Tout à coup, tout s'estompe pour ne laisser percevoir qu'une doucereuse lumière blanche, elle est incandescente, brillant de mille feux, avant que tous ses sens ne l'abandonnent et qu'elle se retrouve dans le néant le plus total. Lorsque papillonnent enfin ses prunelles, la nausée la submerge et elle peine à garder les yeux ouverts plus d'un quart de seconde. Bordel, qu'est-ce qui peut bien s'être produit, n'était-elle pas à même de choisir un superbe tailleurs afin de pouvoir s'afficher à cette convention artistique à laquelle était conviée à la fin du mois dans la Grosse Pomme? Elle se souvenait d'avoir frôler de la pulpe de ses doigts l'étoffe soyeuse du veston coupé à la garçonne, mais seyant parfaitement sa silhouette en mettant en valeur la petitesse de sa taille. Elle se souvenait avoir lancé une banalité à la vendeuse qui s'était esclaffée un peu bêtement, amusant Sully plus que cela ne l'aurait du. Puis l'instant d'après, plus rien, jusqu'à maintenant, et elle a la sensation qu'il s'est pourtant écoulé des minutes auxquelles elle aurait du pouvoir savoir où elles en avaient été, non? Elle grogne tandis qu'on tente de la redresser avant que de grands cris exhortent de la laisser immobile. On lui demande des choses, mais elle n'a pas la moindre envie de se plier à ce petit jeu là, maintenant, tout de suite. Puis on réitère les interrogations jusqu'à ce qu'elle laisse filtrer des mots entre ses lèvres, Sully, au prix d'un mal de crâne n'allant qu'en empirant. Puis elle sombre partiellement de nouveau jusqu'à ce que finalement, on la soulève de terre avant dans son dos un matériel trop rigide pour être accidentel. Elle ouvre partiellement l'oeil pour découvrir deux visages penchés sur elle, vêtus d'uniformes, la sommant de rester immobile et de parler. Elle en a pas le moindrement envie, mais ils ont l'air fichtrement casse-pieds, alors Sully, elle obtempère jusqu'à ce qu'elle perde la carte de nouveau...

Elle s'éveille avec difficulté, soulevant son bras pour constater que celui-ci est relié à une perfusion qui semble introduire quelque solution que ce soit au creux de ses veines. Si l'idée lui vient de le retirer immédiatement, elle n'en a pas le courage. Sully, elle n'aime pas particulièrement l'hémoglobine, moins elle en voit, mieux elle se porte. Dans un geste immensément lent, elle tâte l'arrière de son crâne pour ressentir un foudroiement sous ses phalanges lorsqu'elle frôle une bosse. Elle jure, donnant un coup de pied dans le vide. Histoire que la journée s'améliore alors qu'elle parvenait à s'assoupir ou sombrer, elle ne sait pas trop, une voix s'adresse à elle. Après un instant de délibération, elle en déduit l'identité et se décide à rester muette jusqu'à ce qu'il se lasse et lève le camp. Sully, elle n'a pas envie de remontrance, de leçon ou même de conseils d'amis, ni de lui, ni de personne d'autres. Il est coriace, pourtant, et il a surement l'habitude de ceux qui tente de l'ignorer en feignant le sommeil. Elle entrouvre un oeil, jauge l'arrivant qui prend place à son chevet, puis soupire longuement. En pleine forme, à même de me lancer dans un marathon même marmonne-t-elle, d'une voix rauque, éraillée par les heures sans mot dire et Kieran, laisse courir, j'ai aucun problème qui nécessite l'expertise d'un cardiologue. Elle crève de soif, mais plutôt se dessécher que de lui demander quoi que ce soit. Sully, elle n'a rien contre lui, elle déteste seulement qui elle devient à son contact. Elle se frotte doucement les tempes, jurant contre le filage qui la brime dans ses mouvements, puis constate qu'il n'esquisse pas un mouvement, la fixant sans ciller. Je vais bien, je m'éclate tout plein au pieu, y'a pas de mouron à se faire. Elle ricane intérieurement de sa connerie, puis se retrouve au prise avec un éclair qui lui traverse le crâne, la faisant grimacer.

