story of my life«
Maman maman maman ! » criait la petite fille de 5 ans dans la maison, cherchant sa mère partout alors qu'elles jouaient à cache cache toutes les deux. Mais depuis 5 bonnes minutes, l'enfant était incapable de retrouver sa mère dans les méandres du salon. Elle n'était pas inquiète. Maman n'était une tricheuse. Mais bon sang, qu'est-ce qu'elle était douée ! Elle regarda sous le canapé. Pas de maman. Elle regarda sous la table basse. Pas de maman. Elle regarda dans la commode de la télévision. Pas de maman. Aleida sortît lentement de derrière le rideau et saisît sa fille dans ses bras par surprise, la faisant sursauter, avant de rire alors qu'elle la mangeait de bisous. Sam se débattît en hurlant de joie et vînt finalement faire un câlin à sa maman, lui embrassant longuement la joue. Femme active, Aleida ne profitait réellement de la présence de sa fille que le week end. Le reste du temps, c'était son mari qui gérait. Tout comme elle avait laissé le père de son autre fille gérer seul avec la première. Lâchement, elle avait fui. Elle n'était pas prête à l'époque. Elle ne voulait pas être maman. Et puis cet homme n'était pas l'amour de sa vie. Elle le savait. Elle ne se voyait pas rester. Elle ne voulait pas rester. Mais parfois en à peine quelques années, on change. Et on regrette. Évidemment qu'elle regrettait aujourd'hui. Elle se demandait ce que Aedan, la plus âgée de ses filles était devenue. Si elle était heureuse. Si elle était aussi belle que sa Samy. Si elle réussissait à l'école, si elle avait plein de copains... Mais elle savait que ces questions resteraient sans réponse. Elle avait déjà songé à appeler son ex pour prendre des nouvelles. Savoir comment ils s'en sortaient. Mais elle ne l'avait jamais fait. Trop lâche sûrement. Et elle tentait de se rattraper comme elle pouvait avec sa cadette en lui offrant de la tendresse, de l'attention et tout ce qu'elle pensait nécessaire à son développement. Et Sam le lui rendait avec des tas de bisous et des éloges perpétuelles. C'était la meilleure maman du monde. Voilà tout. Ca faisait du bien à Aleida de l'entendre. Ca la rassurait et lui permettait de ne plus trop penser à ses erreurs passées.
Son mari revînt de son excursion à l'extérieur pour prendre le courrier et vînt embrasser ses deux femmes adorées. La plus jeune sur le front, la plus mature sur la bouche. «
On a tes résultats mon amour. » lui dît-il en lui tendant l'enveloppe officielle. Elle venait de passer un concours pour devenir juge aux affaires familiales. Elle n'en pouvait plus d'être juge d'instruction et se confronter aux pires crimes et aux affaires les plus sordides. C'était d'ailleurs comme ça qu'elle avait rencontré son ex et qu'elle était donc tombée enceinte et avait donné naissance à la première de ses filles. Ils avaient travaillé sur la même affaire et ils avaient donc dû se rencontrer puisqu'elle supervisait l'enquête. Mais les histoires de meurtre, de viol et de trafic sordide lui pesaient lourdement sur les épaules. De plus, elle avait commencé à recevoir quelques menaces qui lui faisaient peur. Qui la tétanisaient même. Elle craignait pour sa vie. Et pour son intégrité. Pour la santé de sa fille et celle de son époux. Alors elle voulait changer de voie et se tourner vers le monde du divorce et de l'autorité parentale. Ca n'était pas aussi passionnant mais c'était plus sûr, pour tout le monde. Elle voulait retrouver le sommeil. Elle voulait ne plus être angoissée. Ne plus avoir peur d'ouvrir son courrier. Ne plus avoir peur d'aller au bureau. Ne plus avoir peur, c'était tout. Elle décacheta la lettre alors que son mari prenait en charge la petite fille. Il la faisait jouer pendant que Aleida lisait avec attention la missive qu'on lui avait adressé. Elle pinça les lèvres et déchira la lettre alors que la réponse était négative. Elle avait loupé le concours. Elle n'était pas retenue. D'autres avaient été meilleurs qu'elle. Elle partît s'enfermer dans la chambre parentale pour pleurer un bon coup, refusant que sa petite famille n'assiste à ça. Et pendant qu'ils jouaient dans le salon, elle se mît à écrire une autre lettre. Une lettre adressée à Sam. Une lettre que la demoiselle ne pourrait ouvrir qu'à ses 18 ans pas avant. Elle la scella et appela Owen, son amant à la rejoindre. Il le fît après avoir demandé à la petite fille d'aller jouer dans sa chambre. Elle lui tendît la lettre et lui donna les instructions. «
