La douleur est encore vive un an après le décès de sa femme. Isaiah n’arrive pas à faire son deuil, il est dans le déni. Il espère malgré lui qu’elle va passer le pas de la porte un soir et lui dire qu’elle l’aime. Longtemps il s’est demandé comment il allait vivre sans elle, sans l’amour de sa vie. Comment faire pour continuer quand la seule personne qui nous tient la tête hors de l’eau n’est plus là ? Elle était son rayon de soleil, elle était tout. Souvent, il a imaginé la situation inverse dans laquelle il était celui qui laissait sa vie dans cet accident et il en arrive à chaque fois à la même réponse : il n’a pas le droit de baisser les bras. La chance qu’il a de pouvoir vivre encore est inestimable et il se doit de rester sur cette terre pour elle. Vivre pour elle.

Isaiah fait des écarts, l’alcool fait maintenant partie de son quotidien. Malgré ça, il tente de ne pas arriver ivre à son travail. Faire une erreur de diagnostic l’anéantirait. Il ne veut pas gâcher la vie de ses patients, ce n’est en aucun cas de leur faute s’il est dans cette situation et il ne peut prendre le risque de les mettre en danger. Les jours de boulot, il ne boit qu’un verre parfois deux. Pas assez pour lui faire perdre ses repères. Lors de ses périodes de repos, tout est différent. Il boit, énormément. Il lui arrive de vider une bouteille voire deux sans même s’en rendre compte. Il est juste soulagé. Pendant un temps. Ses soucis s’envolent lorsqu’il est saoul. Il arrive même à croire que sa femme est là. Il entend sa voix, voit même son visage. Seulement, il sait qu’elle n’est pas réelle. Son imagination lui joue des tours. Sur le moment, il se sent mieux mais lorsque les effets de l’alcool se dissipent, la douleur le frappe à nouveau.

Aux yeux des autres, il se porte plutôt bien. Evidemment, ses amis et collègues savent à quoi il a dû faire face et s’il ne cachait pas son mal-être après la mort de sa femme, un an après, tout le monde pense qu’il va mieux. Seule Nikola sait qu’il a du mal à remonter la pente. Nikola, la petite soeur de sa femme. Il la connait depuis très longtemps. Elle non plus n’a pas eu une vie facile. A croire que les malheurs se sont acharnés sur cette famille. Trop de pertes. Trop de douleur. Isaiah a essayé d’être là pour elle autant que possible seulement avec son amnésie, tout s’était compliqué.

Aujourd’hui, la jeune femme a tous ses souvenirs et il peut être totalement sincère avec elle. Elle l’apaise. Physiquement, les deux soeurs se ressemblaient peu, il ne retrouve pas sa femme en la regardant, juste quelqu’un qui le comprend totalement. Elle sait qu’il va mal mais ne sait pas vraiment qu’il s’enfouit dans son mal-être ni qu’il boit autant. Juste quelques verres lui a-t-il dit une fois. Il ne sait pas si elle le croit. Peut-être. Il ne veut juste pas voir la déception dans ses prunelles.

