❝ Do it like that ❞

Sage & Desmond

Ca part en vrille, trop en vrille. L'ex-prêtre n'était-il pas censé faire profil bas ? Grouiller dans l'ombre sans se faire repérer ? Si. Et voilà qu'il se faisait prendre en grippe par un jeune chieur qui souhaite faire passer le temps en le prenant en cible. Le choix, il ne l'avait pas réellement le Hensey. Parano en latence, l'homme ne savait pas ce que cet inconnu pourrait faire des clichés qu'il avait pris quelque jours plus tôt de lui à son insu. De ce qu'il avait compris en le confrontant de face, ce Sage-qui-porte-mal-son-nom est un étudiant en photographie mais sa méfiance exacerbé l'empêche d'être tranquille. Sa photo pourrait se retrouvée n'importe où, voir dans un journal et adieu sa couverture, adieu sa vie passée sous silence comme un insecte. Si la vérité éclate, si on le chope, direction la taule et sans passer par la case départ pour récupérer les pécules. Un aller direct pour pourrir dans 10 mètres carré. La vie est déjà un enfer comme ça sans en rajouter une couche de moisie, merci bien. L'oeil vissé sur son portable, le rendez-vous se prend non sans grincement de dents. Il le fait exprès ce Sage ? A croire que oui et puis c'est quoi toute ces insinuations ? Mwah. Desmond ne cherche pas à comprendre, cherche pas. L'irlandais porte son choix sur la plage ; il y a du mouvement, assez pour trouver une porte de sortie, ni trop pour être trop voyant. Le juste milieu. Après pour le reste, il s'en tamponne les sabots, c'est l'autre le photographe, à lui de se débrouiller. Troquant sa tenue de serveur contre une tenue plus confortable, Desmond se dirige vers la plage d'un pas rythmé. Malgré la contrainte que ce rendez-vous représente, l'homme a ses principes : être à l'heure même s'il se doute que ce fameux Sage arrivera en retard. Son petit doigt le lui dit, sinon, bien entendu, ça ne serait pas drôle. Au moins, il aura à mirer le soleil qui part s'endormir pour supporter le moment et être d'une humeur disons … amicale.

Posté droit comme un i, pieds dans le sable, ses baskets à la main, Desmond poireaute. Comme il s'en doutait, Sage est en retard. Ses mâchoires se contractent au rythme des secondes qui défilent. Tic. Tac. Tic. Tac. Ses nerfs s'échauffent lentement, lui, fervent adorateur de la rigueur des choses, quand chaque choses est à sa place dans un ordre bien précis. A l'horizon, la silhouette enfin de son photographe pointe le bout de son museau. Apostrophe radicale « 16 minutes de retard, Sage. C'est pas professionnel du tout ! Y'a des choses à revoir ! Une minute de plus et je m'en allais » Mytho gros comme le cul de beyoncé. Il serait pas parti Desmond, il a besoin que ces photos soient éliminées de la surface de la terre. « T'as ramené avec toi les clichés de l'autre jour, j'espère sinon le deal tient pas » Les yeux se plissent par méfiance, se demandant s'il peut lui faire confiance. La paranoïa lui hurle que non « Montre-les moi, pour en être sûr ! » C'est non négociable