Cache ça... tu vas le cacher et... et tu la donneras à notre fille quand elle aura 18 ans, d'accord ? Pas avant. Ca parle... d'Aedan. Il faudra bien qu'elle sache un jour. Alors tu lui donneras. » lui expliqua-t-elle. L'homme face à elle fronça les sourcils. «
Pourquoi moi ? Pourquoi une lettre ? Tu pourras lui dire toi-même, quand elle aura atteint l'âge que tu dis. Quand tu te sentiras prête. C'est idi... » Mais elle l'interrompît en levant une main et en venant l'embrasser désespérément. «
C'est au cas où... d'accord ? Au cas où. » chuchota-t-elle en caressant ses joues. Elle ne lui avait rien dit de ces fameuses menaces. Elle avait réussi à faire passer ses angoisses pour de l'anxiété. Pour du stress. Celui de passer le concours. Celui d'attendre les résultats. Et il n'y avait vu que du feu jusqu'à maintenant. Jusqu'à maintenant... A présent, lui aussi prenait peur. «
Chérie... qu'est-ce qu'il se passe ? » lui demanda-t-il, prenant ses épaules dans les siennes et la rapprochant de lui pour la serrer fort, sentant qu'elle en avait besoin. Aleida ferma fort les yeux pour se retenir de pleurer. «
Rien... Rien mon cœur. Je veux juste être sûre qu'elle sache. Tant que j'ai le courage d'écrire cette lettre. » Elle l'embobinait. Elle se redressa et l'embrassa à nouveau avec toute la tendresse du monde. «
Je t'aime. » lui murmura-t-elle, elle qui ne le faisait jamais, donnant encore un indice à son mari sur l'anormalité de la situation. «
Je vais coucher Sam, d'accord ? Je reviens. » et elle sortît, se dirigeant vers la chambre de sa fille. Elle l'emmena se brosser les dents avant de la border dans son petit lit simple aux draps tout doux et tout juste lavés. Elle sourît à sa fille qui avait déjà les yeux à moitié fermés. Elle caressait ses cheveux bruns du bout des doigts en la regardant s'assoupir, chantonnant une berceuse qu'elle lui avait interprété pendant toute sa petite enfance de nourrisson. Et lorsque Sam ferma enfin les yeux, elle se pencha et embrassa son front longuement, remonta le drap jusque sous son menton et murmura : «
Je t'aime, ma petite princesse. » Elle retînt un sanglot et se leva, allant rejoindre son mari dans le canapé pour regarder le film du soir, comme si de rien n'était.
Le lendemain elle prît la voiture pour le travail. Elle habitait à plus d'une heure de leur belle maison de banlieue mais le trajet ne l'embêtait pas. Elle appréciait conduire. C'était des moments privilégiés durant lesquels elle ne pensait à rien. Rien du tout. Et c'était apaisant. Mais ce jour-là, ça n'était pas le cas. Elle pensait, trop. Elle pensait à son ex et à sa fille qu'elle avait abandonnés. Et au bout d'un long quart d'heure de route, elle sortît son téléphone. Hésitante, elle composa le numéro du père d'Aedan. Au fond, elle ignorait ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire. Il lui raccrocherait sûrement au nez. Mais autant essayer tant qu'elle s'en sentait le courage. Mais elle tomba sur la messagerie. Elle crispa sa main sur le téléphone, hésitante et quand la tonalité résonna, elle ne dît rien, se contentant de respirer. Finalement elle inspira profondément. «
Salut. » lâcha-t-elle pour commencer. Conduisant d'une main, elle serrait l'autre autour de portable et ferma inconsciemment les yeux pour un laps de temps trop long. «
C'est... c'est... » eût-elle le temps de prononcer avant qu'un camion ne frôle sa voiture de si près qu'elle fût obligée de tourner violemment son volant pour l'éviter. Mais derrière elle arrivait un autre véhicule qui n'eût pas le temps d'esquiver et fonça directement dans la portière avant. Le choc fût tellement fort qu'elle dût mourir sur le coup. Peut-être sans souffrir. Et son portable vola et se brisa, laissant malgré tout ce sinistre message à son ex compagnon, sans garantis aucune qu'il ne le reçoive et ne reconnaisse sa voix d'ailleurs.
