, se contentant de la repousser doucement. Il n’a pas non plus envie de lui faire mal quoiqu’elle ne sentirait surement pas grand-chose dans l’état où elle se trouve. Elle semble au ralenti incapable de mettre un filtre sur ses pensées et ses gestes.

« T’exagères, je sens un peu l’alcool, je pue pas la merde ! » Il laisse son regard se porter sur le plafond. L’alcool. Ce n’est pas un bon moyen d’oublier la peine, elle risque seulement de s’enfoncer un peu plus, se perdre un peu plus. James n’a pourtant pas envie de jouer le rôle de père, parce qu’il ne peut pas remplacer Miles. « Non. Mais je supporte mal les gens saouls.» Il hausse les épaules. Ce n’est que la vérité et le policier se doute que Miles lui a surement parlé de la mort de sa femme. C’est plus fort que lui. Il n’a pas envie de faire semblant, pas envie de la supporter alors qu’elle peine à tenir debout. Il passe un bras sous sa tête en fermant les yeux un moment. Le son de sa voix l’agace. Elle l’agace. Elle l’agace parce qu’il ne sait pas comment se comporter avec elle. « Ah oui ? Tu trouves que je suis habillée comme une salope ? Là encore, tu exagères, il y a bien pire. Puis j’ai enlevé la moitié de mes fringues en entrant ci, j’avais un pull. » Il ouvre les yeux pour les poser sur elle, l’observant de haut en bas rapidement. Elle ne ressemble plus à cette petite fille qu’il connait depuis trop longtemps. Ses courbes se dessiner. Ses jambes. Son corps. Sa poitrine. Il serre les dents un moment. Qu’est-ce qui lui prend à la regarder de la sorte? « T’aimes pas ? Réellement ? Tu préfères les filles habillées moins court ? » Il lâche un rire. C’est plus fort que lui. Aédan à du mal. Sa voix est molle. Son corps vacille lentement. Ses gestes sont lents. Elle n’a rien de sensuelle, mais reste qu’elle est relativement attirante pour une enfant.
C’est ce qu’elle est. Ce qu’elle a toujours été à ses yeux depuis trop longtemps. « Je préfère les filles habillées plus long et un peu plus veille aussi. J’ai l’âge de ton père.» C’était le cas. Lui et Miles avait quelques années de différence, à peine. « Oh mais puisque tu en parles, j’ai le droit de ramener quelqu’un ici ? » Il lève les yeux au ciel un moment avant de les replonger dans les siens. « Ça serait préférable que tu ailles chez eux.» Il n’a pas envie de la surprendre en train de s’envoyer en l’air. Ça le rendrait dingue. Parce que ça serait un manque de respect ou parce qu’il se sent attiré de plus en plus par elle. L’idée de la voir se faire prendre dans sa demeure ne lui fait pas envie. Elle l’enfant. Elle la petite terriblement attirante. Il reste pourtant froid. Parce qu’elle le sort de sa routine. Parce qu’elle n’a rien à voir avec sa femme. « Faudrait pas que tu me surprennes dans une position peu catholique »  Son regard est directement poser dans le sien. « Faudrait pas non. Y’a déjà tes trucs qui traînent partout, j’en vois assez comme ça.»

James finit par se redresser pour s’asseoir. Elle est debout, devant le canapé. « Agir comme une gamine ne va pas t’aider à oublier que ton père est plus là Aédan.» Sa voix se fait un peu ferme, mais c’est plus fort que lui de lui faire la morale. Il connait le mal. C’est la deuxième fois qu’il peut vivre avec cette douleur lancinante. Il la ressent depuis longtemps. James se lève pour attraper le bras de la jeune femme et se diriger vers la salle de bain. Une bouche douche avant de la foutre au lit ne lui fera pas de mal. Elle dormira mieux de la sorte. Il l’attire dans la salle de bain et ouvre la porte de sa main libre. Son regard se pose une fois de plus dans le sien. « Je sais que ça fait mal Aédan, mais boire presque tous les soirs ne va rien changer.» Sa main relâche son bras et il ouvre la douche. Sans rien dire de plus il attire la jeune femme sous l’eau. Elle ne porte déjà pas grand-chose, mais juste avoir le jet d’eau sur elle lui remettra un peu les idées en place.

Aédan a l’air bête, l’alcool la fait parler n’importe comment et c’est à peine si elle tient debout. Peu importe, elle n’a pas honte devant James. Pourtant, elle devrait, après tout, cet homme lui plait. Si elle ne fait que des bêtises face à lui et se ridiculise, elle n’aura jamais la chance de l’avoir pour elle. Mais, même lorsqu’elle y réfléchit, Aédan sait qu’elle n’a aucune chance. Il ne la voit pas comme une femme. Elle reste la gamine de son meilleur ami. Aujourd’hui âgée de 22 ans, pour James elle a dû rester à 12 ans et elle ne l’aide pas à la voir autrement qu’une adolescente en agissant de la sorte.

