« Allez Aédan rentre avec moi » demande un de ses amis. Du moins, si on peut appeler ça un ami. Il se fiche qu’elle ne soit pas en pleine possession de ses moyens. ça l’arrange.  « Non. Laisse-moi tranquille. » Phrase répétée peut-être plus de vingt fois ce soir. Encore une soirée trop arrosée. Aédan ne tient presque plus debout. Ses chaussures beaucoup trop hautes ne l’aident pas à garder l’équilibre. Les garçons autour d’elle en profitent. Une fille vulnérable, complètement saoule, c’est pour eux une proie très facile. Elle les repousse. Elle n’en a pas envie. Pas ce soir. Elle doit rentrer. Il est tard, James va sûrement lui faire la morale. Encore. La jeune femme aurait aimé changer, pour lui, mais elle n’y arrive pas. C’est plus fort qu’elle. Lorsqu’elle se dit qu’elle doit faire des efforts, son courage s’envole. Elle préfère la facilité. Boire, vivre légèrement pour oublier ses malheurs. Elle sait que la chute sera difficile lorsqu’elle décidera de tourner la page sur ses bêtises. Elle n’est tout simplement pas prête.

Dans la rue, devant la boite de nuit, elle tangue. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne sait pas comment rentrer chez James. Un des jeunes hommes qui l’a accosté durant la soirée en profite pour la suivre. « Oh mais laisse-moi toi. » Ses mots n’ont aucun impact sur l’homme qui finit par la coller à lui.  « OH MAIS CA VA PAS ?! » Aédan hurle et se débat comme elle peut. Elle n’a pas spécialement peur, l’alcool inhibe cette sensation. « tais-toi, on peut passer un super moment toi et moi, allez. » « NON. » Catégorique, elle le gifle violemment. Alors qu’il allait répliquer, Aédan constate que son geste est bloqué par un policier.  « haha ! tu fais moins le malin crétin ! » Gloussant, la jeune femme se moque de lui ouvertement. Les policiers la regardent amusés mais aussi embêtés lorsqu’ils la reconnaissent. Miles O’loughlin était un de leur collègue et ils connaissent parfaitement le visage de sa fille. Aédan les a aussi sûrement vus un jour en passant au commissariat, seulement, ce soir, elle ne fait pas le rapprochement. Les hommes savent aussi qu’elle vit chez James et décident de la prendre avec eux, relâchant le jeune homme contre qui ils ne peuvent rien. « tu viens avec nous… » la voix du policier n’est pas agressive mais Aédan ne le remarque pas. Tout ce qu’elle comprend c’est qu’elle se fait arrêter.  « Oh ! Je ne suis pas celle qu’il faut emmener ! » Malgré ses tentatives pour s’échapper, la jeune femme se retrouve dans la voiture et menottée.  « Vous êtes cinglés ! Relâchez-moi ! Je connais quelqu’un au poste ! Il va vous trucider ! » Les policiers sourient se doutant que James va plutôt la trucider elle. « Nous faisons ça pour vous mademoiselle. »  « Pour moi ?! Vous m’arrêtez, vous me passez les menottes et c’est pour moi ? SUPER. vive la police. Il va m’entendre lui, tiens. » Vexée, Aédan se jure de se plaindre à James.

Arrivés au poste, les policiers veulent juste l’amener à James mais Aédan ne se laisse pas faire.  « AU SECOURS ! » Il est tard, les effectifs sont réduits. Les employés présents la regardent intrigués. Pas de trace de James.  « JAMES OXBURRY. OU ES-TU QUE JE TE PASSE UN SAVON. » Furieuse, la jeune femme se débat encore. Les menottes lui font mal. Elle ne supporte plus cette situation.  « Laissez-moi ! Je veux parler à James ! » Aédan a l’air d’une folle furieuse et les policiers n’ont pas d’autre choix que de l’enfermer dans une des cellules du poste.  « ENLEVEZ MOI LES MENOTTES ! ME LAISSEZ PAS LA ! » Se tortillant sur ses talons, les mains dans le dos, Aédan finit par tomber sur les fesses. Les larmes montent immédiatement dans ses yeux trop maquillés. Elle n’est pas triste. Juste furieuse.  « JAMES !! » Sa voix raisonne dans tout le commissariat.  « Putain, mais ouvrez-moi ! JAMES !! JAMES OXBURRY. » Énervée, elle ne cesse de scander ses noms et prénoms dans l’espoir qu’il arrive. Peut-être est-il sur une intervention. Ou alors il est tout simplement rentré.  « si James ne me voit pas rentrer, il va s’inquiéter !! Prévenez-le au moins ! Bande d’incapables ! » Assise par terre, elle tape dans les barreaux avec ses chaussures aux talons vertigineux.  « OUVREZ !! »  