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Elle préférait presque être dans le néant plutôt que de se trouver confrontée au regard chargé de sollicitude de Kieran Vaughn. S'il n'en tenait qu'à elle, elle le ferait disparaître pour s'en retourner dans les méandres de ses pensées, mais visiblement, il ne compte pas l'y y aider. S'il est pour graviter dans son sillage alors qu'elle se coltine un mal de crâne et des bouffées de nausée qui débarquent sans prévenir, grand bien lui fasse, Sully, elle n'a pas le moindrement envie de se montrer ni courtoise, ni polie. Elle lève les yeux au ciel, au prix de souffrances qui lui fait presque perdre de nouveau connaissance, choisissant judicieusement de garder les yeux rivés sur un point fixe pour ne plus s'y laisser prendre. Plus facile à dire qu'à faire, cependant, considérant qu'il met également des efforts considérables à ce qu'elle ne fuit ni se déleste de son regard inquisiteur et, elle en mettrait ses phalanges dans les flammes, de l'inquiétude. Il n'en fallait pas plus pour que les nausées reviennent, et Sully, elle craint que ce ne soit bien plus le ressenti à l'égard du cardiologue que sa chute qui en soit la cause. Pourquoi ne laisse-t-il pas aux autres la joie de venir s'adresser à elle? Après tout, toutes les raisons du monde justifient qu'il devrait se trouver ailleurs plutôt qu'ici, à sauver des vies plutôt qu'à pourrir la sienne là, maintenant, tout de suite. Elle ne lui répond pas, faute de trouver quelque réplique pertinente à lui décocher du tac au tac, ricanant même doucement à son humour au moins aussi merdique que le sien. Elle relève lentement le menton, puis décide de confronter son regard céruléen parce qu'il a su intervenir avec brio, Kieran. Pour un peu, elle fracasserait ses paumes l'une contre l'autre pour lui signifier son approbation. Enfin, Sully le ferait si elle le pouvait, mais elle est un peu trop lasse pour s'adonner à des mouvements un peu futile qui peuvent être interprétés comme de la méchanceté. Elle est peut-être discourtoise, n'en demeure-t-elle pas moins incapable de foncièrement lui vouloir du mal, à lui comme à qui que ce soit d'autres.

Je crois qu'on a décidé pour moi que ce malentendu était suffisamment dramatique pour nécessiter une hospitalisation lâche-t-elle, intraitable. Elle se retrouve pourtant dans l'obligation d'accepter le verre qu'il lui tend, marmonnant des remerciements inintelligibles alors qu'il continue sur sa lancée. Tu n'as pas à t'inquiéter, je suis une grande fille et je sais prendre soin de moi et elle parvient à laisser échapper un rire avant de continuer enfin, la plupart du temps. Parce que s'il n'en avait tenu qu'à elle, Sully ne serait pas ici, sous perfusion, à devoir confronter la sollicitude insensée d'un homme qu'elle n'a que côtoyer de façon cordiale pendant des années avant.. avant ça, cette drôle d'agitation dans ses entrailles quand il est là ou qu'elle entend le son de sa voix. La blonde n'a pas besoin de ça, maintenant, pas ici, pas alors qu'elle est à la merci de ce pouvoir décisionnel qu'ont les médecins sur les patients. Elle l'écoute distraitement jusqu'à ce qu'il sous-entende, avec un gant blanc, qu'elle puisse rester là cette nuit, sous observation. Prestement, elle se soulève de son lit avec l'énergie du désespoir parce qu'elle ne compte pas s'éterniser dans le coin. On vient pour crever, à l'hôpital, le reste du temps, on récupère chez soi. Je te serais gré dans ce cas de signer mon départ, monsieur le médecin. C'est dans tes cordes, ça, tu connais le métier, non? et Sully, elle est suffisamment têtue pour tenir un temps avant de s'effondrer, non sans laisser percuter un cri de frustration contre les murs de la chambre. Elle se sent contrainte, vulnérable, et elle s'est délestée à son divorce de ce sentiment d'impuissance. Plus jamais, elle se l'est promis, et pourtant, pourtant voilà... Je veux pas rester ici, Kieran qu'elle souffle, d'un ton suppliant c'est forcément rien, juste le cerveau qui déraille en incident isolé, ça arrive sans raison parfois, j'en suis sûre. Elle s'agite, la perfusion commence à sérieusement l'agacer et elle parvient plus à fixer un point, son regard se voilant alors qu'elle lutte pour ne pas avoir à reposer sa tête sur l'oreiller Fais quelque chose, n'importe quoi.

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Elle a horreur qu’on la contraigne à quoi que ce soit, Sully. La blonde ne s’est pas arraché à une vie plus que confortable pour laisser autrui décider à sa place, quelles que soient les compétences et raisons jugées valables par un individu extérieur. Si elle avait eu le cœur à se faire dicter sa conduite, elle n’aurait pas quitté un mari aimant et fidèle, le confort d’un foyer chaleureux et se détacher d’une famille qui la protégeait de tout, y compris d’elle-même. Si elle avait cette résignation qui autrefois habitait ses prunelles céruléennes, sans doute Sully démontrerait moins de véhémence à l’encontre de Kieran. Elle le sait, pourtant, il fait ce job pour lequel il perçoit un salaire faramineux qui permet à Alyss de vivre ce vieux rêve qu’elle-même a caressé, il y a de cela longtemps. Ce statut privilégié qui fait acte de don divin que de distribuer diagnostics et soins afin de sauver des vies lui sied d’ailleurs si bien, à Kieran. Pourtant, elle aurait donné beaucoup pour éviter de se retrouver confrontée à son regard inquisiteur et perçant, trop à même de lire dans le sien pour user de ce talent de manipulatrice dont elle sait si habilement faire preuve. Avec un autre représentant masculin ayant fait le serment d’Hippocrate, elle aurait eu plus de chance qu’avec lui et n’aurait pas eu à confronter les souvenirs trop récents – quoi qu’elle eut vent qu’ils fussent impérissables à ce jour, à son grand dam – qui la ramène à un manquement à son devoir de meilleure amie ainsi qu’à celui d’honorer ses promesses. Elle s’était promis de ne jamais  céder à ce caprice éhonté qui l’avait presque mené à sa perte, ce jour-là, au creux d’une garde-robe qu’elle n’aurait jamais du visiter, et encore moins accompagnée. Voilà qu’elle est ici, à la merci d’un homme qu’elle déteste désirer, mais dont elle apprécie toutes les autres qualités qui rendent sa douce moitié aussi comblée que possible, si ce n’est du calme plat au niveau de son abdomen. Sully, elle est résignée au gré des propos de Kieran à devoir encaisser et supporter son impuissance, et ça lui file un goût de cendres dans la bouche. Elle n’aime pas concéder, ni même octroyer un pouvoir décisionnel à qui que ce soit d’autres qu’elle-même. Il y a bien Alyss, et là tout est le problème : s’il en venait par quelque machination que ce soit à la libérer, il subirait les courroux de la femme qui partage sa vie. Sully s’avère être possessive et protectrice de son âme sœur certes, mais cette dernière ne s’en laisse pas imposer elle-même.

