Dix-sept heures trente. Sorti plus tôt du boulot. Le patron a bien remarqué qu'il n'y avait pas grand chose à faire aujourd'hui, pourtant, Trent, il a bossé quand même, il a réparé les moindres problèmes dans toutes les bagnoles qu'on a refourgué au garage. Et quand il en a eu marre, le patron lui a dit tu peux partir. Trent, il a pas refusé de partir plus tôt, mais il en avait pas vraiment envie. Il voulait pas rentrer chez lui, dans cette maison vide, poussiéreuse, qui accueille un chien et des cadavres de bouteilles en permanence. Trent, il aime pas sa maison. Il l'aime plus du moins. Il l'aime plus depuis que Catriona en est partie, depuis que c'est le bordel dans sa vie. D'ailleurs, il aime même pas sa vie. A peine sorti du boulot qu'il se remet à penser à tous ses problèmes. Ça l'enchante pas, ça, et a le rend nerveux, agressif. Trent, il voudrait bien se mettre sur la gueule avec un gars bourré. Il aimerait bien là, quand dans la rue, un type l'agresse, parce qu'il a royalement besoin de se défouler. Puis il se rappelle. La boxe. Oh ouais, c'est ce qu'il lui faut là, tout de suite. Alors, il passe rapidement chez lui, prendre ses affaires. On dirait pas comme ça, mais commencer la boxe, ça lui a coûté des sous avec l'équipement à acheter. Puis Trent, il voulait un bon équipement, pas un truc de débutant ridicule, parce qu'il a assez été ridicule comme ça dans sa vie.

Quarante-cinq minutes plus tard, il est là, dans la salle de boxe. L'entraîneur l'accueille comme un héros, Trent comprend pas bien pourquoi. Puis il se rappelle que, dès qu'il fout les pieds ici, l'entraîneur essaye de le convaincre de faire des compétitions, parce que "Trent t'es doué" à ce qu'il parait. Mais Trent il veux pas. Il s'en tape, les compétitions, c'est pas son truc, il s'en moque de ça. Lui, il veut juste frapper, se défouler. Trent, c'est un animal, une bête avec un besoin de violence. Il parle un peu à l'entraîneur, s'échauffe, parce qu'on le lui oblige, puis monte sur le ring. Forcément, l'entraîneur reste là, toujours sur le qui-vive avec Trent, la gueule d'ange avec le sourire du diable flanqué sur ses lèvres. Il sait que c'est son moment, il sait qu'il va pouvoir y aller. Parce que le gars face à lui, c'est pas un novice. C'est de loin le meilleur aussi, mais c'est pile ce qu'il lui faut pour se battre. Et Dieu sait combien il en a besoin. Alors, il sautille, souffle un bon coup, et attaque. Il fait ce qu'on lui a appris, n'hésite pas. Le premier jour, on lui a dit "n'aies pas peur de frapper fort" alors il a pas peur, Trent, il frappe aux endroits stratégiques. Sauf qu'il finit dans les cordes. C'est pas ce soir qu'il battra l'autre boxeur. Faut se rendre à l'évidence, il est plus fort, il le sent bien quand il s'en prend plein la tête. Puis ça s'arrête. Le gars en face l'aide à se redresser, à tenir droit. Ça devrait l'avoir épuisé, Trent, mais il en vaut encore. Les sacs de frappe. Voilà, c'est ce qu'il lui faut pour se défouler à fond. Il se dirige vers un sac. Juste à côté, une fille, jolie blonde, s'acharne elle aussi sur un sac. Trent, ça le fait doucement sourire. Il la regarde un peu faire, puis s'y met à son tour. Crochet du droit, puis du gauche, on recommence. La garde, crochet du gauche. La fille, elle s'arrête pas, ça épate Trent. Je vois qu'il y a pas que moi qui a besoin de se défouler. L'avait-elle vu se battre juste avant ? Il n'en avait aucune idée. Mais en tout cas lui, il l'a déjà vu deux-trois fois à la salle. Il aime bien les filles comme elles, les boxeuses, qui tiennent tête aux mecs. C'est certainement les seules filles qui n'auront jamais peur de lui quand il est énervé ou ivre mort.