Le bruit, la fête, la musique trop forte, c'était parfait. Parfait pour s'enivrer. Parfait pour ne plus savoir où on est. Parfait pour se perdre dans la foule, se perdre dans son corps, se perdre dans sa vie. Beaucoup de répétition hein ? Mais c'est qu'il y en avait dans sa vie. Les jours se suivaient et se ressemblaient. Toujours aussi sombres, toujours aussi dégueulasses. S'il tentait de trouver un sens à tout ça ? Même pas. Il vivait, survivait, comme il pouvait. Parfois en s'emmurant, souvent en sortant. Il allait chercher ailleurs, chez l'inconnu qui passe, la vie qui manquait chez lui. Alors il provoquait, il bousculait. Trent devenait chaque jour un peu plus minable qu'il ne l'était la veille et semblait presque s'y retrouver. Plus il était désagréable et con, plus ça le confortait dans sa misérable existence. C'est stupide de se gâcher autant la vie pour une femme, pas vrai ? Pour une histoire d'amour qui termine mal. Il n'aurait pas cru ça, il y a quelques années encore. Il n'aurait pas cru qu'il pourrait tomber si bas par amour mais ça l'avait littéralement achevé, bousillé. C'est comme si on lui avait retiré le dernier fil qui le reliait à la vie. Il était une machine en panne et il avait perdu le tournevis pour le réparer une fois de plus. Il en avait marre de rafistoler. On fait pas du neuf avec du vieux. On fait pas du bon avec du mauvais.

Mais bon, ça pouvait pas durer éternellement, cette mauvaise passe hein? Enfin, fallait espérer... Pour l'heure, il n'en était pas encore sorti. Malgré tout, il était décidé à s'amuser ou du moins à se distraire. Quitte à être désagréable. Un verre, deux, trois, quatre... Il était suffisamment habitué à picoler pour avoir besoin d'un peu plus encore pour pouvoir faire la fête. Des connaissances, il en avait quelques unes mais rien de sérieux. Il abordait tout le monde et personne, avec facilité mais sans rien chercher. Il était noyé dans une mer trop grande, pleine de stimulations fortes mais éphémères. Il avait pourtant le visage joyeux de l'homme ivre prêt à rire de tout, profitant de la folie environnante, chantant quelques airs dès que l'occasion se présentait. Un verre de bière  à la main, il suivit donc le mouvement de la foule, tentant une discussion avec une voisine qui lui coupa vite la parole, disparaissant au tournant. Se retrouvant un peu con mais pas déboussolé pour autant, il s'apprêta à se conforter dans une gorgée de son breuvage quand il fut brutalement heurté. Avant de constater les dégâts, il lâcha un juron de douleur... faut dire qu'il avait encore les restes d'un accident de voiture assez violent pour lui avoir au moins laissé quelques traces colorés. C'est ensuite qu'il remarqua que son verre était passé du plein au vide.

- Putain, fais chier, merde !

Faut dire qu'il était à sec, il avait fait le fond de ses poches pour se payer ce verre. Bah... dans la foule, pas de dur de faucher un porte-feuille, ça lui rappellera sa jeunesse. Quoique... il capta une voix féminine qui semblait s'adresser à lui. Croisant son regard, il confirma assez vite cette hypothèse tout en admirant les formes qu'accompagnaient de larges traces de bière. Faut avouer que niveau odeur, c'est pas le plus attirant sur une femme mais pour le coup, ça n'était pas si mal. D'autant qu'elle s'excusait la petite dame. Lui, ça avait été un peu vide pour qu'il se rende compte de comment ça s'était produit, d'ailleurs si elle ne s'était pas dénoncée, il n'aurait pas eu l'idée de l'accuser elle plutôt que la terre entière. En plus, au final, s'il avait été un peu arrosé aussi bien sûr, elle tirait quand même le plus gros lot, c'est le cas de le dire.

- Dans la lune ? T'as pas vu le monde ou quoi ?