J’aimerais bien ponctuer mon récit d’un évènement palpitant, mais il s’avère que mon existence n’en contient aucun récemment avoue-t-elle à moitié sérieuse, sachant pertinemment qu’il vaut mieux changer d’approche si elle veut obtenir quelque chose de lui. Elle nie évidemment les incartades le concernant, faisant preuve d'une sagesse qu'elle s'ignorait. Elle songe plutôt à quelque chose auquel elle aurait pleinement droit. Sully, elle refuse de pousser plus loin cette pensée, refoulant l’incident le plus récent dans le tiroir contenant les plus mauvaises décisions de sa vie. Il est tout près de déborder avec ce qu’elle a accumulé au contact de son interlocuteur ces dernières semaines, d’ailleurs. Je te résume ça brièvement, je me suis levée, j’ai enfilé des escarpins, ensuite au boulot et suis descendue sur l’heure du lunch pour aller rencontrer un de mes poulains pour constater les dégâts de son plus récent élan artistique. C’est un carnage, cette dernière muse qu’il ne veut ni lui parler ou présenter. À ce rythme-là, Sully, elle va devoir le lâcher. Il s’avère que cela est suffisant pour qu’elle se mette à tapoter un peu partout aux alentours, sur elle aussi, à proximité, cherchant son portable. Elle fait fi de la présence de Kieran un instant, soulève le drap qui dévoile ses jambes jusqu’à haut les cuisses, bien trop haut. Ça ne dure que l’espace d’un moment, juste assez pour qu’elle ressente un malaise sous le regard trop insistant pour que ce soit honnête. C’est en refermant ses phalanges autour de l’objet de convoitise qu’elle surprend ses prunelles à la dérobée, mord l’intérieur de sa joue et soupire doucement. On dirait le scénario d’un mauvais film trois x argue-t-elle en ricanant, cherchant en vain à désamorcer la situation alors qu’elle se sent contrite, vulnérable aussi. Elle ne s’est d’ailleurs jamais aussi peu sentie attirante que maintenant, du moins l’instant d’avant, jusqu’à ce que son regard brûle son épiderme à la chaleur qui s’en dégage. Elle passe nerveusement la main dans sa chevelure, puis se redresse lentement, décidée à rompre le charme aussi définitivement que faire se peut. Tu n’as qu’à appeler ta femme pour qu’elle vienne prendre soin de moi, tu pourras ainsi t’en retourner vaquer à tes devoirs. Et si ça me permet de sortir plus vite, ce sera pas plus mal. Sully regrette d’emblée, car si cela fait sens, Alyss ne la laissera pas retourner à sa petite vie dans ses quartiers. L’autre possibilité lui file de nouveau la nausée et une violente céphalée alors qu’elle réprime avec force ses hauts-le-cœur.

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Elle se dit qu’il y a franchement pas de quoi débattre bien longtemps, mais Sully n’a pas cette envie pourtant oppressante à l’accoutumée de se montrer intransigeante. Puis elle a idée que ce genre de chose n’aura pas raison de la patience olympienne dont sait faire preuve Kieran, et elle n’a guère envie de s’éterniser à tenter de le convaincre du contraire. À contrecœur et en ayant la certitude de ce qu’elle affirme, elle s’exécute non sans soupirer pour la forme, le laissant au fait de ce qui a ponctué cette journée aussi banale que celle qui dicte son quotidien la plupart du temps. Elle fait évidemment fi du fait qu’elle a eu la mauvaise idée de pénétrer pour la première fois depuis leur dernière rencontre dans ce bureau plus semblable à un foutoir dans l’état où ils l’avaient laissé. Elle ne mentionne pas qu’elle a du demeurer immobile pendant un bon nombre de minutes avant d’être fonctionnelle de nouveau, son cœur battant trop vite dans sa poitrine alors qu’elle remettait le tout en état, refermant soigneusement le bourbon sérieusement entamé et replaçant les objets divers balancés au sol dans la toute hâte de goûter de nouveau à ses lèvres à lui qui lui faisait terriblement envie. C’est tout juste si elle n’avait pas senti l’odeur de tabac froid, de musc et de parfum dans l’air ambiant. Non, il est plus judicieux de s’en tenir à ce simple compte-rendu plutôt que de ponctuer son récit de pensées grivoises l’ayant assaillie de plus belle à l’idée de s’éveiller à l’hôpital en ayant son visage à vue, lui arrachant une sacro-sainte envie d’attirer sa bouche contre la sienne même ici, même maintenant, même à savoir tout ce qu’elle sait maintenant et sa promesse solennelle faite à elle-même de ne jamais, au grand jamais, réitérer l’expérience. Elle déglutit péniblement, puis s’arrache de ses pensées alors qu’il la questionne sur l’ingestion de nourriture. Si elle y réfléchit sérieusement pendant quelques secondes, elle finit par hocher à la négative la tête. Comment a-t-elle foutrement pu louper d’engloutir quelque chose, elle gourmande, elle…