Comme une folle, Aédan s’acharne sur les barreaux, les policiers présents ont abandonné l’idée de la faire arrêter. Elle est infecte mais elle ne supporte pas la situation. Etre enfermée ainsi alors qu’elle n’a strictement rien fait ne lui plait pas. Se foutant de créer des problèmes à James, la jeune femme continue de hurler à qui veut bien l’entendre qu’elle veut absolument qu’il vienne. Au fond, elle a peur. Se retrouver ici, menottée n’est pas une chose qu’elle apprécie. Que peut-il lui arriver ? Elle hurle, elle a manqué de respect à des policiers, peut-être risque-t-elle une peine ? une amende ? A cette pensée, elle aurait dû s’arrêter, mais non. Plus encore elle veut que James vienne la sortir de là. Ils n’oseraient pas mettre une amende à la fille de Miles. Impossible.

Alors qu’elle continue son petit manège, elle n’entend pas James arriver. « J’pense que je devrais te laisser décuver ici, je sais pas si j’ai envie que tu rentres dans ma voiture au risque de vomir dedans.» Relevant vite le visage vers lui, Aédan fronce le nez. « Je vais pas vomir ! » Il a l’air furieux. Elle s’en doutait un peu. Elle est complètement saoule, sa tenue n’est pas des plus couvrantes et elle ne cesse d’hurler dans le commissariat. Son père l’aurait sûrement tuée si elle avait fait ça de son vivant. Seulement, Aédan n’était pas comme ça à l’époque, son père n’a pas connu cette facette d’elle, il ne l’aurait pas laissée faire. « Je pense que commencer par cesser de crier, ca pourrait être pas mal.» Grognant doucement, la jeune femme tente de se relever. Chose difficile puisque ses mains menottées et l’alcool l’empêchent de se stabiliser. Finalement, après beaucoup d’efforts, elle parvient à se mettre sur ses hauts talons. « Ça va je crie plus là » lance-t-elle amèrement. James n’a pas l’air de vouloir la laisser sortir et ça l’énerve. « Tu devrais essayer le lit, il est pas si mal.» S’approchant le plus possible, elle se colle aux barreaux. « Tu vas pas me laisser là quand même ? » Malgré la colère toujours présente, elle tente une moue triste. « James, s’il te plait… tu peux pas me laisser là… J’ai froid, j’ai mal aux pieds » dit-elle d’une voix toute douce. Ses grands yeux maquillés implorent James. Elle sait que la manœuvre va être difficile et qu’il risque de ne pas se laisser amadouer aussi aisément qu’elle l’aimerait. Doucement, elle colle son front aux barreaux. Tout ici la répugne, la cellule est plutôt sale. Qui sait quel genre de personne a pu s’y trouver avant elle.  « Enlève moi au moins les menottes… S’il te plait… » dit-elle en le regardant intensément. Puis, lentement, elle se tourne pour montrer son dos et donc ses mains à James. Sa voix se fait un peu plus tendre encore, elle veut absolument sortir d’ici.  « J’ai peur… ramène moi à la maison… » De profil, elle le regarde comme elle peut, espérant voir son visage s’adoucir. Elle n’a qu’une envie, sortir. Mais aussi hurler contre James qui prend trop de temps pour la délivrer. S’il ose la laisser dans la cage, elle risque de réellement s’énerver et de lui rendre la vie impossible. Elle ne va cependant pas le menacer, pas encore. Elle ne veut pas réduire à néant ses chances de sortir. Passer la nuit au poste n’est pas une chose qu’elle envisage. Aédan a honte d’être là, traitée comme une délinquante. Elle n’est pas une délinquante, elle est juste perdue. Mais ça, personne ne le sait à par lui. A part James. Alors pourquoi ne lui pardonne-t-il pas son écart en la délivrant ? Aédan sait qu’elle l’agace mais elle espère aussi qu’il tient assez à elle pour lui éviter une nuit en cellule.  « James s’il te plait… » Cette voix, elle l’utilisait souvent pour amadouer son papa. L’homme ne résistait pas longtemps avant de céder en voyant sa bouille et en entendant sa petite voix. Aujourd’hui, elle n’est plus une enfant et son comportement n’aide sûrement pas James à la voir comme l’adulte qu’elle est. Elle fait n’importe quoi et ce soir en est encore la preuve.