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Sage & Desmond

Inspiration. Expiration. Desmond laisse l'air s'infiltrer dans le sac pulmonaire martelé de nicotine depuis peu. Un appel de paix. Un besoin d'apaisement dans le torrent qui se réveille en lui. Paranoïa de coupable, paranoïa de fugitif. Depuis son débarquement en bordel dans cette ville, à endosser une couverture moisie pour se camoufler de son passé blasphématoire, il fait profil bas le prêtre déchu, il tente et là, la bourbe. Se faire prendre en photo pour un projet lambda. Habituellement, lorsqu'il portait encore l'habit des jours anciens, la vie d'avant, il n'aurait pas pipé un mot et aurait même proposé son aide pour ce foutu projet. Aujourd'hui ? Eh bien aujourd'hui, il en est autrement. Aujourd'hui, la méfiance règne et l'amour de son prochain : au chiotte. Pourquoi compatir ? Pourquoi aider ? Pourquoi faire confiance ? L'humain est pourri jusqu'à l'os, l'humain est perdition. L'humain est putréfaction. Il l'a vu Desmond, il l'a ressenti en son cœur brisé et son âme meurtrie. Le diable se cache en chaque homme, voilà, la vérité vraie. La vérité fausse de Desmond en tout cas. Le sourcil se hausse dès que le photographe ouvre la bouche. Trop d'informations en même temps ponctué d'une injure entre les lignes. Sage venait de l'hôpital ? Point d'exclamation. Pause dans le temps. Pause. L'oeil glisse sur les bandages qui ornent les poignets du jeune homme, Desmond laisse son regard le ponctuer quelque brève secondes avant de détourner les yeux. C'est pas ses oignons, non, réellement non. Pas question de laisser son cœur s'attendrir et compatir. Ne plus s'intéresser au commun des mortels, il répudie cette mission, il n'en veut plus. Aurevoir et point final.

« D'accord, c'est clair » Phrase succincte lâchée aussi sèchement qu'un coup de fouet accompagné d'un regard qui atteste bien la présence des photos que le presque-trentenaire souhaite faire disparaître de la surface de la terre. Observateur silencieux, Desmond fixe Sage, le trouvant pas au meilleur de sa forme mais n'émet aucun son, se contenant de rester planté comme un point d'exclamation, les mains dans le dos. « J'vois ça … c'pas grave, t'en fais pas » Desmond, dans son orgueil, évite de s'excuser lui-même de sa rude impolitesse, il passe l'éponge, refusant de compatir, d'être agréable même si le cœur, eh bien le cœur a envie de l'être, parce que c'est toujours ce qu'il a été avant, bien avant. C'était ça sa mission autrefois : servir son prochain. « J'te crois » Ton solennel pris et hochement de tête, chose qui le surprend tout autant. Lui qui, quelque instant plus tôt, ne faisait aucunement confiance au jeune homme. Une lueur dans son regard dompte sa méfiance, il le sent quelque part que Sage ne se fout pas de sa gueule. Sinon, il ne serait pas venu, n'aurait pas quitter sa chambre d'hôpital. Et si ce qu'il avait été grave ? Qu'il avait besoin de soin ? D'être surveillé ? Sage a peut-être quitter sa tour aseptisée pour sa gueule. Culpabilité dans la gueule, Desmond a les remords au bord des lèvres, une bile qui remonte, un goût amer qu'il connait que trop bien. Sentiment accentué lorsqu'il remarque le tremblement du photographe. N'avait-il pas dit qu'il devait en avoir plus rien à faire des autres ? Merde. Desmond ! Tiens tes nouveaux principes, merde. Sage pose son sac et prend de longue inspiration. Aurevoir résolution, à la flotte. « Ca va ? » Le ton perd un peu de son hiver pour la teinte d'un été ; une pointe plus chaleureux, plus bienveillant. « Ecoute, j'ai tout l'temps, j'bosse pas cet aprem. J'pense qu'ici, c'plus toi qui perd ton temps précieux avec moi car vu ton état, tu devrais pas être ici en plein cagnard. On peut reporter si t'veux. » Desmond quitte son poste et pose son derche sur le sol granuleux, plaçant ses chaussures bien parallèlement devant lui comme un maniaque névrosé. « Comme tu veux, y'a pas d'soucis. Pose-toi un coup, assis-toi là, y'a un peu d'ombre » Le regard se greffe à l'horizon, noyant la préoccupation naissante pour le photographe dans l'eau. Sauver les apparences, faire croire à l'insensibilité. Se mentir surtout à lui-même. « Respire tranquillement. Inspire, expire. Prend le temps, ça va aller »