Seul un soir de weekend, Isaiah regarde sa bouteille. Elle l’attend. Elle l’appelle. Soupirant longuement, il se penche et la débouche. Sans prendre le temps de verser le liquide dans un verre, ses lèvres entrent en contact avec le goulot. Il avale quelques gorgées en grimaçant. Malgré l’habitude, il n’apprécie pas vraiment le goût. Il boit pour oublier pas par plaisir. Alors qu’il balaye la pièce des yeux, son regard accroche une photo. Sur celle-ci, les deux soeurs sourient de toutes leurs dents. Elles sont magnifiques. Elle semblent heureuses. Doucement, il se lève et va prendre le cadre entre ses doigts. Les larmes montent et finissent par noyer ses joues. Pourtant, au lieu de retourner vers sa bouteille pour noyer son chagrin, Isaiah saisit sa veste et ses papiers tout en gardant le cadre contre lui. Non, il ne va pas boire. Pas ce soir. D’un pas décidé, il quitte sa maison et marche pour rejoindre Nikola. Elle habite dans le même quartier, il est donc possible d’y aller à pied. Quelques minutes plus tard, il frappe à la porte de chez elle. Il aurait dû lui envoyer un message pour savoir si elle est présente, trop tard. C’est avec soulagement qu’il entend le bruit des clés dans la serrure. Il ne se voyait pas rentrer chez lui et faire face à sa solitude et sa bouteille.  « Hey, je viens te tenir compagnie, tu n’es pas trop occupée j’espère ? » Souriant faiblement, il espère qu’elle ne va pas lui dire qu’elle doit partir ou autre. Il a vraiment besoin de passer du temps avec elle.  « Tu ne peux pas me renvoyer chez moi, je suis venu à pied » dit-il en plaisantant un peu.  « Bon okay, j’habite à deux rues à peine, mais fais semblant de ne pas le savoir » ponctue-t-il en haussant faiblement les épaules. Ses plaisanteries ne sont jamais forcées avec elle. Il ne les dit pas vraiment pour lui cacher son malaise. Elle sait qu’il va mal. Sans lui laisser le temps de réagir, Isaiah entre et sautille sur lui même.  « Il caille en fait. Je ne m’étais pas rendu compte que l’hiver était déjà bien installé… »  

Après l’accident de voiture, ce fut un véritable enfer pour ta famille, pour ton père, ton frère, ta sœur et tous les autres. Puis à ta sortie du coma, ce fut un véritable enfer pour toi-même. Tu as été en proie à d’énormes maux de tête, une amnésie totale puis à une longue rééducation. Un enfer complet, total, un enfer qui ne semblait jamais vouloir prendre fin. Tu as subit un grave traumatisme crânien, ton cerveau en a pris un grand coup puis tu as tout oubliée, du visage de tes parents, à ton propre prénom. À ton réveil, tu n’étais plus la même, car il n’y avait plus le moindre souvenir dans ta tête. Ces gens qui étaient près de toi, te paraissais être de purs étrangers, te disant qui tu étais et ce que tu signifiais pour eux. Au fils des semaines, des mois, tu as dû réapprendre à les connaître, réapprendre à créer des liens, à te forger une complicité avec eux. Tu étais différente, ils te le disaient, mais tu devais garder espoir de retrouver la véritable Nikola, un de ces jours. Durant ton amnésie, tu as passée à côté d’un tas de choses, d’un tas d’événements. Tu n’as pas pu dire au revoir à ton copain, ni à tes amis avec tes véritables sentiments. Puis lorsque ta sœur est décédée, tu l’as connaissais à peine, du moins c’est l’impression que tu avais. Évidemment, tu as été touchée par sa mort, elle t’a affectée, mais jamais comme ce fut le cas, lorsque tes souvenirs d’elle sont revenus. À ce moment, l’enfer fut de retour. Tu as dû lui dire adieu une deuxième fois, mais cette fois fut la plus pénible d’entre toute, parce que tes souvenirs étaient belle et bien là. Au retour de tes véritables souvenirs, tu as été submergée par sa mort, puis celle de ta mère, des années auparavant et ensuite celles d’Even, de Chace et de Ceana… C’était le retour des enfers, cruels, douloureux.

Lorsque tu as émergée de cette profonde amnésie, tu as pu partager cette vive douleur avec les membres de ta famille puis également avec Isaiah, le mari de ta sœur. Si ce dernier disait bien aller, tu savais parfaitement que ce n’était pas le cas. Tu pouvais le sentir, non pas seulement par les effluves d’alcool qui venaient jusqu’à tes narines, mais par la tristesse de son regard, son égarement et la douleur qui emmenait de lui. Tu partageais cette douleur, tu l’as connaissait, parce que tu as perdu cette sœur et ton propre copain, au même moment. Ta relation avec Even, n’était sûrement pas comparable à leur relation, car vous n’étiez pas mariés, car vous n’étiez pas ensemble depuis plus d’une dizaine d’années, mais Even tu l’aimais de tout ton cœur, toute ton âme. Tu peux comprendre Isaiah, tu peux sentir toute la douleur qu’il ressent, toute cette frustration.