Parce qu’elle n’est pas totalement elle-même, pas avec Kieran dans un coin sombre de son esprit, rôdant comme un spectre chaque fois qu’émerge en elle un quelconque souvenir pouvant l’y référer. Parce que même dans cette chambre d’hôpital, pourvue de ce fatidique vêtement dépourvu de moindre charme, l’air probablement plus négligé que jamais, il la gratifie encore d’une œillade entendue et dévoilant pour un œil initié ce bagage de désirs et d’envies qui lui tord les entrailles. Fort heureusement pour elle, il n’a pas la mauvaise idée de s’attarder trop longuement sur ce moment d’égarement, se complaisant pour un temps dans son rôle de médecin. Elle hausse les épaules, Sully, faussement désinvolte. Il ne lui semble pas exister de solution idéale dans l’immédiat, sinon celle qui va l’éloigner prestement d’elle pour leur bien-être commun et elle va se ronger les sangs jusqu’à s’en rendre malade, je le sais que trop bien. Sully, elle se sent profondément anéantie de ne pas parvenir à être digne de la considération de cette femme merveilleuse qui devrait être la seule chose qu’ils ont en commun, Kieran et elle. Pourtant, et si c’était aussi simple, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Enfin, presque, qui sait dans quel foutoir elle aurait le don de se foutre Sully, n’en resterait-il pas moins que cela ne supposerait aucune infidélité de la part du mari de la seule personne dont la blonde se soucie réellement, même plus qu’elle-même. Elle fait fi de la plupart de ses recommandations, et il a la bonté de l’épargner de davantage de remontrances. Elle passe plutôt la main dans son visage, portant l’eau à ses lèvres avant de continuer ce serait plus facile si tu portais pas un sarrau – ce qui est, soit dit en passant, diablement sexy – que je n’avais pas constamment envie que l’on s’embrasse et que tu me touches lâche-t-elle franchement, mi-amusée, mi-consternée j’ai du mal à faire dissiper cette tension parce qu’elle est intarissable, et ça me fout en l’air de rien pouvoir faire pour l’amenuiser jusqu’à la rendre tout au moins tolérable. Sully, elle se redresse lentement, histoire de ne pas alarmer l’homme et le médecin, s’assurant de ce fait de ne pas inquiéter tout autre employé au passage. Si elle savait mentir, elle aurait pu faire autrement, mais ce n’est malencontreusement pas le cas. Confrontée à ces démons qui l’assaillent de façon continuelle, elle s’en libère en les confiant à la seule personne à qui elle peut en faire part. Le principal concerné, certes, mais tout de même il faut se rendre à l’évidence, on est complètement foutus, c’est tout juste si c’est pas écrit en caractères scintillants au-dessus de nos têtes qu’un truc se trame. Elle étire doucement ses phalanges jusqu’à mi-chemin de celles de Kieran, s’arrêtant dans sa lancée pour soupirer je regrette l’époque où je médisais à ton propos à Alyss pour éviter qu’elle te préfère à moi. Elle rit d’un rire crispé, mais tout de même, ça la déleste d’un brin de culpabilité l’espace d’un moment.