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Sage & Desmond

Les évènements s'enchainent les uns à la suite des autres et aucune logique de s'y rattache, aucun plan de route ne se laissent voir à travers eux. On lui a rabâché les oreilles sans cesse sur cela : Dieu a un plan pour tous, Dieu est le hasard, Dieu ne fait pas les choses sans raison. Oui, cela pourrait être vrai si Dieu existait, si ce pauvre con de barbu était réellement là pour ses enfants, pour le monde entier mais non, il n'est pas là, perdu dans les illusions des hommes. Une invention, une chimère. Encore une fois, Desmond, le regard perdu dans le sable, se demandait ce qu'il faisait là. Oui, certes, récupérer ses maudites photos mais plus en profondeur, pourquoi le destin s'acharnait-il sur sa gueule ? Lui qui courbe le dos, fait profil bas. Pourquoi ? Pourquoi ? Des questions qui restent sans réponse, se noyant dans les écumes de la mer qui vient mourir sur le rivage. La solitude, c'est le mieux, la solitude, c'est la sécurité de ne pas se faire prendre, la solitude, c'est punition pour ses actes, sa façon de s'auto-flageller. Auto-mutilation sociale et saignement incolore. La solitude, c'est aussi douleur lente. L'homme n'est pas fait pour être seul, cela, il le sait mais cela, il le tait. « Un manque de sucre ? D'accord » Soupçon de mensonge dans l'air mais Desmond ne dit rien, ne pipe pas mot comme à son habitude. Ce n'est pas lui, traître de la vérité, qui ira forcer un autre de dire la vérité quand lui, il se noie dans ses mensonges. « Ok, comme tu veux. Ca me va » Plus vite ça sera fini, mieux cela sera, pas vrai ? Pour lui comme pour Desmond.

La tête se retourne lentement vers son interlocuteur, accentuant le sachet goûteux des globes oculaires. « Un ne serait pas de refus, merci » La main se tend lentement pour récupérer son dû avant de se diriger à sa bouche pour y planter ses dents. Pas mauvais le cookie, plutôt carrément bon. « N'me dis pas que c'toi qui les a fait ! » Surprise dans les yeux, Sage cacherait bien son jeu et serait un cordon bleu ? L'étiquette  du paquet tombe dans sa ligne de mire, révélant le pot au rose « Ah bah c'était trop beau pour être vrai » Lâche l'homme en donnant un coup d'épaule léger à son compagne de plage, histoire de détendre l'atmosphère mais sans oublier pourquoi il est là. « Comme tu veux, prend ce dont tu as besoin mais comme tu l'as dit, je veux juste pas qu'on devine que c'soit moi donc juste une partie du visage, ça ira. » Haussant les épaules, l'ancien prêtre se demande ce qu'il a d'intéressant au point de se faire figer sur papier glacé. Sur les clichés que Sage a pris de lui, il ne voit qu'un homme, les épaules chargés, un homme triste, un homme seul, un coupable, un meurtrier. Rien de bien beau, rien de bien tout court. Un néant sur deux pattes. « Non, désolé d'te décevoir, je n'ai pas d'tatouage. Là d'où j'viens, je n'avais pas le droit d'en faire un » Son corps était un temple, jadis à ses yeux, un sanctuaire offert par le Seigneur Dieu et il ne voulait pas le profaner avec un tatouage, de toute façon, il en avait pas le droit. Aujourd'hui ? Eh bien rien ne l'empêche de le faire. Sans réfléchir, ses mains retroussent la manche de son sweat-shirt, révélant une cicatrice longue et fine partant du coude à son avant-bras comme un mille-pattes empoisonné. « Par contre, j'ai ça. C'quasi comme un tatouage, ça partira jamais » Vestige de son accident, celui qui a emporté sa famille, celui dont il est le seul à être ressorti vivant. Un miracle. Une malédiction. Parfois l'un plus que l'autre puis souvent, les deux en même temps. « J'sais pas si ça être utile pour ton projet. D'ailleurs, il porte sur quoi ? Prendre des connards paumés en photo ? » Ah sarcasme quand tu nous prends. Sarcasme hurlant de vérité peut-être ?