Sam rentrait de sa formation, filant sur les trottoirs, perchée en équilibre sur son skate. Son petit-ami lui avait fait faux-bond alors qu'il devait venir la chercher en scooter. Qu'importait. Elle allait voir son petit papa au passage, c'était l'occasion. Elle s'arrêta devant l'immeuble où ils avaient emménagé après le décès de sa mère. Elle se faufila à l'intérieur alors que la porte du hall commençait à se refermer derrière la petite vieille du rez-de-chaussée. Elle n'avait toujours pas passé l'arme à gauche celle-là ? Quelle carne ! «
Bonjour Madame Odette ! » la salua-t-elle joyeusement avant de monter les marches quatre à quatre jusqu'au deuxième où vivait son père. Elle sonna à la porte et son petit papa vînt lui ouvrir. Elle lui sourît de toutes ses dents et le prît dans ses bras. «
Salut mon papounet ! » s'enthousiasma-t-elle avant d'entrer. «
Je te dérange ? » lui demanda-t-elle même si au fond, que ce soit le cas ou non, il accepterait évidemment sa présence. Ils s'entendaient à merveille et quoi qu'il arrive, ils étaient ravis de se voir. «
Jeremy a oublié de venir me chercher. » râla-t-elle directement. «
Jeremy ? » demanda Owen interloqué. «
Mais ton petit-ami ne s'appelait pas Scott ? » Sa fille s'avachît dans le canapé et rît. «
Non, ça c'est l'ancien. On s'est séparé d'un commun accord vu qu'il partait vivre en Europe. Jerem' je l'ai rencontré à ma fête d'anniversaire. C'était le pote d'une pote... enfin bref. Voilà. » Elle piqua un petit gâteau sur la table basse. «
Ah oui... ton anniversaire. Ca me fait penser que je dois te donner quelque chose ma puce. » et il disparût vers sa chambre. Interloquée, Sam haussa les sourcils et le suivît. «
Quelque chose à me donner ? Qu'est-ce que c'est ? » l'interrogea-t-elle en se posant au bord de son lit. «
Eh bien, ta mère avait écrit une lettre il y a... longtemps. Elle voulait que tu la lises à tes 18 ans alors... voilà. » Il lui tendît une enveloppe toute froissée. Elle avait dû voyager celle-là. La prenant sans trop comprendre et en même temps émue, elle frôla le papier en se mordillant la lèvre. «
C'est une lettre de maman... ? » demanda-t-elle pour confirmer ce qu'elle avait déjà entendu. «
Oui. De maman. Mais tu devrais attendre d'être chez toi pour la lire. » lui intima-t-il. Alors Sam repartît, cette lettre en poche. Elle s'installa dans le canapé clic-clac de son studio. Elle aurait réellement 18 ans dans deux jours et elle savait qu'un héritage l'attendait de la part de sa mère. Ca lui permettrait d'avoir un endroit plus agréable pour vivre. Plus grand surtout. Elle n'avait pas hâte pourtant. C'était encore un peu douloureux de repenser à ça. Même si c'était vieux. Elle observa longuement la lettre, ne sachant pas trop quoi en faire. Il faudrait bien qu'elle la lise à un moment ou un autre pourtant. Alors elle l'ouvrît avec un couteau échoué sur la table basse et sortît la feuille noircie de mot. L'écriture de sa mère était courbe. Elle était belle. C'était quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru voir et pourtant... Elle se mît à lire.