Assise sur le sofa, le regard perdu sur le dessin que tu faisais, quelques minutes auparavant, tu es éjectée de tes propres pensés par l’arrivée d’une personne chez toi. Tu relèves la tête, étant presque certaine de savoir de qui il s’agit. Tu te lèves puis tu vas ouvrir la porte. Ton regard se pose alors sur celui qui était ton beau-frère et que tu considères encore comme tel. Tu souris, heureuse de le voir là. Tu as toujours adoré Isaiah, disons même que tu l’as toujours idolâtré.  « Hey, je viens te tenir compagnie, tu n’es pas trop occupée j’espère ? » Il sourit faiblement.  « Tu ne peux pas me renvoyer chez moi, je suis venu à pied » Tu souris à ses épaules, tu t’amuses un peu à le faire attendre.  « Bon okay, j’habite à deux rues à peine, mais fais semblant de ne pas le savoir » Il hausse légèrement les épaules puis tu souris à nouveau. L’homme entre alors chez toi, sans attendre une invitation. Il sautille sur place, ce qui fait accentuer le sourire sur tes lèvres. « Je ne m’étais pas rendu compte que l’hiver était déjà bien installé… » Tu lui souris avec douceur, tu es vraiment contente de le voir. Pour toi, Isaiah est toujours un membre de la famille, quelqu’un dont tu es proche, quelqu’un que tu aimes beaucoup. « Ça me fait vraiment plaisir que tu sois là ! » Tu t’approches de lui et dépose un baiser sur chacune de ses joues, lui souriant. Voir cet homme te rappelle constamment ta sœur que tu as perdue, sans doute un mélange de négatif et de positif, cependant ce qui est sûr, c’est que sa présence arrive tout de même à mettre un sourire sur tes lèvres.

Depuis la mort de sa femme Nina, Isaiah n’est plus le même. Il tente de ne rien montrer aux gens qui l’entourent mais c’est extrêmement difficile pour lui. Il n’arrive pas à faire son deuil et il se demande s’il en sera un jour capable. Après un an, il ressent toujours la même tristesse, toujours le même vide. Seule Nikola, la jeune soeur de Nina, semble le comprendre. Il n’a pas peur de se montrer sous son vrai jour avec elle. Du moins, il ne craint pas de lui montrer sa peine. Elle sait qu’il n’a pas fait son deuil et qu’il pense toujours à sa femme. Ce qu’elle ne sait pas c’est qu’il boit un peu trop. Il a honte. Peut-être qu’elle s’en doute. Il n’a pas encore osé aborder le sujet avec elle. Voir de la déception dans ses yeux est la chose qu’il redoute le plus au monde. Ils ont toujours été proches et Isaiah n’a jamais été le genre d’homme à faire des bêtises. Il était quelqu’un de posé, de calme et d’attentionné, tout le contraire de ce qu’il est maintenant. Evidemment, il tente de se montrer patient avec les gens qu’il soigne, il en va de la réussite de sa carrière. Pourtant, il se sait beaucoup plus nerveux, il a perdu sa patience légendaire et parfois, il a envie de tout envoyer balader. L’amour de son métier l’empêche de le faire cependant.

Face à elle, son visage change. Il sourit. Même s’il n’est pas forcément heureux, le sourire qu’il lui offre est sincère. De son côté, la jeune femme semble contente de le voir et ça le rassure. Il ne devrait pas rentrer chez lui et faire de nouveau face à sa bouteille d’alcool. Elle lui éviterait donc une soirée noyée dans le rhum et les vidéos de sa défunte femme. « Ça me fait vraiment plaisir que tu sois là ! » Phrase ponctuée de doux baisers sur ses joues ce qui finit de le rassurer. Nikola est la seule qui peut l’embrasser ainsi. Il n’a plus de réel contact avec les gens. Des poignées de main et quelques bises superficielles mais rien de sincère. Ces baisers là veulent dire beaucoup. Il ressent toute l’affection qu’elle lui porte et même si son coeur est meurtri, il est quelque peu pansé par cette tendresse.