« Non. Mais je supporte mal les gens saouls.» Le pire dans tout ça c’est qu’Aédan en est parfaitement consciente. Elle connait son histoire et surtout la cause de la mort de sa femme. Un ivrogne lui a ôté la vie et elle comprend parfaitement sa haine contre ces gens. Pourtant, la jeune femme ne se prive pas de boire et faire la fête. Elle ne prend pas sa voiture et n’est pas dangereuse donc elle ne risque pas de tuer quelqu’un mais elle sait qu’elle titille James et tout ça doit lui rappeler de bien tristes souvenirs.  « Je sais. mais j’suis pas trop trop saoule. » papillonnant des cils, la jeune femme le fixe. Evidemment qu’elle est complètement ivre, mais elle ne veut pas l’admettre.
Lissant ses vêtements, Aédan tourne un peu sur elle même, manquant de tomber sous l’effet de l’alcool. Elle ne trouve pas que son look fait vraiment vulgaire, elle s’habille court, oui, mais elle essaie de ne pas ressembler à une demoiselle offrant son corps sur les trottoirs. Savoir que James la trouve vulgaire l’agace, elle espérait qu’il apprécie le spectacle, ce qui ne semble pas du tout être le cas. « Je préfère les filles habillées plus long et un peu plus veille aussi. J’ai l’âge de ton père.» Levant les yeux au ciel, Aédan pose une main sur sa hanche. James est un peu plus jeune que son père, quatre ans voire cinq. Pas plus. Son père l’a eu jeune, il venait d’avoir 21 ans mais ne s’est jamais défilé. Sa mère n’était pas quelqu’un de fiable d’après Miles. Aédan lui en a voulu longtemps, elle n’a jamais connu sa mère, celle-ci est décédée il y a de longues années. Aujourd’hui, Aédan s’en fiche, sa mère ne lui manque pas. Elle n’en voudrait pas. Tout ce qu’elle veut c’est son père. Chose impossible.  « Tu m’aurais eu vers… 15 ans, donc non t’as pas l’âge de mon père. Puis bon, l’âge, c’est quoi ? J’ai plus 12 ans… J’suis une femme. J’suis désirable. » Nez froncé, Aédan cherche à se convaincre elle même. Elle n’a jamais eu de problème pour trouver quelqu’un. Elle sait qu’elle est plutôt jolie. Du moins, ça marche avec les hommes de la vingtaine. James approche des 40 ans, il attend sûrement une femme. Une vraie.

« Faudrait pas non. Y’a déjà tes trucs qui traînent partout, j’en vois assez comme ça.» Doucement, Aédan ricane. Elle en fait exprès. Laisser trainer ses sous vêtements, ses tenues très féminines. Ca l’amuse tout autant que ça agace son hôte.  « T’en vois pas beaucoup non plus. Tu m’as pas encore vue nue » dit-elle malicieusement. Voir des sous vêtements est une chose, voir quelqu’un nu en est une autre. « Agir comme une gamine ne va pas t’aider à oublier que ton père est plus là Aédan.» La phrase de James la frappe de plein fouet. Elle qui s’apprêtait à rire a, à présent, juste envie de pleurer. Ses sourcils se froncent et son regard se voile. Malheureusement, l’alcool ne lui permet pas d’oublier ce que vient de dire James. Sans broncher, elle se laisser trainer vers la salle de bain. Son esprit divague, des images de son père se bousculent dans sa tête.  « Pourquoi t’as dit ca…? » marmonne-t-elle entre ses dents. Aédan est triste et furieuse. James n’aurait pas dû en parler. « Je sais que ça fait mal Aédan, mais boire presque tous les soirs ne va rien changer. » L’eau lui glace la peau.  « PUTAIN ! » Aédan hurle mais ne bouge pas, restant sous le jet. La fraicheur de la douche la ramène peu à peu sur terre. Evidemment, l’alcool ne s’évapore pas aussi facilement mais l’eau couplée à la remarque de James sur son père la remettent à sa place.  « T’as pas le droit de dire ça ! » Son ton est tremblant, elle essaie de ne pas craquer, pas devant lui. Elle ne veut pas montrer ses faiblesses.  « Ca t’amuse d’en parler ? Tu crois que j’sais pas que ça ne va pas le ramener ?! J’suis pas stupide contrairement à ce que tu sembles penser !! » Enervée, elle arrête l’eau et sort, trempée, ne s’essuyant pas puis se fige devant James.  « Je SAIS qu’il est mort. Je SAIS qu’il ne va pas revenir. Mais merde, t’es pas obligé de me le rappeler. Tu préférerais que je pleure tous les jours, 24 heures sur 24, que je reste dans ma chambre sans rien faire ? Figure toi que je pleure. Ouais, beaucoup. Mais j’essaie de ne pas le montrer et garder la tête haute parce que si j’fais pas ces conneries, et bien j’vais sombrer. Tu devrais le savoir mieux que personne. Non ?! » Furieuse, elle le bouscule et part dans l’appartement, cherchant sa chambre. Elle se débarrasse de sa jupe et son haut dans le couloir. James va payer. Il n’aurait pas dû parler de son père. Etre saoule lui permet d’oublier, elle n’a aucune envie d’être triste alors que ces moments sont censés être des échappatoires. Même si Aédan se voile totalement la face.  

