Je dois te dire que je m'en vais

Une nouvelle page de la vie de Spencer est sur le point de s'écrire. C'est loin d'être évident, la décision n'a pas été facile à prendre, lui qui est si proche de ses parents, et tout particulièrement de sa maman, pour ne pas dire qu'ils sont carrément fusionnels. Mais il a vingt-deux ans, et bien qu'il se sente très bien au domicile familial, qu'il ne ressente pas spécialement le besoin de quitter ses parents, il a envie de prendre sa vie en main, d'être un peu plus indépendant. C'est peut-être dû à madame Callahan, qui se montre quelque peu curieuse sur la vie privée de son garçon, et Spencer n'aime pas vraiment aborder ce genre de sujet avec elle, avec eux. Il n'est pas vraiment du genre cachotier, loin de là, et n'a que très peu de sujets tabou, mais disons que là ça l'ennui un peu. Peut-être parce que pour une fois, elle aurait quelque chose à découvrir si elle creusait un peu la carapace réservée de son fils. Quoi qu'il en soit, il n'avait pas réellement prévu à la base de partir si tôt de chez eux, mais il est tombé sur une annonce, une jeune femme qui cherchait quelqu'un pour de la colocation, c'est là que l'idée a émergé en lui, et il a tenté sa chance. Avec Ophélia ça a fonctionné, alors voilà, c'est bientôt le grand déménagement. La pilule a eu un peu de mal à passer auprès de ses parents, principalement auprès de sa mère, qui refuse de le voir grandir et de le voir s'éloigner d'elle, alors qu'il n'a absolument aucune intention de ne pas passer régulièrement les voir, de ne pas les appeler ou même de couper les ponts. Non, hors de question. Il prend son indépendance immobilière, mais il reste attaché à eux malgré tout, il restera inconditionnellement leur fils.

Spencer sait qu'outre ses chers parents, il y a une autre personne qu'il doit absolument prévenir et qui risque de mal prendre nouvelle. Pourtant, il ne va pas très loin, il ne sera juste plus juste à côté, mais ça ne l'empêche pas d'appréhender de l'annoncer à Hurricane. Le jeune homme est son voisin et il le considère un peu comme son petit frère, c'est pour quoi il a si peur de le blesser en lui disant qu'il ne sera pas toujours aussi près de lui géographiquement parlant uniquement, évidemment. Pas plus qu'il ne compte se séparer réellement de ses parents, le bouclé ne compte pas non plus abandonner le blondinet. — Je passe chez toi à 18 h, j'ai quelque chose à te dire. Spencer reste volontairement évasif, il n'a pas envie de faire ça par texto interposé, mais il doit s'assurer que Hurricane soit bien chez lui, c'est pour quoi il lui précise quand même la raison de sa venue. Il pourrait très bien le faire venir chez lui pour ça, mais d'une, il ne veut pas remuer le couteau dans la plaie à ses parents qui entendront probablement la conversation entre les garçons et deuxièmement, vu que c'est lui qui a une chose si importante à annoncer, il trouve normal que ce soit lui qui fasse le déplacement, bien qu'il n'y a que quelques mètres qui séparent les deux maisons.

Dix-huit heures tapantes, l'étudiant est devant la maison des Abercrombie, stressé comme il ne l'a pas été depuis très longtemps, lui qui est plus tôt du genre posé et calme à toute épreuve. Il stresse depuis qu'il a envoyé le message, se préparant intérieurement le discours qu'il lui fera, cherchant les bons mots pour que ça se passe le mieux possible. Il sait que cette préparation est en vain, que le moment venu tout s'envolera aussi tôt de son esprit, le laissant seul avec sa crainte de ne pas dire les bonnes phrases. Spencer prend une profonde inspiration pour se donner du courage et passe une main dans ses boucles brunes, les plaçant en arrière pour se donner un peu de contenance et il sonne enfin. Les secondes qui s'égrènent jusqu'à ce que la porte s'ouvre enfin, lui semble être des heures, une longue torture qui le laisse se perdre dans ses pensées. « Salut toi ! » Il adresse un sourire un peu coincé à son ami, essayant de ne pas paraitre trop tendu, mais sans réel succès. « J'espère que je ne te dérange pas, mais il faut vraiment que je te parle. » Le bouclé ne veut pas paraitre pressant ou faire paniquer Hurricane, mais le fait est que le déménagement est proche, et qu'il souhaite absolument le lui annoncer avant, ne préférant pas qu'il le découvre par quelqu'un d'autre ou une fois que ce sera déjà fait, car il sait d'avance que si tel était le cas, Hurricane ne lui pardonnerait certainement pas. Non, il doit être celui qui le lui dit. Lui et personne d'autre. « Tu m'invites à entrer ou... ? » Sans vraiment laisser au blond de répondre, il avance pour entrer, ne faisant pas vraiment comme chez lui, mais s'invitant tout seul à l'intérieur. Ce n'est pas comme s'il ne connaissait pas la maison de toute façon, ni ses habitants, au contraire même, il s'entend bien avec tout le monde, hormis peut-être la demi-soeur de Hurricane, un peu trop spéciale à son goût. Et puis Spencer, il n'est pas du genre à mettre les formes, ni a tourner autour du pot une éternité, plus vite ce sera fait, plus vite il pourra lâcher ce souffle qu'il retient et qui lui créé un noeud à l'estomac.