Il avait vite ce ton de voix un peu agressif et pourtant son humeur n'était pas si mauvaise, assez en tout cas pour qu'il se radoucisse vite. Il lui offrit même un sourire qui se voulait sympathique, il accepta aussi de lui pardonner, joli hein ?

- Allez, c'est bon, t'inquiètes. Pas grave. Ouai, je veux bien ouai, si on le partage ?

La solitude aussi, ça fait chier et puis c'était une jolie fille. Ca peut pas faire de mal de prendre un verre avec une jolie fille. Une jolie blonde... Est-ce détail qui l'avait fait ce radoucir ? Peut être. A croire qu'il commençait à s'apaiser... Ce serait pas une mauvaise chose. Il était temps de planter le drapeau blanc. Devenant même empathique, chose assez rare, il ajouta, compatissant.

- Il a pas aimé ça ton t-shirt...

Spoiler:

Revenir à la réalité, au monde réel... Voilà en effet une sensation bien désagréable, qu'une simple bière peut donc douloureusement raviver. Mais lui, il l'utilisait à l'inverse. Peut être est-ce la différence quand on la renverse ou quand on l'avale... Il avalait pour oublier. Pour oublier la réalité. Pour oublier la misère. Misère de l'existence... Quand faut-il se battre ? Quand est-ce qu'on dérive ? Où sont les mauvais choix, les bons ? A quoi bon tout ça ? La vie, ça fout le vertige parfois. Du temps, parfois on en a trop, souvent on en a pas assez. On rêve de tellement de choses mais rien ne prend forme. On passe à côté. Ca fait chier. C'est comme pouvoir avoir des pépites d'or à quelques centimètres de soi mais être incapable de les ramasser. Avoir milles possibilités, autant de rêves et d'idéaux et tout faire foirer. On voit les autres réussir et on reste sur la berge, chaque fois un peu plus blasé et jaloux. Voilà exactement ce qu'était sa vie. Un tissu de conneries et une montagne de rêves échoués, au milieu de frustrations et de ressentiments.

De la force, l'envie de se battre, il avait cru en avoir. Le monde dans lequel il avait grandi était sombre mais il avait toujours continué de croire que la lumière se trouvait au bout du tunnel, qu'un jour ça irait mieux. Au fil des années, rien ne s'était vraiment arrangé. Toujours la même ambiance. Il avait jamais quitté le Bronx et traînait en bande. Alors qu'il rêvait d'argent, de belles voitures et de gloire, il avait découvert jour après jour, les lois du monde de la rue. Plus de coups et d'humiliations que de puissance, qu'on soit tout en bas de l'échelle ou plus haut. Et puis les conflits de sentiments... L'envie d'écraser, la haine et puis les restes d'humanité... La violence et la culpabilité. Tu peux voler, martyriser, t'acharner sur plus faible que toi, le mettre minable, ça te donne pas la sensation d'être meilleur. Il avait pas été tendre, il avait suivi l'engrenage. Mais sans doute qu'il réfléchissait trop car là non plus, il n'avait pas réussi à trouver de sens. Il avait quand même fallu que ça aille vraiment loin pour qu'il trouve le courage de se défaire de tout ce monde, lui qui n'avait jamais rien connu d'autre.

Memphis. Virage à 360°. C'est le cas de le dire. Il avait vraiment eu la sensation d'être parachuté dans un autre monde. Tout était trop beau. Trop lumineux. Trop cliché, trop parfait. Trop irréel aussi. Un paysage de télé. Ca pouvait pas durer, c'était trop beau. Surtout quand on garde toujours cette sensation d'être différent. De pas vraiment appartenir à ce monde là. Un peu comme si on jouait un rôle qui nous appartient pas vraiment. On veut leur ressembler mais il y a des détails qui clochent, des trucs que tu connais pas et qui pour eux sont une évidence. Alors tu réponds avec tes bagages et le choc culturel fait des étincelles. Le vertige parfois, il est en soi. Quand on a peur de soi-même, comment fait-on pour vivre ?  