Il n’a pas envie de parler de ça. De parler de fait qu’elle n’est plus l’enfant qu’il a connu des années auparavant. À ses yeux, elle est encore la fille de son ami, celle qu’il voit depuis qu’elle est petite. Depuis pratiquement dix ans. Son corps à pourtant changé, ses traits, son visage et il peut s’en rendre compte alors qu’il l’attire vers la salle de bain, qu’il laisse ses phalanges s’enrouler autour de son poignet. « Pourquoi t’as dit ca…? » Parce qu’il ne fait que dire la vérité. Il s’est heurté à ce vide il y a de ça des années, lorsque sa femme est morte. James n’a pas envie qu’elle puisse vivre la même chose que lui, qu’elle s’enfonce, qu’elle se perde de plus en plus. Qu’elle accumule les conneries comme elle était en train de le faire.
Il lâche la brune une fois l’avoir placé sous le jet de la douche. Il faut qu’elle reprenne le contrôle de ses pensées, qu’elle retrouve le dessus et qu’elle se reprenne en main. C’est récent. Les plaies sont encore ouvertes, il le sait parfaitement bien, il le sait trop bien, mais James ne va pas laisser la jeune femme s’enfoncer lentement sans tenter de lui venir en aide. Peu importe s’il doit lui faire mal. Lui dire la vérité. « PUTAIN ! » L’eau semble avoir un effet salvateur sur elle. Elle se tend. Il sent la gorge de la jeune femme se nouer, il peut l’entendre dans le fond de sa voix. « T’as pas le droit de dire ça ! » Il soupire. James connait la douleur, il connait la perte d’un être cher et il est surement le mieux placé pour comprendre Aédan. Il ne dit rien. Écoute la rancune qu’elle éprouve pour lui.
Si un moment plus tôt elle jouait à un jeu dangereux, ses yeux démontrent une rage et une tristesse incontrôlable. « Ca t’amuse d’en parler ? Tu crois que j’sais pas que ça ne va pas le ramener ?! J’suis pas stupide contrairement à ce que tu sembles penser !! » Ca ne l’amuse pas. Ca ne lui fait pas plaisir et il en souffre autant qu’elle, mais leur peine est différente. Elle a perdu son port d’attache comme lui lors de la mort de sa femme. La seule chose à lui tenir la tête hors de l’eau. « Je SAIS qu’il est mort. Je SAIS qu’il ne va pas revenir. Mais merde, t’es pas obligé de me le rappeler. Tu préférerais que je pleure tous les jours, 24 heures sur 24, que je reste dans ma chambre sans rien faire ? Figure toi que je pleure. Ouais, beaucoup. Mais j’essaie de ne pas le montrer et garder la tête haute parce que si j’fais pas ces conneries, et bien j’vais sombrer. Tu devrais le savoir mieux que personne. Non ?! » Elle le bouscule. Il se fige un moment. Il entend les paroles de la jeune femme en écho dans le fond de son crâne.

James laisse la brune filer quelques secondes avant de se mettre à sa poursuite. Il enjambe les vêtements qu’elle fait tomber sur le sol. Il s’en fou. Il faut qu’il lui parle. Qu’il lui fasse comprendre. Arrivé près d’elle, il attrape son poignet pour la faire tourner afin qu’elle se retrouve face à lui. La nudité de son corps ne le gêne pas. Ce n’est pas comme s’il n’avait pas vu de femme par le passé, mais il a autre chose en tête que de se laisser distraire par son corps parfait. Ses yeux acier cherchent le regard d’Aédan. « Tu n’as pas besoin de faire semblant Aédan. Tu n’as pas besoin de te montrer forte avec moi. Je sais ce que tu ressens. Je le sais bien. Plus que tu ne le penses. Mile est la deuxième personne que j’ai perdu qui comptait à mes yeux. J’aurais pu sombrer, mais justement Miles a été là pour me soutenir et me sortir de cet enfer, de la vengeance. J’aurais perdu mon poste sans lui, ma dignité.» Sa voix est ferme, mais elle peut entendre le mal, elle peut sentir la souffrance et la douceur s’y placer. « Je suis là pour toi Aédan. Je vais pas te laisser faire des conneries comme bon te semble. Je m’en fou si tu me détestes, su tu me méprises.» Il prend une pause avant de continuer d’une façon plus douce. « Tu peux pleurer devant moi, tu peux souffrir. Tu penses que j’en souffre pas? Miles était mon meilleur ami. Je suis surement le mieux placé pour te comprendre.»
Elle est près de lui. Surement qu’il ne l’avait calculé. Il sent le souffle de la jeune femme venir s’échouer sur ses lèvres. Il peut sentir son parfum, entendre sa respiration saccadée. Il aurait dû s’éloigner, lâcher son poignet, mais il a envie qu’elle comprenne ce qu’il est en train de lui dire. Ce n’est pas une menace. James veut être là pour elle comme Miles a été là pour lui par le passé. C’est égoïste? Non. La fille de son meilleur ami. C’est impossible qu’il laisse la demoiselle seule avec sa peine, avec la douleur. Il va être là, peu importe qu’elle se comporte comme une enfant, qu’elle laisse ses vêtements traîner, qu’elle le rende fou. C’est impensable que ce soit autrement.