Enveloppé par la chaleur de la maison, Isaiah se détend. Son corps s’était crispé à cause du froid. L’hiver est déjà arrivé mais il est tellement préoccupé qu’il n’y fait même plus attention. Il sait vaguement à quel jour il vit grâce à ses rendez-vous mais n’y accorde que peu d’importance.  « Tu m’as manqué toi, ça va ? » dit-il en enlevant sa veste. Il connait bien cette maison et s’y sent presque comme chez lui. Seulement, l’atmosphère est moins lourde et ça l’apaise.  « Bon tokay on s’est vu il y a une semaine et on s’envoie des sms presque tous les jours. Mais j’aime bien voir ta petite tête. » Lui adressant un doux sourire, il va se poser dans le canapé de la demoiselle et tapote la place près de lui.  « Raconte moi ta semaine ma belle… » Il sait qu’elle ne va pas très bien elle non plus. Elle a vécu des choses terribles et il se doit d’être là pour elle tout comme elle l’est pour lui. Ils sont la bouée de l’autre quelque part. Isaiah sait que sant elle, il aurait déjà sombré depuis longtemps.

Le sourire reste indélogeable sur tes lèvres, il est bien présent et réel, tout comme Isaiah. « Tu m’as manqué toi, ça va ? » Il parle tout en enlevant sa veste. Ton sourire s’accentue, face à ses paroles. Tu lui as manquée, après une semaine seulement ? Étrangement, ces paroles te rassurent un peu, te font comprendre que malgré tout, tu comptes encore à ses yeux. Au fond, tu le savais déjà, mais le constater te fait un pincement au cœur. « Bon okay, on s’est vu il y a une semaine et on s’envoie des sms presque tous les jours. Mais j’aime bien voir ta petite tête. » Isaiah t’adresse ce doux sourire que tu aimes puis s’assoit sur le divan, tapotant la place à côté de lui, pour que tu viennes t’y poser. « Va falloir que tu viennes me visiter plus souvent, si tu t’ennuies de moi, Isaiah. » Tu lui fais un clin d’œil, tout en continuant de lui sourire. Depuis ces dernières années, tu ne souris plus autant qu’avant. Tu as perdues cette partie de toi, mais avec lui, c’est bien différent. Tu lui souris et ça te semble naturel, ce n’est pas forcé, c’est authentique. Vous partagez une douleur que les autres ne peuvent comprendre et c’est peut-être ce qui crée votre complicité. Vous vous complétez à votre façon, même si vous gérez votre douleur et vos problèmes d’une manière différente. Au fond, vous avez beaucoup en commun et c’est peut-être la raison pour laquelle tu aimes sa présence réconfortante.

« Raconte-moi ta semaine ma belle… » Une semaine plutôt ordinaire, il ne s’est rien passé de particulier de ton côté, comme toujours, en fait. « La routine, comme toujours. J’ai peints, j’ai dessinée et je suis sortie un peu. » Tu laisses échapper un léger rire. « Tellement rien de palpitant. Ma vie est plutôt nulle, ces derniers temps, comme tu sais. Il se passe pas grand chose. » La vie continue, ordinaire, banale, peu intéressante. Les mêmes douleurs, les mêmes souffrances, les mêmes habitudes, les mêmes manques. Ta vie est partie en vrille, sans que tu ne t’y attendes et maintenant, tu recolles encore les morceaux. « Et toi, ta semaine ? Plus palpitante que la mienne, j’en suis certaine ! » Avec Isaiah, l’atmosphère est légère, agréable. Lorsqu’il est là, tes soucis semblent vouloir s’évader et ça te fait beaucoup de bien. Il te fait oublier la douleur, la tristesse, il te fait oublier que tu as perdu une part de toi-même. Tu as besoin de lui, comme une bouée, tu as besoin de sa présence, de son soutien. Tu as besoin de l’avoir dans ta vie. C’est également le cas de ton père et de ton frère, mais avec Isaiah, c’est différent. La relation que tu partages avec lui est différente, unique. Tu n’es pas obligée de faire semblant, tu peux te montrer réelle, tu peux te montrer toi-même. Voilà ce qui est bien avec lui. Tu es heureuse que votre relation se soit préservée après la mort de Nina, car elle aurait pu se briser, se déchirer et pourtant, elle est restée intacte, même que vous vous êtes rapprochés. Il est un pilier pour toi, il te maintien en place.