Trop gentille. C'est clair. Au point que ça le fasse rire d'ailleurs. Pas méchamment. Juste rire. Sobre, il ne l'est pas alors peut être qu'il sur-réagit un peu. Ce soir aussi c'est irréel. Une belle blonde au t-shirt trempé qui se plie en quatre pour se faire pardonner. Elle est précautionneuse, presque effarée. Blanche neige au pays des démons. Oui, c'est drôle. Mais il a à la fois assez bu et pas assez pour être d'humeur à devenir affectueux. Il ne se laisse donc pas abattre et rétorque joyeusement, lui offrant un nouveau sourire.

- Oh, pour une fois allez, c'est la fête, faut s'amuser ! Ou un jus d'orange alors ?

Ouai, enfin, gardons la bière pour lui, c'est pour elle qu'il proposait. A son stade, le jus d'orange, c'était bien trop fade et ça manquait d'effet. Même la bière, c'était trop léger à vrai dire mais il avait plus fort sur lui pour compléter. Dans le jus d'orange, remarque, c'est pas mauvais. Cela dit, fallait pas être pressé. La queue, il venait de la faire, il pouvait confirmer, ils en avaient pour un moment. Il la suivit quand même, il y a des propositions qui ne se refusent pas, d'autant que le hasard avait plutôt bien fait les choses. Elle était bien à son goût à la petite blonde. En vérité, il disait ça à chaque fois depuis qu'il avait vu un certain nain et au final, il allait jamais bien loin, les images étaient encore trop fortes dans sa tête, il n'arrivait pas à s'en défaire ou peut être quand il était vraiment trop bourré mais là fallait-il encore être en état ! Au final, donc... peu concluant ! Comme quoi, l'option jus d'orange était peut être à reconsidérer...

- Non, c'est pas la première fois...

Un nuage sombre passa dans son regard. Avec Kat bien sûr. Vive la nostalgie ! Pitié, non, pas les souvenirs. Il tenta de s'accrocher à la deuxième question pour oublier. Pour oublier les beaux moments... presque encore plus que les mauvais. Les bons sont trop cruels quand ils n'appartiennent plus qu'au passé. La musique était tellement forte qu'entretenir une conversation n'était pas franchement évident. La foule n'aidait pas non plus, par contre l'ensemble facilitait drôlement les rapprochements corporels et au final, ça ne le dérangeait pas. Le fouillis, c'était bien. Le mélange aussi.

- Bah, c'est pas mal... la musique, tout ça.

C'était creux, vraiment creux comme réponse et ça manquait même de conviction. Involontaire pourtant. Disons juste qu'il était plutôt indifférent. C'était la musique du bar en plus, la foule des soirées en plus nombreux. L'ambiance plus sympa. En gros, ça devrait plutôt être positif tout ça. Mais, c'est comme si rien ne l'atteignait vraiment. Il était creux, vide, comme sa réponse. Rien ne l'intéressait. Un immense festival ou un bar pourri, quelle importance ? Tant qu'on pouvait en revenir bourré...

- Et toi ? Ca te plaît ?

Ca ne lui déplaisait pas de lui parler à l'oreille, même s'il fallait monter le volume. Ca ne lui déplaisait pas de ne pas être tout seul, de ne pas se faire rembarrer, même juste parce qu'elle lui devait un verre. C'était pas un grand plaisir non, ni même une excitation mais au moins ça remplissait un tout petit peu le vide... ça occupait le temps... ça le distrayait un peu. C'était toujours bon à prendre. Ne pas être seul, même au milieu de la foule, ça protège de la folie.

- T'es pas d'ici hein ?

Pourvu que ce soit pas juste une impression... elle a bien un petit accent, non ? Si elle pouvait ne pas être d'ici, là ce serait une vraie bouffée d'air frais. Il en avait marre des gens du coins. Il en avait marre de cette ville et de ses habitants. Il avait envie de foutre le camp loin d'ici parfois.