Quelques minutes auparavant Aédan était plutôt heureuse, insouciante. A présent, la colère se propage dans ses veines. Elle a envie de frapper James, de lui hurler au visage. Elle sait qu’il a raison mais elle préfère vivre dans le déni. La douleur lui semble beaucoup moins importante ainsi. Seulement, elle retarde son deuil et n’arrive pas à tourner la page.

Enervée, Aédan quitte la salle de bain. L’eau dégouline sur le sol du loft mais elle s’en fiche. James ne mérite que ça. Ses vêtements s’échouent par terre sur le chemin de sa chambre et alors qu’elle allait y entrer pour s’y enfermer, James la rattrape. Sans grande conviction, elle se débat, secouant son poignet. Son regard la tue. « Tu n’as pas besoin de faire semblant Aédan. Tu n’as pas besoin de te montrer forte avec moi. Je sais ce que tu ressens. Je le sais bien. Plus que tu ne le penses. Miles est la deuxième personne que j’ai perdu qui comptait à mes yeux. J’aurais pu sombrer, mais justement Miles a été là pour me soutenir et me sortir de cet enfer, de la vengeance. J’aurais perdu mon poste sans lui, ma dignité.» Tout ça, la jeune femme le sait déjà. Elle sait qu’il a souffert trop souvent, que sa femme lui manque et que son père était celui qui le maintenait en vie. Ils étaient si proches tous les deux que voir James sans son père faisait mal à Aédan. En voyant son hôte, parfois elle espère apercevoir son père arriver derrière lui. James venait souvent chez eux, la gamine qu’elle était le voyait aussi souvent que son père. Alors elle sait parfaitement qu’il souffre aussi. « Je suis là pour toi Aédan. Je vais pas te laisser faire des conneries comme bon te semble. Je m’en fou si tu me détestes, si tu me méprises.» Le détester ? Elle n’y arrivera pas. Il est la seule personne de confiance qu’il lui reste, le seul en qui elle a confiance. Même si elle ne lui montre pas, même si elle ne fait que des conneries pour l’énerver, Aédan tient énormément à lui. Il est sa bouée de sauvetage. Sans lui, la jeune femme serait sûrement très mal en point. « Tu peux pleurer devant moi, tu peux souffrir. Tu penses que j’en souffre pas? Miles était mon meilleur ami. Je suis surement le mieux placé pour te comprendre.» Son regard ne lâche pas celui de James. Ses paroles lui font du bien tout comme elles la blessent. Faire face à la réalité lui fait mal, Aédan reste figée sans savoir quoi répondre. La colère se mélange à la tristesse, faisant battre son coeur douloureusement.

« J’veux pas pleurer. J’veux plus. J’veux être heureuse ! C’est trop demander ? » annonce-t-elle sans lui laisser le temps de répliquer. Ses mains s’écrasent sur son torse, tambourinant dessus comme une protestation. « Je ne veux pas être une fille malheureuse. J’veux pas sombrer ! Alors quoi que tu penses je vais continuer ! » Ses poings ne cessent de maltraiter faiblement le torse de James alors que son flot de paroles ne diminue pas. « Alors si ça te plait pas, tant pis ! T’as qu’à me foutre dehors ! Je préfère faire semblant d’être heureuse et sourire plutôt que pleurer tout le temps. Pourtant j’en ai envie ! et tu le sais ! Tu le sais puisque toi aussi, tu as connu ça. Me force pas à parler de lui ou à rester sage. Je peux pas ! » Au bord de ses yeux, les larmes commencent à perler. Aédan est furieuse mais surtout très triste. James le sait et il a appuyé là où il ne fallait pas. Finalement, la jeune femme arrête de lui donner des coups. Elle le fixe, la respiration saccadée d’avoir crié et de l’avoir frappé. Elle tremble, l’eau glace son corps malgré la chaleur de l’appartement.

Sans savoir pourquoi, peut-être est-ce dû à l’énervement ou tout simplement à la beauté de l’homme face à elle, la jeune femme s’approche encore plus et se colle à lui. Ses mains se faufilent sur ses joues pour attirer son visage à elle et l’embrasser fortement. Ses lèvres s’écrasent sur celles de James, passionnément, désespérément. Aédan sait qu’elle fait une bêtise. Elle en a souvent rêvé, l’embrasser est quelque chose qui la tente depuis longtemps, pourtant, elle sait qu’elle ne doit pas faire une telle chose.