Aédan veut à tout prix sortir de cette foutue cage de fer. Elle n’a rien fait de mal au fond, est-ce légal de la garder ainsi ? Son esprit est trop embrouillé pour y réfléchir. James doit juste céder à ses petites minauderies. Elle est complètement saoule et elle sait qu’il déteste ça mais n’est-il pas assez sensible au point de lui ouvrir ? Il va lui ouvrir. La jeune femme en est presque certaine. Malgré son état lamentable, malgré ses cris et ses caprices. Elle tente le tout pour le tout. Sa voix se fait tendre, ses gestes essaient d’être doux. L’amadouer lentement pour qu’il finisse par lui ôter les menottes et la délivrer. Dos à lui mais scrutant James en tournant un peu la tête, elle attend patiemment. Du moins, elle essaie. L’envie de crier à nouveau lui ronge les entrailles. Elle ne supporte pas d’être enfermée, il faut qu’il se dépêche. « C’est bon, je suis pas ton père, tu ne m’aurais pas en faisant les yeux doux.» Pourtant, du coin de l’oeil elle le voit attraper les clés. Il va la libérer. C’est évident. Sa voix à beau être froide, il fait ce que la jeune femme lui demande. Un sourire se colle sur les lèvres de la brune alors que leurs mains se frôlent au moment où il ouvre ses menottes. Enfin libérée, elle se retourne rapidement et lui sourit. « Je ne t’aurais pas en faisant les yeux doux ? Pourtant tu viens d’enlever les menottes comme je te l’avais demandé » dit-elle en papillonnant doucement.

Mains accrochées aux barreaux, elle attend la suite : que cette fichue porte s’ouvre et qu’elle puisse enfin rentrer chez elle. Seulement, James ne fait rien de plus. Il se contente de jeter les clés sur le bureau, loin d’elle. Sourcils froncés, Aédan le fusille du regard. « Je pense que ça ne te ferait pas de mal de passer une nuit ici. Je ne suis pas ta nounou Aédan.» Les dents de la jeune femme se serrent alors que les paroles de James percutent son esprit alcoolisé. Il va la laisser là. « Tu déconnes j’espère ? » Sa voix est redevenue froide, tout autant que celle de l’homme face à elle, voire plus. Elle le déteste. « J’ai fini moi, j’ai déjà fait du temps supplémentaire. Je ne vais pas passer la nuit à te regarder te trimballer sur tes échasses.» Aédan voit rouge. Si elle avait été dans un dessin animé, son personnage aurait été représenté avec de la fumée sortant de ses narines et ses oreilles. Furieuse, elle enlève ses chaussures et fixe James. « Regarde mes échasses. » Aussi vivement que son état peut lui permettre, elle s’approche des barreaux et lui jette sa chaussure dans le ventre. Sa force n’est pas surhumaine, elle parvient juste à le toucher faiblement. « T’as de la chance que je sois bourrée, sinon tu te serais pris mes échasses en pleine poire ! » Agitant sa deuxième chaussure, Aédan scrute les environs. Personne. Dommage, elle aurait aimé créer un petit scandale. « Pourquoi t’es encore plus froid qu’avant ? » Ses yeux se plissent tentant d’analyser l’homme face à elle. « C’est parce que je suis de plus en plus chiante ? » Penchant la tête, elle sourit l’air mauvais avant d’ajouter « ou c’est parce que je t’ai embrassé ? » siffle-t-elle d’une voix mesquine. Ça, elle le regrettera le lendemain, comme toujours. Mais au fond, elle veut savoir ce que ça lui a fait. Il est différent, comme s’il voulait à tout prix l’éviter. Au risque de provoquer sa colère, elle espère vraiment avoir une réponse sincère de sa part sur son ressenti.  