« Ma toute petite. Ma chérie, mon trésor de Sam,
Si tu lis ça c'est que tu as atteint tes plus belles années, que tu es devenue une femme. Je suis sûre que tu es belle, resplendissante et que tu les fais tomber comme des mouches. C'est une belle époque, dix huit ans. Une très belle époque. Profites-en à fond ma belle ! Et profites de toutes tes autres années. La vie est trop courte. Elle vaut le coup qu'on la vive à fond. Fais toi plaisir, toujours. Ne te prends pas la tête avec des idioties. Ne regrette rien. Absolument rien. C'est important. Sois heureuse, mon petit cœur. Sois juste heureuse.
Si je t'écris cette lettre ce n'est pas juste pour te donner des conseils un peu bateau. Ce n'est pas juste pour te dire à quel point je t'aime et à quel point je suis fière et serai toujours fière de toi. J'ai aussi une confidence à te faire. Tu n'es pas fille unique. Tu n'es pas la première de mes enfants. Elle s'appelle Aédan. Je t'aime de tout mon cœur, d'accord ? N'en doutes pas. Mais j'ai été bête, plus jeune. J'ai été une sombre idiote. Et j'ai eu un premier bébé. Une fille, comme toi. Et je l'ai laissé, elle. J'ai abandonné ta sœur et son papa. Tu risques de me détester pour ça. De te l'avoir caché. Je ternis peut-être à jamais l'image que tu pourrais avoir de moi. Mais sache que c'est une erreur que je ne reproduirais pas si je devais recommencer ma vie à zéro. J'aurais cette fille mais je la garderais. Et je t'aurais toi aussi. Et je vous aimerais toutes les deux à part égale tout comme aujourd'hui. Je regrette d'avoir fui, d'avoir été lâche et de l'avoir laissé. Mais je ne regrette pas de l'avoir eu. Je ne regrette pas non plus mes choix. Sans quoi je ne t'aurais pas eu toi. Vous êtes mes deux plus belles réussites. Mes fiertés. Et je te donne ici la lourde tache de la trouver. Pour toi, parce qu'une sœur, c'est précieux. Mais aussi pour elle. Pour que tu lui dises tout ça. Pour que tu lui dises que je l'aime aussi. Pour que tu lui dises que j'ai pensé à elle. Que je ne l'ai jamais oublié. Je te veux heureuse. Et je la veux heureuse aussi. Tu dois trouver ça couard de ma part. Tu dois trouver ça honteux que j'ose te demander quelque chose comme ça. Egoïste aussi. Pourquoi je ne le fais pas moi-même ? Ou ne l'ai pas fait... ? Je suppose que je ne suis juste pas courageuse. J'espère que toi, tu auras plus de cran que moi. Avec le père que tu as, je n'en doute pas.
Je t'en prie ma Sam, ma beauté, ma fille adorée... trouve ta sœur et dis lui que je l'aime aussi. Et soyez heureuses. Toutes les deux. Tous mes conseils s'appliquent aussi à elle. Retrouvez vous et apprenez à vous connaître. J'espère qu'à cause de moi, vous ne serez pas en conflit. J'espère que vous apprendrez à vous aimer.
Ta maman. Votre maman. »
Les larmes avaient noyé ses joues pendant sa lecture. Elle était à la fois émue et prise complètement au dépourvu. Un peu en colère aussi. Elle avait une sœur aînée... Elle avait ailleurs dans le monde une personne du même sang qu'elle. De la famille. Aédan... Elle ne savait même pas où chercher, elle ne savait même pas comment elle la trouverait mais si c'était là la volonté de sa mère, pour sa mémoire, elle essaierait de trouver cette sœur inconnue. Ca n'allait certainement pas être chose facile. Mais ça lui donnait au moins un objectif réel dans la vie. Elle essuya son nez grossièrement et appela son père, déjà prête à recueillir quelques informations auprès de lui.