Il n’a pas envie qu’elle fasse semblant, parce qu’au final, faire semblant d’être heureuse ne change rien, elle ne l’est pas vraiment. Alors qu’elle parle, qu’elle lance ce qu’elle a au fond du cœur, dans ses pensées, il se contente de se taire. Il sait que ca fait mal, mais qu’au final, elle finira par se sentir soulagée. « J’veux pas pleurer. J’veux plus. J’veux être heureuse ! C’est trop demander ? Je ne veux pas être une fille malheureuse. J’veux pas sombrer ! Alors quoi que tu penses je vais continuer ! Alors si ça te plait pas, tant pis ! T’as qu’à me foutre dehors ! Je préfère faire semblant d’être heureuse et sourire plutôt que pleurer tout le temps. Pourtant j’en ai envie ! et tu le sais ! Tu le sais puisque toi aussi, tu as connu ça. Me force pas à parler de lui ou à rester sage. Je peux pas ! » Il laisse les mains de la jeune femme frapper sur son torse, il laisse la jeune femme parler, sortir ce qui la ronge. Il n’a pas envie de la confronter, mais c’est ce que Miles avait fait pour le sortir de sa peine. Peut-être était-ce encore un peu trop tôt pour elle? Il n’en sait rien. James ne connait rien à la paternité, il n’a jamais eu d’enfant et ne se voit pas père. C’est trop tard de toute façon. James n’a pas envie de passer le reste de sa vie avec un enfant sur les bras, c’est purement égoïste, mais il n’en a pas la force.

Il allait lui répondre, il allait lui dire quelque chose, mais elle le prend de court. Il se tend quand il sent le corps de la jeune femme presque nue se coller contre le sien. Elle le rend dingue. Elle le rend complètement fou et James ne réagit pas. Il ne pose pas ses mains sur son visage, il ne répond pas au baiser, mais il laisse la brune s’approcher. Qu’est-ce qu’elle fait? Sérieusement. Il a du mal à penser correctement, à calmer le flot de pensées qui prend possession de son crâne. Le temps se suspend. Le temps s’arrête jusqu’à ce qu’il finisse par se réveiller. Ses gestes sont plus froids qu’il ne l’aurait voulu, plus brusque. Il repousse la jeune femme en empoignant ses épaules fermement. « Bordel Aédan. Qu’est-ce que tu fou?» Il ne sait pas quoi faire de plus. Il ne comprend rien. Il pensait que ce n’était qu’un petit jeu pour le provoquer, cette séduction. Jamais il ne pensait qu’elle franchirait le pas, qu’elle s’approche de lui de la sorte. James relâche les épaules de la jeune femme parce qu’il a l’impression que ses sens sont en ébullition, il sent la chaleur de sa peau contre la paume de ses mains. Il sent encore le goût de ses lèvres contre les siennes. Ça le rend fou. Il ne sait pas quoi faire. Il la lâche. Il lâche Aédan et se dirige vers la salle de bain pour attraper une serviette, il faut qu’elle se couvre, il faut qu’elle cache son corps à sa vue. Il vient de remarquer qu’elle ne porte pratiquement rien. Si un moment plus tôt il était concentré sur le fait de la raisonner, il perd un peu le contrôle. Il n’aime pas perdre le contrôle. Une fois arrivé devant elle, il lui tend la serviette. James a du mal à garder son calme. Il ne comprendre pas pourquoi elle joue à ce jeu dangereux. « Va t’habiller.» Sa voix est froide. Son visage est encore plus fermé qu’il ne l’est en temps normal. Il déteste ça, avoir pu goûter à la saveur de ses lèvres. Il couchait avec des femmes, il ne s’en privait pas, mais elles n’avaient pas l’âge d’être sa fille ou elles n’étaient pas la fille de son meilleur ami. James n’a jamais posé son regard sur elle de cette façon, en tant qu’homme. D’une certaine façon, elle fait partie de sa famille, il connait Aédan depuis trop longtemps pour que ce soit autrement. « T’as trop bu.» C’est la défaite facile. Mettre ça sur le dos de l’alcool lui semble logique et il ne va pas se tracasser avec le fait qu’elle est vraiment attirée par lui. Il pourra continuer de s’occuper d’elle sans se faire des idées. C’est surement mieux ainsi.

Aédan a fait une connerie. Embrasser James risque de lui couter cher. La jeune femme en a toujours eu envie mais le faire en plein milieu d’une dispute n’allait pas arranger les choses. Seulement, elle est trop saoule et énervée pour regretter. Son coeur bat la chamade alors que ses lèvres restent collées à celles de James, il ne la repousse pas mais elle est trop ailleurs pour remarquer qu’il ne lui répond pas. La jeune femme ne sort de ses pensées que lorsque qu’elle sent ses mains la repousser vivement. Ce geste ferme et plutôt sec la choque. Elle ne s’y attendait pas. Du moins, elle aurait dû s’en douter mais l’alcool brouille totalement les idées. « Bordel Aédan. Qu’est-ce que tu fou?» Pétrifiée, elle le fixe ne sachant plus quoi dire. Elle même ne comprend pas vraiment comment elle a osé faire ça. Mentalement, les insultes fusent. Elle se déteste. Malgré ses envies de vouloir taper sur les nerfs de James tout le temps, là, elle sait qu’elle est allée trop loin. Elle espère juste qu’il ne va pas la mettre dehors. Elle n’a nulle part où aller. Et même si elle lui mène la vie dure, Aédan tient vraiment à lui.