Décidément, cette fille avait tout le mérite de le faire rire. "Puis-je savoir à qui j'ai à faire", mais qui disait encore ça ? D'où pouvait bien sortir cette fille ? De toute évidence, ils n'avaient pas du avoir la même éducation en tout cas ! Et sans doute, ne venaient-ils pas non plus du même milieu, on peut bien aller jusque là dans les suppositions et encore il s'était bien adapté à la population locale. En tout cas, il ne se gêna pas pour rire mais comme ils étaient au milieu d'une grande foule, elle ne remarqua peut être pas son petit air amusé qui tournait un peu vers une moquerie, à moins que son discours ne le confirme.

- Trent, pour vous servir, lady.

Il devait avoir entendu ça à la télé une fois ou quelque chose du genre. Oui, ça l'amusait. L'alcool rend dépendant c'est vrai, et parfois il aide franchement à sombrer dans la déprime mais... mais il arrive aussi qu'il aide à faire rire et pour l'heure, c'était encore au moins un peu le cas, ce qui n'était pas désagréable. Voilà qui s'associait à sa capacité à accepter la foule. Un moment où il avait encore besoin de se sentir noyer autant dans un liquide brûlant que dans le monde, noyer dans son existence et donc tout simplement absent de cette dernière. Oui, quand au lieu d'être un au milieu de tous, on disparaît tout simplement dans la masse alors tout est plus facile à oublier. Mais la queue avançait malgré tout, tout comme leur conversation.

Elle préférait la tranquillité de son appartement. Il grimaça mais ne chercha pas à la contredire. Aucune chance en tout cas qu'il n'en dise autant. Le vide sa maison était bien trop déprimant. Voilà peut être ce qui différenciait son goût pour ces festivités. Bah... Il n'avait rien à y redire. Après tout, c'était son avis, elle pouvait bien en penser ce qu'elle voulait tant qu'elle ne disparaissait pas trop vite. Maintenant qu'il avait quelqu'un de sympa à qui parler, qui le faisait rire et lui payer à boire en plus, ce serait quand même con qu'elle se tire. Il allait falloir qu'il la retienne d'une manière ou d'une autre. S'il renversait de nouveau sa bière sur elle, par mégarde bien sûr, ça pourrait fonctionner ?

Dix ans. Merde. Nouvelle grimace. L'accent, l'avait fait espérer mais non dix ans, c'était plus une étrangère, au bout de dix ans, il y a prescription. De toute façon, l'Italie, il avait aucune idée de où ça se trouvait dans le monde, ou même si c'était un pays ou une ville au fond, alors aux états unis ou ailleurs quelle importance. Lui, la carte des états-unis, c'était déjà suffisamment embrouillée pour qu'il se soit étendu plus loin. Trop tard pour se retenir d'afficher un léger manque culturel, avant même de réfléchir, il posait déjà la question. Preuve au moins d'un certain intérêt. Enfin, c'était plus par automatisme que vraiment pour enrichir ses connaissances.

- Mouai... C'est où ça ?

En vérité, ça le faisait chier. Ca le faisait vraiment chier qu'elle soit pas étrangère de Memphis. Lui qui comptait bien pouvoir cracher un peu sur la ville et les habitants, voire se tailler d'ici, c'était loupé. Enfin...

- Dix ans, putain. Comment t'as tenu ?

Oui, là, il s'était vendu sur son mal-être à se trouver dans cette putain de ville de malheurs. Non, en fait, c'était faux. C'est pas ce qu'il ressentait... Contrairement à ses origines, Memphis avait vraiment été la ville de tous ses espoirs, une ville de rêve, celle de la seconde chance... Il était venu pour tout recommencer à zéro. Mais quand on échoue, c'est encore pire... Le rêve se transforme en cauchemar.

- Moi... ça va bientôt faire trois ans... Je viens du Bronx. New York. Je sais pas ce que je suis venu foutre ici.