« Va falloir que tu viennes me visiter plus souvent, si tu t’ennuies de moi, Isaiah. » Isaiah sourit à son clin d’oeil. Elle est adorable. Il est rassuré qu’elle aille un peu mieux. Sa vie n’a pas été des plus joyeuses. Sa famille a subi des pertes immenses et la demoiselle a cependant réussi à relever la tête. Comme sa soeur. Elles étaient toutes deux des battantes et même si Nina n’est plus là pour le montrer, sa petite soeur prend très bien la relève. Il en a vu craquer pour beaucoup moins que ça, il est fier d’elle. Malgré son jeune âge, elle est plutôt forte et même si ses prunelles sont encore tristes, elle continue d’avancer. « Ne me dis pas ça je vais venir squatter tous les jours ! » Ça serait mieux que passer ses soirées à se morfondre seul, à boire un peu trop tout en regardant des films de sa femme et lui. Seulement, il a besoin de regarder ces vidéos ou photos. Il veut se plonger à nouveau dans leur histoire et oublier sa mort. Il se fait mal, il le sait mais il en a terriblement besoin.  

« La routine, comme toujours. J’ai peints, j’ai dessinée et je suis sortie un peu. Tellement rien de palpitant. Ma vie est plutôt nulle, ces derniers temps, comme tu sais. Il se passe pas grand chose. » Souriant faiblement, le médecin regarde sa belle soeur. « Il vaut peut-être mieux ça que pas de vie du tout… non ? » Il a parfois pensé à mettre fin à ses jours pour la rejoindre mais il n’aurait pas voulu que Nina le fasse si lui même avait été mort. Il aurait aimé qu’elle soit heureuse, qu’elle vive, qu’elle profite, même sans lui. Alors il essaie de se dire que c’est ce qu’elle aurait voulu elle aussi. Qu’il continue à vivre. alors il le fait, pour elle. Pour que sa présence sur Terre ne soit pas oubliée. Il fait vivre son souvenir même si sa vie n’est pas si heureuse qu’elle aurait dû l’être avec elle. Il lui doit au moins ça. Et Nikola aussi doit vivre. Pour tous ces gens décédés autour d’eux. Ils doivent se battre et profiter de la chance qu’ils ont d’être encore là. Même si parfois, Isaiah ne le voit pas comme une chance mais plutôt un calvaire.

« Et toi, ta semaine ? Plus palpitante que la mienne, j’en suis certaine ! » Avec Isaiah, l’atmosphère est légère, agréable. Lorsqu’il est là, tes soucis semblent vouloir Est-ce vraiment le cas ? Il n’en est pas certain. « A vrai dire, c’était bof. Enfin, si au boulot ça va, heureusement d’ailleurs… » dit-il en souriant faiblement. « Mais quand je rentre, c’est pas trop la joie. Enfin, tu le sais, rien de nouveau quoi. » Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’il passe ses soirées à penser à Nina, à la regarder en photo ou sur vidéo. Il boit un peu quand il n’a pas de grosse journée prévue le lendemain. Il boit même beaucoup, parfois illii arrive de lui parler à sa femme. Il s’imagine qu’elle est près de lui et il discute avec elle, lui racontant sa journée comme il en avait l’habitude avant sa mort. Il est le seul à s’exprimer et ça lui fait mal. Il aurait aimé qu’elle lui raconte ses journées elle aussi. Elle lui manque plus que tout. « Elle me manque toujours autant et je me demande quand est-ce que la tristesse laissera place à l’apaisement. » dit-il plus sérieusement. Son sourire s’est envolé, il reste pensif. Au fond, il le sait. Cet apaisement viendra quand il aura fait le deuil de sa femme mais il ne le veut pas. Il aimerait ne plus être tristesse mais il a terriblement peur de l’oublier alors il préfère rester dans cette situation.