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Cela ne les mènera à rien s’ils s’évertuent à échanger des banalités et même se cacher derrière cette formalité qui fait de lui la figure autoritaire en tant que médecin et elle sous l’égide de son séjour en tant que patiente dans l’hôpital où il met en pratique ses aptitudes et connaissances. Sully, elle se connait trop bien pour savoir que tant et aussi longtemps qu’ils n’auront pas mis un terme à cette attraction insensée qui ne fait ni raison ni sens, peut-être pourra-t-elle sérieusement y mettre du sien pour retrouver cet équilibre qui fait de Kieran un figurant dans son existence, et non pas un pion revêtant quelque importance particulière que ce soit. Voilà pourtant ce qu’il s’avère être. Elle n’arrive ni à penser ni à réfléchir correctement dès que ses songes se débattent avec le souvenir du placard, et encore moins de ceux se raccrochant à sa dernière incursion dans la vie de la jeune femme. La blonde n’aurait jamais cru en venir là, dans tout ce que cela sous-entend de mélodramatique et de pathétique. Elle n’a de cesse de se demander comment elle en est arrivée à convoiter ce qui n’est ni sera jamais sien, appartenant plutôt à ce cœur avec lequel le sien bat pourtant à l’unisson. Sully, elle aimera toujours bien davantage Alyss que toute créature pouvant fouler de son pas cette terre. Puis elle ne s’est tout de même pas abaissée au point de ressentir quoi que ce soit de tangible à l’égard de Kieran, se contentant simplement de ne pas être capable de mettre un terme à cette convoitise et cette luxure qu’il lui insuffle sans faire d’effort particulier, sans chercher à la charmer, conquérir ou la séduire. Inconsciemment, il lui fait l’effet d’un puissant aphrodisiaque, et elle se déteste bien de ne pas être capable de tenir les rênes de ses hormones qui quémandent l’attention et les caresses du médecin.

Elle a conscience de n’être ni en train d’apaiser ses craintes ni même d’excuser leur comportement. Non, Sully cherche seulement à mettre le doigt sur la problématique ayant mener à ce que cette attirance prenne des proportions inconsidérées alors qu’ils se sont toujours connus et côtoyés sans que quoi que ce soit puisse animer des pulsions de ce genre. Elle ne prend pas la peine de répondre à ces propos qui ne la mène nulle part tandis qu’elle cherche à trouver une échappatoire pour elle comme pour lui. N’a-t-il pas envie autant qu’elle de préserver la seule et unique victime innocente de ce jeu de séduction duquel ils sont profondément empêtrés? Sully, elle se détend légèrement alors que le rire de Vaughn se fait entendre, mais ce n’est que partie remise. Il a la fâcheuse idée de venir presser ses doigts sur elle qui peine à soutenir un argumentaire ou des pensées cohérentes depuis un moment déjà, trop troublée par son regard à lui, perçant et pulsatile. Elle agite inconsciemment les phalanges pour toute réponse, dévisageant son interlocuteur jusqu’au moment où il la libère de ce contact lui comprimant la poitrine.

Sully, elle s’autorise de prendre de longues respirations avant de reprendre, apaisant son esprit qui lui balance des envies contradictoires, celle de l’attirer à elle en faisant fi des risques de la chose et l’autre de se cacher sous le drap en attendant qu’il disparaisse. Elle soupire, puis frotte vivement ses tempes avec ses doigts je ne connais pas la solution à notre problème, et la dernière fois que j’ai tenté quelque chose, ça a plutôt empiré qu’aidé à la cause. La blonde voudrait sourire, mais ne parvient qu’à grimacer. Elle regarde partout plutôt que lui, puis se résigne à confronter de nouveau ses perles d’eau aussi perdues qu’elle peut l’être elle-même. Il le faut, pourtant. Et elle cherche dans chaque coin de son esprit avant d’arquer profondément son sourcil, s’aventurant sur un terrain miné, mais qu’elle n’a que celui-là à explorer pour identifier le problème comment ça va au lit avec Alyss? Parvient-elle à articuler péniblement, roulant les yeux dans ses orbites au regard dont il la gratifie en retour elle ne tarissait jamais d’éloges, avant, maintenant elle est avare de mots, comme s’il n’y avait rien à raconter. Elle hausse les épaules, Sully, secouant doucement la tête faut voir pourquoi t’a envie de moi alors que tu partages ta vie avec une bonasse dans son genre, tu crois pas?
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Elle aimerait bien avoir les mots capable d'éteindre ce feu qui les embrase chaque fois qu'ils se retrouvent face à face, mais ignore s'il existe une magie quelconque capable de faire tarir ce désir qui les consume. Même ici, même maintenant, l'épiderme violée par la présence d'un appareil qui maintient son niveau d'hydratation dans le bras droit, les cheveux collés à ses tempes parce qu'elle a constamment chaud et froid, les yeux brûlant d'une fatigue et une lassitude extrême, elle ne trouve ni l'envie ni la force de le repousser. Elle le devrait pourtant, et avec véhémence, considérant tout ce qu'il représente pour la seule amie qu'elle puisse avoir, pour la soeur qu'elle n'a jamais eu et pour l'amour de sa vie qu'elle ne voudrait ni blesser, ni trahir. Elle est maladroite, Sully, au contact de Kieran, et ça ne lui ressemble pas de ne pas avoir main mise sur son environnement et son univers. Elle, maniaque du contrôle, qui s'est promis de ne plus jamais laissé le soin à qui que ce soit d'autre, pas même le Destin, de choisir quoi que ce soit à sa place. Elle y croyait, et voilà qu'elle se prend un vent magistral avec ce coup du sort qui fait en sorte que ses hormones s'enflamment dès que le regard du médecin s'attarde trop sur sa chair ou alors qu'il prodigue des caresses pratiquement aériennes, tant et si bien qu'elle mord l'intérieur de sa joue pour ne pas faiblir et ramener sa paume rugueuse contre elle. Ça ne fait aucun sens, tant et si bien qu'elle ne tente plus d'en donner à cette ultime tentation. Il faut juste résister autant que possible, et peut-être se verront-ils accordés la miséricorde et la rédemption de ce péché s'ils s'empêchent de le consommer allègrement.