Ebêtée, Aédan regarde la serviette que James lui tend. Elle n’avait même pas remarqué qu’il s’était éclipsé pour aller dans la salle de bain. La jeune femme est perdue. A présent, elle regrette d’avoir trop bu. Elle ne sait plus ce qu’elle fait, ce qu’il se passe autour d’elle et là, elle déteste ça.  « Va t’habiller.» Son corps se crispe. La froid la saisit tout autant que la dureté de la voix de James. Il est furieux. Elle peut le voir sur son visage. La jeune femme a vraiment peur de sa réaction, qu’il se décide d’annuler leur accord et de la mettre à la rue. « T’as trop bu.» Enroulant son corps dans la serviette, Aédan relève ensuite les yeux vers lui. « Evidemment que j’ai trop bu, tu me le reproches depuis que je suis rentrée… » murmure-t-elle faiblement. Tournant les talons, elle obéit et va dans sa chambre qui est toute proche. Sans fermer sa porte, elle se déshabille, se débarrassant de ses vêtements trempés. Doucement, elle enfile une son pyjama, un boxer et un débardeur avant de ressortir espérant trouvé James au même endroit. « Je sais pas pourquoi j’ai fait ça. » Croisant ses bras, elle essaie de rassembler ses idées pour essayer d’arranger les choses, de lui donner une explication qui pourra le satisfaire et qu’il puisse lui pardonner son écart. « Enfin si, je sais pourquoi j’ai fait ça. Mais je sais pas pourquoi j’ai fait ça maintenant. Alors qu’on se disputait et que ça n’avait rien à voir… » Sa voix est faible, la colère est retombée. La jeune femme se sent mal. L’alcool qui se dissipe mêlé à leur dispute n’agit pas de façon positive. Elle sait qu’elle va encore plus souffrir. C’est toujours pareil. Après une cuite, elle est plus mal que la veille. Son père lui manque de nouveau horriblement et les larmes coulent à flot. Cette nuit, la dispute avec James n’arrange rien à son mal-être. « Je suis désolée. J’veux pas… J’veux pas qu’on se dispute, okay ? J’veux pas que tu me mettes dehors… » C’est sa plus grande crainte. Que lui aussi l’abandonne. « T’es la seule personne qu’il me reste. Je sais que j’te le rends pas mais… Sans toi je serais rien… » L’alcool encore présent l’aide à s’exprimer et à avouer ce qu’elle pense. Elle n’a jamais dit tout ça à James, les confidences ne sont pas réellement sa tasse de thé. La jeune femme ne s’épanche jamais sur ses sentiments, sur ses doutes. Seul son père savait la faire parler mais surtout l’écouter. « Je tiens beaucoup à toi James… » dit-elle doucement, déglutissant ensuite difficilement. Malgré les conneries qu’elle peut faire, malgré les réflexions déplacées, elle veut qu’il comprenne qu’elle tient à lui sincèrement. Il est son pilier. Il est celui qui l’aide à tenir.  

Avec elle, il ne sait plus quoi faire. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle s’approche pour prendre possession de ses lèvres. Il aurait aimé réagir plus rapidement, repousser la jeune femme alors qu’elle se colle à lui et qu’il soit apte à ressentir les courbes de son corps contre lui. Il finit pourtant par la repousser et lever le ton bien plus qu’il ne le veut réellement. Parce qu’elle le prend de court. Parce qu’il ne sait pas comment réagir face à ce rapprochement qui vient semer le trouble dans son esprit.
James se recule un peu, tentant de remettre un peu d’ordre dans ses pensées, mais il a du mal à se concentrer correctement. Il ne comprend pas son comportement. Il ne comprend pas pourquoi elle se rapproche de lui. James n’a pas envie de lui faire du mal et il n’est surement pas le genre d’homme dont elle a besoin dans sa vie. Lorsqu’elle s’extirpe de son champ de vue, il laisse une main passer sur son visage. Il a envie de lui crier dessus, mais il tente de se raisonner et d’excuser son comportement par l’alcool, avec le fait qu’elle ne contrôle rien. L’alcool. Ça le rend dingue. Elle le sait et c’est plus fort que lui de ne pas lancer des reproches à ce sujet.
Lorsqu’elle ressort de sa chambre, il repose enfin le regard sur elle. James, il est énervé, parce qu’il ne sait pas comment il a envie de réagir. « Je sais pas pourquoi j’ai fait ça. Enfin si, je sais pourquoi j’ai fait ça. Mais je sais pas pourquoi j’ai fait ça maintenant. Alors qu’on se disputait et que ça n’avait rien à voir… » Il serre un peu les dents. S’il ne dit rien, c’est le chaos dans son esprit. La fille de son amie. Elle l’attire. Elle le rend fou et en même temps, elle est comme sa propre fille. Il a du mal à savoir comment se sentir. Elle est trop jeune et tellement de choses à la fois.