Comment ose-t-il la laisser enfermée là ? Aédan n’en revient pas. L’effet de l’alcool qu’elle a pu ingurgiter commence à se dissiper et tout ce qui était inhibé lui revient en pleine figure. Elle ne sait pas ce qui la dérange le plus, l’odeur de la cellule qui lui semble affreuse, la douleur qu’elle ressent aux pieds ou la colère qui se propage alors qu’elle se rend compte que James est sérieux. Il veut vraiment lui faire passer la nuit dans cette cage. Aédan devrait sûrement se calmer, essayer de le brosser dans le sens du poil pour qu’il lève la sanction et finisse par lui ouvrir. Seulement, elle n’est pas du tout d’humeur à faire la gentille. La jeune femme est furieuse. Son sang bouillonne dans ses veines. « Non, je suis sérieux.» En le voyant reculer, Aédan s’approche comme elle peut. Elle voudrait pouvoir l’attraper et le frapper de toutes ses forces pour qu’il réalise sa bêtise. « J’ai pas à m’occuper de toi vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tu es pire qu’une enfant.» Elle déteste qu’il la compare à une enfant pourtant, il a raison. Capricieuse et bordélique, elle a tout d’une adolescente. La mort de son père l’a faite régresser. Elle aimerait pouvoir revenir à cette époque où elle était complètement insouciante, elle s’amusait quand elle voulait et sa vie était bien plus agréable qu’aujourd’hui. Seulement, plus rien ne sera comme avant. Elle aura beau essayer de redevenir une gosse, ça ne ramènera pas son père. Oublier sa mort et surtout ses conséquences n’est pas une bonne idée. Si elle veut avancer, elle doit affronter cela et faire son deuil. Au fond d’elle, Aédan sait que c’est la meilleure solution mais elle n’est tout simplement pas prêt à accepter que son père ne fera plus jamais partie du monde des vivants.

Au lieu de se calmer, elle continue son petit manège, ses chaussures volent pour atteindre faiblement le torse de James. Elle voudrait lui faire mal. Pourtant, elle sait qu’il souffre lui aussi. Il tenait beaucoup à Miles et avant ça, il avait perdu sa femme. Il n’est donc pas celui à accabler, mais il est la personne à ses côtés. Il est celui qui l’héberge, qui la suit presque vingt-quatre heure sur vingt-quatre. « Vraiment? » Furieuse, elle décide donc d’attaquer et soulever un des problèmes qui les oppose. Du moins, c’est ce qu’elle pense. Depuis leur altercation et leur baiser, Aédan sent James encore plus froid et distant, elle ne sait pas si c’est réellement à cause de leur baiser. Ca la ronge de savoir ce qu’il a pu ressentir. « Aédan, c’est une connerie et tu étais complètement saoule alors c’est pas comme si ça pouvait m’affecter à ce point. Puis, tu sais très bien que ton comportement est exaspérant alors je ne vois même pas pourquoi tu me poses la question Aédan.» Rivant ses yeux dans ceux de James, la jeune femme réfléchit. Il faut qu’elle sache. Sa réponse ne lui convient pas. « J’étais saoule mais je savais très bien ce que je faisais, James. » L’alcool l’avait juste aidée à faire ce qu’elle avait toujours voulu. A ses yeux, James avait toujours été un homme attirant. Comment ne pas le penser ? Depuis toute jeune, elle voue une admiration sans bornes pour lui. Evidemment, elle a toujours été consciente qu’il n’y aurait rien entre eux mais ça ne l’avait jamais empêchée de s’imaginer en train de l’embrasser. « Mon comportement est exaspérant depuis le début. Seulement là, t’es encore plus froid qu’avant ce baiser alors j’veux savoir pourquoi ! Au pire tu oublies hein ! » La jeune femme est vexée qu’il n’ait rien ressenti. Elle est la fille de Miles et James la verrait sûrement comme ça pour toujours. « Si c’est si peu important pour toi tu zappes et tu redeviens comme avant. Non ? Alors si t’es pas capable d’oublier que je t’ai embrassé dis-moi pourquoi ! » elle veut qu’il lui dise pourquoi il s’est encore plus éloigné d’elle. Peut-être qu’elle le dégoute ou inversement, ça lui a plu, elle n’en sait rien et elle veut qu’il avoue. « dis moi pourquoi ça te fait autant chier ! Okay, je suis la fille de Miles mais c’est pas un drame ! Je suis pas si affreuse non plus. Merde à la fin. » Elle savait très bien que son jeune âge et son lien avec Miles pourraient être une excuse valable mais elle aimerait, malgré elle, que la raison soit différente.  