Isaiah te sourit et il est tellement beau quand un sourire s’affiche sur ses lèvres. Tu comprends facilement pourquoi ta sœur a été attirée par lui, car en plus d’être extrêmement beau physiquement, il est gentil, dévoué, authentique. C’est exactement le genre d’homme qu’une femme peut souhaiter avoir dans sa vie, même si aujourd’hui il est brisé. Les blessures finiront par se refermer, un jour où l’autre et il pourra s’ouvrir à nouveau à une femme et cette femme en question aura beaucoup de chance. « Ne me dis pas ça je vais venir squatter tous les jours ! » Tu souris à ces paroles, ça ne te poserais aucun problème, parce que cet homme tu l’adores et parce que la solitude te pèse. Les choses sont tellement différentes depuis l’accident, tu as perdue des êtres chers, mais tu t’es perdue également toi-même. La mort de tous ces êtres qui t’étaient précieux cause toujours un grand vide dans ton cœur et pour cette raison, Isaiah et toi, vous vous ressemblez. Tu as besoin de lui, c’est primordial et si tu devais passer plus de temps avec lui, tu n’en serais que plus heureuse. Il y a toujours eu ce lien entre vous deux, mais depuis la mort de ta sœur, le lien s’est resserré. Tu aimes Isaiah, tu l’adores, il est beaucoup plus qu’un beau-frère pour toi, il est un ami en quelque sorte. « Tu peux venir squatter quand tu veux Isa’, tu seras toujours le bienvenue ici. Et ça me fait tellement de bien de te voir… » Tu lui souris doucement, comme à ton habitude, ton sourire est franc, authentique et c’est ce qui te plait avec lui. Deux êtres déchirés qui se retrouvent et qui arrivent à combler le vide l’un de l’autre, pendant quelques instants, c’est ainsi que tu vois votre relation, désormais.

Ensuite, tu lui parle de ta semaine, de ta routine qui est loin d’être palpitante. Isaiah sourit faiblement. « Il vaut peut-être mieux ça que pas de vie du tout… non ? » Tu acquise légèrement d’un petit signe de tête, sur ce point il a sans doute raison. Even, Nina, Ceana, Chace, ma mère, ils auraient très certainement  préférés vivre des tas de semaines aussi banales, plutôt que de perdre la vie subitement. C’est le genre de choses qui te rappellent que tu as cette chance d’être en vie, même si la douleur s’estomperait si tu mettais fin à tes jours. Tu continues à vivre, car ce n’est pas tout le monde qui a cette chance, mais toi tu l’as, tout comme Isaiah. « T’as raison. Faut que j’apprenne à apprécier les banalités de la vie. » Tu souris légèrement, tout en continuant de le regarder doucement. Tu lui demande alors si sa semaine a été plus palpitant que la tienne. « A vrai dire, c’était bof. Enfin, si au boulot ça va, heureusement d’ailleurs… Mais quand je rentre, c’est pas trop la joie. Enfin, tu le sais, rien de nouveau quoi. » Tu connais bien, parce que lorsque tu te retrouves seule à la maison, ce n’est pas la joie non plus, le silence et la solitude te pèsent. « Elle me manque toujours autant et je me demande quand est-ce que la tristesse laissera place à l’apaisement. » Il est sérieux, pensif, son magnifique sourire s’est envolé. Tu saisis une de ses mains entre les tiennes puis tu la caresse affectueusement, pour le réconforter. Ton comprends sa peine, tu la partages, mais malheureusement tu ne peux pas faire grand-chose pour l’apaiser. Tu aimerais chasser ses maux d’un simple revers de la main, mais tu n’as pas cette capacité. « Elle me manque aussi… puis Even et tous les autres. C’est comme un trou béant… Ça va passer un jour ou l’autre, mais ça risque de prendre du temps, c’est encore si frais. » Tu souris faiblement, tu te veux rassurante, apaisante. « Ce qui est sûr, c’est que ça va finir par se calmer, la tempête va s’arrêter puis tu vas recommencer à être heureux. Tu le mérites tellement. » Oh oui, ça il le mérite, tu n’as aucun doute à ce sujet. En ce moment, tu es comme lui, les jours sont toujours plus sombres qu’heureux. Tous ceux que tu as perdus te manquent terriblement, surtout depuis que tu as l’impression de les voir partout. Il t’arrive trop fréquemment de sentir la présence d’Even ou de Nina, tu les vois, tu les sens, sans doute parce que tu perds la tête. Mais si tu pouvais réellement les voir ? Si tu avais la chance de poser ton regard sur ces personnes décédées ? La chance de les voir, même après la mort ? C’est totalement fou, totalement impossible, non ? Mais si ça ne l’était pas ?