La première portion de ses propos auraient été une réponse suffisante à son interrogation, et pourtant il déballe ce genre de choses qu'il ne devrait surtout pas énoncer à voix haute, et très certainement pas à elle. Les battements du coeur de la blonde s'accélère de façon notable au point de la rendre fébrile, et la chaleur se fait d'autant plus ressentir qu'elle perle à des zones stratégiques de son anatomie. Sully referme ses poings pour s'empêcher de tressauter, puis clos son regard pour ne pas y voir apparaître quelque forme de désir ou d'envie en contrôlant soigneusement sa respiration. Elle ne peut cependant pas réprimer le frisson en le sentant respirer à proximité de la chair de son cou, et elle se remet à respirer seulement quand il s'éloigne prestement. Ses paupières papillonnent et elle parvient à relâcher sa prise sur les draps, dégourdissant enfin ses phalanges. La blonde ouvre la bouche, la referme, ne trouvant pas les mots. Elle, à court de répartie, c'est pour ainsi dire de l'inédit. Sully met un moment à rassembler ses pensées et à raccorder des mots pour en faire une série logique je crois que c'est une excellente idée. Elle maintient soigneusement ses cuisses l'une contre l'autre, tentant de ne pas manifester de façon plus équivoque l'effet dévastateur des mots de Kieran sur son corps. Il suffirait de peu, et elle se retrouverait... ailleurs, au-dessus de tout ça, le temps que ça dure avant de se consumer de culpabilité et de honte. Il doit sortir, maintenant, et il faut prestement qu'elle trouve un exutoire sur lequel se délester des tensions qui tressautent dans son bas-ventre. Il finit par sortir, non sans un regard qu'elle ne parvient pas à déchiffrer.

Faute de mieux, elle se couvre autant que possible et laisse descendre sa paume entre ses cuisses, chaudement accueillie. Comment des mots peuvent la mettre sans dessus dessous? Ça la dépasse, et pourtant elle n'a qu'à y repenser pour que ça reprenne de plus bel. Ça ne fait aucun sens, n'a pas de logique propre, et pourtant cela fonctionne avec une efficacité effarante tandis que ses doigts s'agitent et s'évertuent à la satisfaire momentanément. Elle n'a jamais été une adepte de s'adonner elle-même à quérir du plaisir, mais s'avère dans l'impossibilité de happer qui que ce soit au passage pour se substituer à elle. La blonde se fait violence pour n'émettre aucun son, ni vibrer outre-mesure, installée de façon à voir venir quelqu'un tout en demeurant à l'abri des regards. L'interdit, les mots, lui, la situation, les précédents, les mots encore, lui, elle... et elle décolle, se crispant en entier et se mordant la joue à en faire exploser un goût ferreux, terreux sur sa langue. Elle reste alanguie un instant, frissonnante, avant de constater qu'elle n'est plus aussi seule qu'elle l'était... quand a-t-elle réellement pris la peine de... il est là, les doigts crispés sur le dossier, et heureusement, son collègue discute allègrement avec une infirmière derrière. Ses pommettes s'enflamment, à Sully, et elle sait plus où se mettre. C'est définitivement la pire putain de journée de sa vie.

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Dès qu’elle referme la porte derrière elle, elle se laisse glisser contre le matériel froid et dépourvu de personnalité jusqu’à ce que ses fesses atterrissent sur le sol. Sully suffoquait, littéralement, les pommettes incandescentes de cette gêne et honte qui la fait frémir. Elle presse sa main au milieu de sa poitrine, ressentant les tressautements anarchiques de son palpitant. Elle ne parvient pas à intégrer les derniers évènements, ni de ce qui a subrepticement fait disjoncter sa cervelle pour même lui faire concevoir une telle indécence alors que bien des regards auraient pu être confronté à la scène. Car c’est ce qu’elle a fait, au final, se donner en spectacle au regard beaucoup trop consentant – une fois la surprise atténuée – du médecin qui se tient là, tout près, trop près, derrière la porte. Les vêtements jonchent la pièce, et ce sont les phalanges tremblantes qu’elle parvient à les enfiler un après l’autre. Observant son reflet dans la glace, elle réprime visiblement un haut-le-cœur. La blonde si fière, si prompte à pouvoir pavaner cette capacité de se fondre comme de détonner à la fois. C’est comme si elle ne savait plus y faire en sa présence, et il lui fait faire de ces choses que… lui laisse imaginer ce que lui pourrait faire… putain. Elle secoue la tête, et sort prestement sans faire gaffe, se retrouvant directement contre Kieran qui, envers et contre tous, la rattrape en plein vol. Sully déglutit, secoue la tête et tente de regagner de sa superbe. Intérieurement, tout s’effondre, mais il faut que les façades tiennent le temps qu’elle mette une distance considérable entre elle et lui. Ce qui ne semble pas être pour maintenant, à son plus grand dam.