Aédan provoquait James parce qu’elle voulait le faire réagir. Il était préférable pour elle qu’il lui parle, qu’il l’engueule plutôt de le voir l’ignorer. La jeune femme ne supportait pas qu’il fasse comme si elle n’existait pas. La haine était préférable à l’ignorance. tous les moyens étaient bons pour le faire réagir même aller trop loin et parler de leur baiser ici, en plein milieu du commissariat. Elle pouvait lui nuire en faisant ça. Si les collègues de James apprenaient qu’il avait embrassé la fille de son ancien partenaire, il risquait de recevoir des réflexions désagréables de leur part. Tout ça, Aédan en était parfaitement consciente seulement, elle ne voulait qu’une chose, le faire rester avec elle, le faire parler. La jeune femme avait peur qu’il décide de la laisser enfermée ici. Rester seule derrière les barreaux aurait sûrement été une bonne leçon mais Aédan ne le voulait pas. Impossible pour elle qu’il la laisse. Elle savait que ses mots le toucheraient. Même s’il ne ressentait rien pour elle et que ce baiser n’était qu’une chose répugnante à ses yeux, au moins, il était là, il s’énervait contre elle et ne l’abandonnait pas. Aédan n’aimait pas souffrir ainsi mais elle préférait ça au néant. « Peut-être parce que j’en ai assez que tu te comportes comme un enfant.» James 1 - Aédan 0. Evidemment que c’était une raison suffisante. Elle était infecte. Malgré elle, Aédan aurait aimé qu’il y ait eu plus pour lui aussi. Mais ça ne l’étonnait pas plus que ça, Jamais elle n’avait surpris un regard de travers de sa part, jamais il n’avait été attiré par elle. Pourtant, elle continuait de le provoquer, espérant qu’il craque un peu plus. Elle mettait en danger leur relation fragile mais elle était incapable de faire autrement. Sans leurs disputes, sans leurs incartades, Aédan ne se sentait plus vivante. Il était le seul qui lui permettait de vivre vraiment, de ressentir des choses réelles.

Contre toute attente, James ouvrit les portes de la cage de fer. Le grincement horrible crispa la jeune femme mais ce n’était rien à côté du regard que James venait de lui lancer. Remettant sa chaussure, Aédan déglutit. Elle avait fait la fière derrière les barreaux, mais maintenant qu’il était près d’elle, Aédan se sentait minable. L’effet de l’alcool s’était estompé et son courage avec. Comme à chaque fois. « Arrête de parler de ça. C’est qu’un baiser. T’es la fille de Miles, t’es comme ma fille alors ce baiser, c’est rien du tout.» James gagnant - Aédan K.O. Ses mots et son ton glacèrent la jeune femme sur place. Elle était comme ‘sa fille’. C’était pire que ce qu’elle avait pu imaginer. Bien sûr, elle n’espérait pas se mettre en couple avec lui un jour. Seulement, cet aveu aurait dû la rassurer. Qu’il la traite comme sa fille lui assurait que quelqu’un serait toujours là pour veiller sur elle malgré la mort de son père. Pourtant, cette confession lui laissa un goût amer dans la bouche. James lui plaisait trop et ça n’était pas sain.

Suivant le mouvement de James, elle n’osa rien répondre. Peut importait les provocations qu’elle faisait, il était toujours gagnant. Elle était stupide. « Mets ton manteau. On rentre et c’est la dernière fois que je m’occupe de toi dans cet état. Tu te reprends en main.» Exécutant les ordres, elle le suivit jusqu’à la voiture. Sa phrase s’annonçait comme un ultimatum. Il avait beau la voir comme sa fille, c’était insupportable pour lui de s’occuper d’une telle loque. Son père n’aurait jamais accepté ça et Aédan le savait parfaitement. D’ailleurs, jamais elle ne l’aurait provoqué ainsi, jamais elle ne l’aurait poussé dans ses derniers retranchements. Elle n’était pas comme ça avant. Sa mort l’avait littéralement changée. « Je ne sais pas quoi faire pour me reprendre en main… » murmura-t-elle faiblement. Souvent, en se levant le matin après une cuite mémorable, elle se disait qu’elle devait changer. Mais, à chaque fois, elle replongeait. « J’arrive pas à redevenir la personne que j’étais avant… Parce que sans lui, c’est comme si elle n’avait plus de raison d’exister… » Pourquoi être une femme modèle, pourquoi réussir dans sa vie ? « Il n’est plus là pour voir ce que je fais, pour voir que je réussis. Il ne verra pas mon mariage, mes enfants… Alors à quoi ça sert ? » Son père était toute sa vie et sans lui, Aédan n’avait plus envie de rien. Ses rêves s’étaient envolés.