Voici quelques fois que Joe venait pour tondre l'immense jardin que je possédais, je l'avais embauché parce que j'avais besoin d'un jardinier. J'avais cette immense maison parce que j'avais les moyens, uniquement parce que j'avais les moyens parce que je n'avais pas besoin de tant de pièces, besoin d'un si grand jardin, mais j'avais eu un coup de folie avec l'argent qui tombait sur mon compte.
Cela me permettait de faire ce que je voulais en dehors du travail et même davantage, la preuve avec cette maison démesurée. Elle paraissait moins grande avec la présence de ma femme et de mon fils, mais ils étaient tous les deux partis... Enfin, j'avais viré ma femme et mon fils, lui était vraiment parti, mais pour voler de ses propres ailes comme on dit.
Quoi qu'il en soit, j'avais maintenant la maison pour moi tout seul, bien qu'il y avait Whisky, mais ce n'est pas elle qui prend de la place dans la demeure... Elle est constamment à coté de moi, en boule généralement ou sur le ventre pour que je le lui caresse, mais aujourd'hui j'avais aussi un autre projet.

Il était 14heures, la semaine dernière quand j'ai attrapé mon téléphone pour composer le numéro de mon jardiner, nous n'avions pas le même âge, mais nous étions déjà en bon terme tous les deux. Nous avions déjà discuté d'une possible après-midi entre hommes pour boire une bière. Joe allait peut être devenir un bon ami, j'allais peut être avoir enfin un homme me correspondant pour ces après midi que je m'offrais seul à défaut d'avoir quelqu'un avec qui partager les packs de bières. Et qu'il n'y ai pas de méprise, je ne suis pas gay... Joe sera peut être un ami, mais nous n'irons pas jouer avec nos oiseaux dans la même cage... Puis quoi encore !

Quoi qu'il en soit, le téléphone a finalement arrêté de sonner, j'ai eu Joe au bout du fil... et nous nous sommes donnés rendez-vous aujourd'hui même pour partager une bière et pas question de sortir la tondeuse pour cette fichue pelouse. Le rendez-vous était fixé à 15heures, il devait donc arriver dans peu de temps, j'avais déjà mis en place les bières dans le frigo hier pour qu'elles soient fraiches et les chaises étaient déjà sur la terrasse à l'arrière de la maison. Le temps était au beau fixe, il faisait frais, mais le soleil donnait sur cette terrasse, elle était continuellement bien exposée, c'était une chance.

La porte d'entrée a finit par sonner, Whisky ne s'était pas faite prier pour se mettre à grogner, mais quand j'ai posé ma main sur sa tête pour la rassurer, elle n'a plus rien dit et s'est recouché sur le carrelage frais. J'ai ouvert avec un sourire sur les lèvres :
« Hey, Salut Joe... Entre ! J'suis content de te voir ! » Tout en l'invitant à entrer, j'ai tendu la main pour lui serrer la sienne, d'un poing ferme et viril... Bien entendu.

« Va z-y, file devant toi... la terrasse nous attends ! Comment tu vas depuis l'autre jour ? » Ouais, parce que je n'avais pas envie de vouvoyer un homme comme Joe que j'invitais pour partager une bière sur la terrasse de ma maison, on avait dépassé ça désormais.

Faut dire que Joe n'est pas un homme collé à son portable, refusant cette laisse qui le lie, d'une certaine manière, au monde extérieur. Il se contentait d'écouter ses messages vocaux pour les jardins à faire en extra. Jeff avait eu de la chance qu'il décroche et de pas tomber sur sa boîte vocale. Au début, étonné de cette invitation, l'homme n'avait pas voulu heurter son interlocuteur par un refus. Etonné, ouais, était le mot juste. Il était le jardinier et son employeur lui proposait de passer du temps avec lui ? Pas l'habitude le Joe. Pas l'habitude. En tout cas, pas depuis qu'il était au U.S.A. Il n'avait rien d'intéressant à raconter et force de constater qu'il n'avait rien d'une présence agréable avec son caractère d'ours bourru mais voilà, il avait été invité, Joe avait accepté.

Jour-J débarqué, Joe marque une pause pour regarder l'heure sur sa montre. Bientôt 15 heures, l'heure du crime. Crime, façon de parler. Sauf si Jeff l'appelait pour l'aider à enterrer un corps dans son jardin et d'y faire pousser des parterres de fleurs. Pas coquet pour un sou, le jardinier se contente de changer de t-shirt et de balancer ce dernier dans le carton au coin de son lit. Chat adore s'y lover sur ses fringues sales. Chat ? Le chaton qu'il a retrouvé dans la rue. Il s'est décidé à le garder. Faut dire que ça lui a valu un ticket avec la vétérinaire du coin. Comme il s'en doutait, Chat saute sur le t-shirt et s'y love en ronronnant. Décidément, il lui en faut peu pour être heureux. Si seulement Joe pouvait en faire de même mais non, il ne ronronne pas, n'apprécie pas spécialement les fringues dégueulasses et n'est pas un chat. Point important. Laissant Chat à ses délires, Joe prend la tangente et se dirige vers l'immense baraque de Jeff, en faisant un stop à l'épicerie pour prendre de quoi faire des hot dogs. Histoire d'apporter quelque chose et il sait bien que le quinquagénaire a une barbecue, il l'a vu pendant la tonde de sa pelouse.

Le quarantenaire finit par sonner chez son hôte, accueilli en fond sonore par les aboiements de la chienne, cette dernière s'arrête rapidement de japper. Ce qui signifie que son maître arrive. « S'lut, Jeff ! … Merci » Doherty ne se fait pas prier et pénètre les lieux, bien plus habitué à rester dans le jardin habituellement. C'est dingue comme la maison a l'air plus grande de l'intérieur. Poignée de main, l'irlandais lui serre la pince fermement. Suivant l'invitation, l'homme trace devant lui et se dirige vers la terrasse qu'il parvient à trouver malgré la grandeur de la maison. « C'va bien, tranquille. Et toi ? » Si Jeff le tutoyait, il en faisait de même. Après tout, aujourd'hui, il n'était pas le jardinier. « J'ai pris d'quoi faire des hot dog. Au cas où on a un creux puis ça f'ra une bonne occasion d'faire fonctionner un p'tit coup ton barbecue » Visiblement, l'irlandais ne sait pas où se mettre et reste debout attendant la suite des choses. Sûr, il n'était pas réellement à son aise. Déjà parce qu'il se sentait bizarre dans une aussi grande et jolie maison et qu'il se demandait si Jeff avait une idée derrière la tête. Pas une idée de le draguer, non, d'autres trucs. Depuis qu'il est à Memphis, les invitations avaient été rares. Tic professionnel, Joe lance un coup d'oeil à la pelouse. Plus fort que lui, jardinier un jour, jardinier pour toujours. « Ca pas trop repoussé d'puis, t'es tranquille pour un p'tit moment »