Je dois te dire que je m'en vais

C'est bien la première fois que Spencer se sent si mal sous le toit des Abercrombie, même s'il n'en montre rien, étant plutôt doué pour cacher ses sentiments. En même temps, il a une relation assez forte avec Hurricane et il connait suffisamment le jeune homme pour savoir que ce dernier ne va pas forcément apprécier la nouvelle qu'il est venu lui apprendre. C'est vrai, il ne part pas très loin, il ne quitte pas Memphis, pas même leur quartier, c'est juste qu'il ne sera plus juste à côté comme c'était le cas jusqu'à maintenant. Ce ne devrait même pas avoir une si grande importance, mais le bouclé ne peut s'empêcher d'être inquiet concernant la réaction du lycéen. Il suit en silence le blondinet jusqu'à l'étage, jusqu'à sa chambre, essayant de se préparer à la meilleure façon de lui dire, mais rien ne semble le satisfaire, sans doute son côté trop perfectionniste. Une fois dans la chambre, il regarde Hurricane prendre place sur son lit et hésite entre rester debout et imiter son ami. Finalement, après quelques secondes d'hésitation, il se dit que s'asseoir confortablement sera peut-être une aide pour lui, plutôt que de stresser comme un idiot, en restant debout comme un piquet. Spencer hôte donc ses chaussures et prend également place sur lit, au bout, en tailleur, faisant face au jeune homme. « Voilà, je ne sais pas trop comment te le dire, mais je peux déjà t'assurer que ça ne changera rien pour nous. » L'étudiant s'humidifie les lèvres et se force à regarder Hurricane dans les yeux au lieu d'esquiver son regard, ça ne lui ressemble pas la fuite. « J'ai trouvé un appartement, une colocation pour être précis, et donc je déménage de chez mes parents. » Voilà, l'info est sortie et Spencer ne ressent qu'un léger en poids en moins en lui, tant qu'il n'aura pas la réaction de Hurricane, il n'arrivera pas à s'ôter le stress qu'il cultive depuis des heures.

Son portable se met à sonner dans la poche de son jean. « Merde, désolé. C'est ma mère, faut que je réponde. » Le bouclé s'en veut d'avoir oublié de mettre sur silencieux, d'ordinaire, il n'oublie jamais, et il évite toujours quand il est en compagnie de quelqu'un pour une sortie, ou quelque chose d'important, de couper la sonnerie, sur ça, Spencer est quelqu'un de très respectueux. Probablement l'angoisse qui a eu raison de son bon sens. Il se lève donc et s'éloigne un peu, allant se positionner à la fenêtre de la chambre pour répondre à sa maman. « Je suis chez Hurricane, mais si je t'avais prévenu. Oui. OK. Pas de soucis, je saurais me débrouiller. À demain alors. Bisous. » Il se dépêche de raccrocher, et revient prendre sa place sur le lit. « Vraiment désolé. Je n’oublie pourtant jamais de mettre sur silencieux. » Spencer se passe une main dans ses longs cheveux bouclés, cheveux que sa mère trouve trop longs, mais qu'il se refuse à couper. « Pour en revenir à ce que je t'ai dit. Je ne veux pas que tu le prennes mal, je ne t'abandonne pas hein. Je ne serais pas loin, pour tout dire, je ne change même pas de quartier. C'est juste que je pense que c'est le bon moment pour moi de prendre mon indépendance. » En temps normal, comprendre avec quelqu'un d'autre que le lycéen, Spencer n'aurait même pas pris la peine de se justifier, il aurait balancé l'information, histoire de tenir la personne au courant et basta. Mais avec Hurricane c'est différent, il est comme un petit frère pour le jeune homme et il ne se voyait pas lui dire ça de façon aussi directe et abrupte qu'il aurait pu le faire avec une autre personne. Spencer fixe son ami, attendant avec inquiétude sa réaction.