James a envie de lui gueuler dessus, parce qu’il lui en veut de se rapprocher de lui alors qu’elle sait ce qu’elle représente à ses yeux. Les larmes qui remontent dans les yeux de la brune lui font mal, ca lui tord le ventre et le met mal à l’aise. C’est comme si elle arrive à retirer sa haine du revers de la main. Il se tend. Il reste stoïque un moment face à elle. « Je suis désolée. J’veux pas… J’veux pas qu’on se dispute, okay ? J’veux pas que tu me mettes dehors… » James passe une main nerveuse dans ses cheveux, une habitude qui le prend lorsqu’il est nerveux et qu’il ne sait pas comment se comporter. Il finit par faire une pas vers elle et attraper son visage pour qu’elle le regarde dans les yeux. Il déteste quand elle pleure, parce qu’il ne sait pas quoi faire. « Je ne vais pas te mettre dehors Aédan. Tu me prends pour qui?» Certes, elle le rend complètement fou et il ne peut nier que l’idée est passée dans le fond de son crâne à quelques reprises, mais il sait qu’elle a besoin de son aide. « T’es la seule personne qu’il me reste. Je sais que j’te le rends pas mais… Sans toi je serais rien… Je tiens beaucoup à toi James… »
Il laisse un soupir s’échapper de ses lèvres parce qu’il ne sait pas quoi faire et sans penser il s’approche d’elle pour prendre la brune dans ses bras. James, il passe ses mains dans le dos de la jeune femme pour coller son petit corps contre le sien. Il déteste son comportement, cette façon qu’elle a de gérer les choses, mais elle fait partie de sa vie depuis trop longtemps pour qu’il ne s’occupe pas d’elle. Pour qu’il ne se sente pas protecteur. Ce qui le rend encore plus fou, c’est de se rendre compte qu’elle ne ressemble plus d’une petite fille. Qu’elle exhibe son corps parfait à sa vue alors qu’il n’a pas envie de se rapprocher d’elle. Parce qu’elle est la fille de Miles. Parce qu’elle est Aédan. « Aédan. Arrête de pleurer s’il-t-plait. Je le supporte pas.» Sa voix est faible, elle n’est qu’un simple souffle alors qu’il garde son petit corps frêle cotre le sien. Ce corps qui se laisse posséder par les sanglots. Il ne sait pas quoi faire pour rassurer la jeune femme et c’est surement ca le pire. Il ne sait plus quoi faire. Plus le temps passe, plus il se perd.

L’idée que James la mette dehors terrifie Aédan. Sans lui, elle n’est plus rien. Il est celui qu’elle connait le plus, celui qui a toujours été là pour elle. Il aurait pu la laisser tomber, après tout elle n’était que la fille de Miles, il aurait pu la laisser se débrouiller seule mais il ne l’a pas fait. Malgré ses conneries, ses sautes d’humeurs, il la garde près de lui, il l’héberge gratuitement, il la nourrit. La jeune femme est parfaitement consciente que sans lui, elle peut se retrouver à la rue. Elle fait la fière souvent en disant qu’elle n’a besoin de personne mais c’est faux. James est tout pour elle aujourd’hui et s’il décide de l’abandonner, elle ne s’en sortirait jamais.  

Elle est perdue. L’alcool la rend dingue. Quelques minutes auparavant, elle se torpillait toute heureuse face à James avant de se retrouver en larmes devant lui. Parler de son père est une chose qui la rend fébrile. James le sait et c’est sûrement pour ça qu’il l’a mentionné. Il a voulu la casser dans son élan, la ramener sur terre. Pourtant Aédan aimerait ne pas être trop sur terre. Oublier la mort de son père et être heureuse. James n’est pas dupe. Elle réussit à berner ses amis mais pas lui. Il lit en elle malgré le fait qu’elle essaie de le cacher. Au fond, ça la rassure de savoir que quelqu’un se soucie réellement d’elle mais elle n’arrive pas à parler de Miles. Se confier signifie avancer et faire son deuil. Et Aédan ne le veut pas. Elle ne veut pas laisser son père partir. Elle ne veut pas confirmer sa mort.

Les mains de James sur son visage la forcent à le regarder. Ses yeux si bleus sont magnifiques. D’habitude si froids, ils semblent différents. Peut-être l’inquiétude qu’il a pour elle. « Je ne vais pas te mettre dehors Aédan. Tu me prends pour qui?» Reniflant faiblement, la jeune femme le regarde, complètement désemparée. « Tu pourrais… Tu devrais même.. j’suis juste horrible avec toi. » Elle s’amuse a le rendre fou. Ca la maintient en vie. Ce petit jeu l’empêche de se lamenter. James subit ses humeurs alors qu’il fait tout pour elle. Aédan s’en veut un peu au fond. Il ne mérite pas ça. Il a perdu sa femme, son meilleur ami et collègue. Il mérite un peu de paix et tout ce qu’elle fait c’est lui rendre la vie impossible. Elle ne peut même pas lui jurer qu’elle ne recommencera pas le lendemain. C’est devenu une habitude, une échappatoire.