Elle tapote impatiemment du pied, jonglant avec l’idée de s’esquiver d’un gênant face à face alors qu’elle peut visiblement attraper un taxi qui traîne devant l’entrée principal de l’hôpital. L’idée est séduisante, certes, mais la blonde ne parvient pas à s’y résoudre. Elle s’intéresse simplement à ce qui se produit derrière ces portes et ressent sa propre hâte à se laisser glisser sous le jet brûlant d’une douche une fois qu’elle se retrouvera chez elle. Bientôt, se convict-elle, très bientôt. Il le faut. De là, elle pourra appeler Jax, quelqu’un, et elle pourra évacuer ce trop plein de désir et d’envie qui ne tarit plus. D’ici là, il faut tenir bon. Éviter de penser à ce qui se passe là, derrière. La blonde n’est pas un modèle de vertu, et la patience lui fait cruellement défaut. Lasse, elle finit par pousser la porte et pose son regard sur le dos sculptural de Kieran, les paumes posées contre le mur, visiblement tendu. Elle contracte la mâchoire, sachant qu’il lui est possible de choisir entre deux décisions, et c’est visiblement la mauvaise qui triomphe. Sully, elle s’approche pour déposer ses paumes fraîches dans le bas du dos du médecin. Immobile, il la laisse faire, acceptant son triste sort ou simplement choqué, elle n’en sait rien. Elle redessine chaque muscle, chaque nerf, avant de laisser ses phalanges frôler son ventre jusqu’à frôler de la pulpe des doigts l’étoffe la séparant de son bas-ventre. Sully soupire, sans oser se mouvoir, respirant la montagne russe d’émotions par laquelle Kieran transige à cet instant précis.

Je suis tellement désolée, honteuse, troublée annonce-t-elle en murmurant à son intention, son souffle faisant frémir la chair offerte à proximité j’y arrive pas, je contrôle rien, je… c’était pas moi, ça, tout à l’heure, c’est… elle soupire, déposant son front contre son dos, le respirant de nouveau. Si tu… si elle… si tellement de choses, finalement. La blonde finit par s’insérer entre la case et le corps bouillant du médecin, arquant son visage pour confronter son regard céruléen j’en suis à n’en rien avoir à foutre de tout le reste, je me ferais tienne ici et maintenant s’ils ne la connaissaient pas, personnellement pour certains même.

C’est en se penchant légèrement qu’elle attrape le bout de tissu nécessaire à vêtir le haut de son corps qu’il se laisse enfiler, indolent. Elle referme les boutons de bas en haut, ajustant son col avec un léger sourire sur les lèvres.

C’est à savoir si je te préfère comme ça ou arborant ton sarrau lance-t-elle, se voulant plus légère que le sous-entendu suintant de ses propos. Constatant que rien ne faisait sens de toute façon, Sully se surprend elle-même en encadrant d’une paume le visage de Kieran avant de s’élever pour emprisonner ses lèvres contre les siennes. Il réagit quelque peu, s’agitant sciemment allons quelque part, n’importe où, où les gens ne nous connaissent pas, ne savent pas pour… et il s’agit bien de lui qui la fait taire, cette fois.

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Aucun de ses mouvements ne fait sens. Elle a conscience d’aller à l’encontre de tout ce qui la compose, et ça la déconcerte de constater qu’elle ne peut tout simplement pas s’en empêcher. Pas avec la certitude qu’il va braquer ses prunelles céruléennes dans les siennes, ou les faire courir sur son épiderme d’albâtre. C’est que Kieran et son non-verbal éloquent la font partir en vrille tandis que son palpitant s’emballe au creux de sa poitrine. Les phalanges de la blonde caressent avec une douceur infinie l’étoffe de la chemise qui enserre le corps de Kieran. Elle aurait pu s’arrêter là si elle n’était pas mue d’un besoin viscéral de le goûter, le respirer. C’est ainsi qu’elle se retrouve à braquer son corps contre le sien, enfermant ses lèvres gourmandes de sa bouche à elle. Elle perçoit à peine tout le reste, ni le contact froid du métal, ni les bruits qui proviennent d’un peu plus loin. Sully, elle s’accroche tant bien que mal à cette promiscuité interdite, et pourtant consumée déjà à outrance. Bien plus qu’elle ne l’aurait du, cela va de soi. Si ses entrailles se tordent d’une cuisante culpabilité, son cœur palpite de plus belle et elle ravale un grognement de mécontentement lorsqu’il fait preuve de cette raison qui lui fait défaut en la relâchant, la repoussant même légèrement pour lui faire reprendre ses esprits. Il faut à la blonde quelques secondes pour s’habituer à ne plus être contrainte par le corps de Kieran contre le mur et se laisse entraîner dehors, là où elle se rappelle la nécessité de respirer…

Huit minutes de silence. Ce n’est pas qu’elle a compté, mais c’est le temps approximatif entre son lieu de résidence et l’hôpital où œuvre Kieran. Sully est bien tentée de simplement s’esquiver et d’aller descendre quelques verres de bourbon pour cuver l’amertume et la honte, mais ne parvient pas à s’y résoudre. Elle déglutit, referme ses doigts sur son sac à main et arque son visage en direction de l’occupant du siège conducteur.