Sa belle soeur était tout ce qu’il restait à Isaiah en lien avec Nina. Devenue comme sa propre petite soeur aujourd’hui, l’homme aurait été anéanti si elle n’avait pas été là pour le soutenir. Elle ne connaissait pas tout ses tracas et il ne savait pas s’il était réellement prêt pour lui avouer mais, l’avoir à ses côtés l’aidait énormément. Leur petit rituel lui faisait du bien. Ces visites régulières lui permettait de ne pas sombrer totalement et il espérait au fond de lui être utile à Nikola. Il ne voulait pas vraiment parler de ses problèmes à cause de la honte mais surtout parce qu’il ne voulait pas accabler la jeune femme. Elle avait tellement subi qu’elle ne méritait pas d’avoir à gérer en plusun beau frère alcoolique. « T’as raison. Faut que j’apprenne à apprécier les banalités de la vie. » Et c’était ça le plus dur. Etre là alors que les êtres chers ne faisaient plus partie de cette vie. Isaiah aurait aimé rejoindre sa femme si ça avait été possible. Mais le suicide était un acte lâche à ses yeux. Sa femme aurait aimé vivre et il savait qu’à l’inverse il aurait voulu qu’elle continue malgré tout. Il lui devait au moins ça. Vivre pour que son souvenir reste présent sur terre. Et Nikola devait en faire de même pour tous ceux qu’elle avait perdu. D’ailleurs, Isaiah se demandait comment un petit bout de femme comme elle réussissait à gérer aussi bien. Elle paraissait triste, évidemment, mais il ne la soupçonnait pas de faire des bêtises plus grosses qu’elle.

« Elle me manque aussi… puis Even et tous les autres. C’est comme un trou béant… Ça va passer un jour ou l’autre, mais ça risque de prendre du temps, c’est encore si frais. » Le regard d’Isaiah se fit admiratif. Elle avait un tel courage. « Ce qui est sûr, c’est que ça va finir par se calmer, la tempête va s’arrêter puis tu vas recommencer à être heureux. Tu le mérites tellement. » Un rire faible passa ses lèvres. Pourquoi le méritait-il plus qu’un autre au fond ? « Merci, t’es adorable…» Ce n’était pas faute d’essayer. Il avait envie d’aller de l’avant, de vivre et ne plus survivre. Pourtant, il rechutait, à chaque fois. Peut-être était-il plus faible que ce qu’il ne le pensait finalement. Se tournant entièrement vers Nikola, le médecin l’observa. Elle semblait distraite, ailleurs. A quoi pensait-elle ? Aux gens qu’ils avaient perdus ? Sûrement, mais ça n’avait rien de différent de leur précédentes rencontres. Aujourd’hui Isaiah la trouvait changée. « T’es sûre que ça va ? Tu me sembles perturbée… » Il ne voulait pas la froisser ni la rendre triste mais ça l’inquiétait. Il ne voulait pas la voir souffrir. « Tu sais que tu peux tout me dire Niko. Je suis là pour toi. N’importe quand… okay ? » Doucement, il attrapa sa main et la serra. Il voulait lui donner confiance, la rassurer et lui montrer sa présence. Peut-être n’y avait-il rien de grave mais Isaiah ne pouvait s’empêcher d’être inquiet pour elle. Il ne se le pardonnerait jamais s’il lui arrivait quelque chose un jour.