Surprise, Aédan laisse James la prendre contre lui. Jamais il n’avait eu ce genre de geste. Il est plutôt distant et réservé c’est pour ça qu’Aédan aime le bousculer. Là, il chamboule tout en la prenant dans ses bras mais ça lui fait un bien fout. Doucement, elle enserre son dos à son tour en nichant son visage dans son cou. Sa présence la rassure. Contre lui, elle se laisse aller à pleurer. Impossible de s’arrêter. Les larmes qu’elle a trop retenues s’échappent sans qu’elle ne puisse les arrêter. « Aédan. Arrête de pleurer s’il-t-plait. Je le supporte pas.» Elle s’en veut de lui faire du mal mais ses larmes l’aident. Tout comme son étreintes, elle la soulage. « J’arrive pas… j’ai… besoin de pleurer je crois… » malgré elle, malgré les sanglots, un petit rire s’échappe d’entre ses lèvres. Fortement, elle le serre alors qu’elle pense à son père. « Il aurait honte de moi s’il me voyait te faire tout ça… Il ne m’a pas élevée comme ça… J’suis pas si chiante, j’suis pas une garce… » Elle déteste l’image qu’elle doit lui renvoyer. Aédan est persuadée que là où il est, il peut la voir. Elle veut le rendre fier mais elle n’arrive pas à retrouver le droit chemin. « J’suis désolée d’être comme ça. » Aédan le pense. Seulement, elle ne sait pas si elle réussira à changer. La douleur est trop forte et si elle ne s’occupe pas, si elle ne joue pas, elle risque de sombrer dans une trop grande dépression.

James, il n’a pas l’intention d’abandonner la jeune femme, peu importe ce qu’elle peut faire pour le rendre dingue. La voir de la sorte a quelque chose de rassurant, parce que ce n’est pas saint qu’elle fasse semblant de bien se porter, ce n’est pas saint qu’elle affiche un sourire sans esse sur son visage. James, il sait qu’au fond elle souffre et il n’a pas envie qu’elle soit une autre avec lui. Il connait la souffrance d’une perte et il sait que le deuil peut être parfois long. Ce foutu deuil, on ne le fait jamais réellement. Elle. Elle vient chambouler sa vie rangée et déplacer les choses de sa femme qu’il laissait encore traîner dans sa demeure. Ça lui fait mal, mais il sait qu’il faut qu’il passe outre, parce qu’il est largement temps qu’il tente de passer à autre chose. James, il n’a jamais eu envie de l’oublier. « Tu pourrais… Tu devrais même.. j’suis juste horrible avec toi. » Il n’ajoute rien, se contentant de secouer la tête. La majeure partie du temps, il a envie de lui foutre des claques tellement elle le rend fou, mais il sait trop bien que ce n’est qu’un petit jeu. Il sait trop bien son comportement.

Ca ne lui ressemble pas de se faire tactile, mais il ne supporte pas de la voir pleurer, de la voir souffrir et c’est plus fort que lui, de tenter de la rassurer. « J’arrive pas… j’ai… besoin de pleurer je crois… » James, il se contente de serrer la jeune femme dans ses bras, sans plus. Il n’est pas doué pour ce genre de moment, il n’est pas doué pour les contacts. Il laisse sa main caresser lentement son dos, le temps qu’elle se calme, que ses épaules cessent de bouger et que sa respiration se fasse plus lente. « Il aurait honte de moi s’il me voyait te faire tout ça… Il ne m’a pas élevée comme ça… J’suis pas si chiante, j’suis pas une garce… » Il sourit un peu. Le pire est surement qu’elle a conscience de ce qu’elle fait, mais qu’elle ne sait pas comment se comporter. « Je pense pas qu’il a honte de toi, mais qu’il est triste de te voir comme ça. Un père n’a jamais honte de ses enfants. Enfin, je n’en ai pas, mais je pense qu’il dirait quelque chose dans le genre.» Il se sent affreusement mauvais pour tenter de la rassurer, parce qu’il n’a jamais eu d’enfant et ne peut savoir ce que ça fait réellement. « J’suis désolée d’être comme ça. » Il attrape doucement ses épaules pour reculer la jeune femme de lui et attraper son regard. « Tu n’as pas a t’en faire.» Il n’aime pas se montrer tendre, mais Aédan, il la connait depuis trop longtemps pour laisser la jeune femme se perdre. Il passe une main dans le bas de son dos, tentant de ne plus penser à la saveur de ses lèvres. Il se concentre plutôt sur elle, parce que ça l’aide à ne pas dérailler. Il incite la jeune femme a se diriger vers sa chambre et lui adresse un dernier regard. « Je pense que tu devrais dormir Aédan.» Il est tard, il est crevé, il n’a plus la force de la tenir dans ses bras, de la consoler et elle va avoir la gueule de bois demain si elle ne va pas se reposer.