Rentre chez toi, Kieran, va prendre soin de ta femme, ça vaut mieux pour tout le monde extirpe-t-elle d’entre ses lippes, laissant transparaître un léger sourire au passage.

Elle constate le blanchissement des phalanges du médecin fermement refermées sur la transmission. Délicatement, elle pose sa paume sur celle-ci en exerçant une pression.

Je vais lui téléphoner demain ajoute-t-elle simplement, consciente que sa fougueuse et maternelle Alyss risque de débarquer en trombe dès qu’elle apprendra la mésaventure de la blonde. Vaut mieux qu’ils profitent l’un de l’autre, ce soir, cela lui permettra peut-être d’intégrer de nouveau qu’ils appartiennent l’un à l’autre et qu’elle n’a aucun droit d’interférer là-dedans. Aucun.

Elle se redresse légèrement pour s’extirper de l’habitacle, légèrement haletante. Dans son empressement de se délester de l’atmosphère tendue, la portière se referme sur l’une de ses phalanges, provoquant un cri de surprise et une salve d’injures maudissant tous les saints de ce bas monde. Il ne manquait plus qu’un stigmate physique à cette interminable journée pour couronner le tout. Avant de pouvoir aller s’enfermer dans ses draps duveteux pour se prémunir contre un coup du sort supplémentaire, il apparait dans son champ de vision. La blonde ravale les larmes qui lui piquent des yeux et soustrait son doigt à son regard inquisiteur.

Ta garde est terminée, docteur Vaughn. Rentre chez toi, j’ai juste été surprise, plus de peur que de mal et… pourtant il l’intime à lui allonger la main, geste auquel elle tente de se soustraire jusqu’à perdre pied pour se retrouver affalée dans l’herbe. Elle éclate de rire, littéralement, rien ne fait sens, rien du tout. Putain de Kieran à la fin.

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Tout cela frise le ridicule, et pour un peu elle hésite entre pleurer ou rire. De son existence entière, la blonde n’a jamais été à ce point déconcertée, décontenancée. Si tout son être lui exprime un vif avertissement aux malheureuses conséquences qui s’ensuivraient de poursuivre cet entretien avec Kieran, le sort s’acharne à prolonger son supplice. Si seulement elle avait eu la chance, l’opportunité même, de pouvoir conserver ce qu’il lui reste de dignité et se retirer avec cette prestance qu’elle tente jalousement de préserver, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais non, coup du sort, elle se retrouve une énième fois à sa merci. Quelque part, elle ne demande pas mieux, mais diantre, il s’agit de Kieran. Cela devrait suffire, pourtant, à faire cesser ces désirs impétueux qui irradient ses entrailles. Rien n’y fait, à croire que… c’est dire que la seule issue possible est la seule à laquelle elle ne s’autorise pas à céder, quoi qu’il lui en coûte de le faire.

J’irai bien quand je cesserai d’avoir envie de toi, d’ici là je patauge dans les emmerdes, littéralement rétorque-t-elle simplement, un soupir en guise de conclusion, alors que l’homme la couvre d’un regard d’une ambigüité qu’elle n’a pas la force de contester.

La porte s’ouvre et Sully presse le pas, restant immobile après deux enjambées, dos à lui, dos à cette inéluctable conclusion qui s’impose de plus en plus comme une fatalité. Elle est ivre de fatigue, mais n’en demeure pas moins à fleur de peau, irradiant de ce désir contradictoire avec ces politesses distantes qu’ils échangeaient encore il y a de cela quelques semaines. Lentement, elle fait volte-face, lui adresse un fin sourire en désignant le caveau à vin du menton.

Ça ne va passer que si je descends un peu d’éthylique au passage argue la blonde, avant de simplement et placidement tendre cette perche qu’il semble désespérément se raccrocher tu m’accompagnes? Peut-être refuse-t-elle de le laisser aller, d’avoir encore un temps l’impression vaine qu’il puisse être sien, même brièvement. Sans attendre sa réponse, elle s’avance dans le couloir menant à la salle à manger, farfouillant pour sortir deux coupes alors qu’il apparait, un rouge entre les phalanges, hésitant.

Deux mille neuf, une excellente année pour ce vignoble. S’en suit un branle-bas le combat jusqu’à ce que le comptoir soit maculé de victuailles accessibles. Du pain, fromage et charcuteries foisonnant alors qu’elle porte un quignon de pain à ses lèvres, faisant tourner entre ses doigts le vin qui heurte les parois cristallines des verres.

L’ironie d’être courtois et détaché quand on a simplement envie de virer tous nos vêtements et de s’envoyer en l’air ricane-t-elle doucement, levant doucement sa coupe pour porter un toast, son regard malicieux et un sourire candide maculant ses lippes à toi, Kieran Vaughn, qui me fait me questionner sur les possibilités de succès à une requête de partager tes draps en tant que tierce personne en présence de la personne que j’aime le plus au monde.

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