Oh si, il le savait. Il le savait que trop bien. Sinon, qu'est-ce qui le retiendrait de repartir. Pour autant, lui qui était plutôt du genre secret, à ne jamais rien révéler de ses sentiments, voilà qu'il devenait bavard ce soir. Drôle de constat. Repartir ? L'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit, en vérité. Non pas par espoir vain mais revenir en arrière, c'était juste impossible... Il était coincé, c'est tout. Il avait insisté sur le quartier, ça avait tellement fait tiquer la famille de sa fiancée, ses origines... Enfin, c'était peut être plus l'aspect social que géographique.

Il retrouva le sourire alors qu'elle se commanda un jus d'orange, signe au moins qu'elle ne comptait pas l'abandonner à son triste sort tout de suite. Bonne nouvelle, c'est toujours ça de gagné. Il la suivit donc alors qu'elle se sauvait de la foule amassée autour de la buvette. De nouveau elle le fit sourire alors qu'elle traduisait son soulagement de trouver enfin un peu de répit... A ce point là ? Ah oui... effectivement, elle n'aimait pas la foule ! Il lui tendit son verre pour trinquer et déclara plutôt joyeusement.

- Oh, parfois elle amène quelques surprises ! Même si ça laisse des tâches, c'est pas désagréable !

Décidément oui, la foule et l'ambiance festive le rendait bavard ce soir. Il en devenait même capable de se féliciter d'une rencontre, ce qui ne lui était pas arrivé depuis un bon bout de temps. En tout cas, la dernière fois en date, il avait été bien trop bourré pour se souvenir de quoique ce soit. Là, il était encore potable, ce qui était une chance de plus. Et le voilà de nouveau qui partait à rire en plus de ça, grâce à sa nouvelle question. Quelle question con en même temps, comme tout dialogue social d'ailleurs. Qu'est-ce que ça peut bien foutre ce que l'autre fait comme boulot, franchement ? Une fois qu'on sait, à moins qu'on ait besoin d'un service quelconque, qu'est-ce que ça nous apporte ? Mieux se connaître, vraiment ? Qu'il soit mécanicien, dompteur de cirque, avocat ou gigolo, ça avait quelle valeur ? Bon, d'accord, il exagérait un peu peut être... Et c'était bien à lui de dire ça, lui qui avait été incapable de supporter que sa fiancée tienne un bar. Alors oui, se moquer de cette question, c'était injustifié ou bien au contraire, ça justifiait sa réaction... le boulot, c'est une connerie en soit, comme tout ce qui est si bien organisé dans cette petite vie de merde. Tout est écrit d'avance. Chacun devrait rester à sa place et suivre le rôle qu'on lui a confié. Qu'est-ce qu'il était venu foutre à Memphis à prétendre à une nouvelle vie alors qu'en tant que petit connard du Bronx, issu d'un milieu défavorisé et violent, il avait juste en toute logique sa place, comme il avait démarré, en bon malfrat dans les rues ou peut être en taule ? Avouez que s'il avait suivi la logique, il aurait jamais fait tâche chez les Connely ! Suivez la route qu'on vous a tracé au lieu de vous croire supérieur. Il y a un chemin pour chacun, faut pas baver sur le voisin et se contenter de ce qu'on a. Si seulement, il était resté à sa place hein... Putain.

- Ce que je fais comme boulot... pff... tu peux oui mais on s'en fout.

Il but sa bière. Un peu vite. Bon, pas tout d'une traite non plus mais une bonne moitié, comme on boit un jus d'orange. Non pas parce qu'il voulait abréger la conversation, juste parce que parler boulot ça le faisait chier. D'autant que nouvel élément perturbateur dans son raisonnement pourri : il aimait son boulot. Ouai, il aimait tellement son boulot que ça ne l'avait pas empêché de tout gâcher là aussi, accumulant ces derniers temps conneries sur conneries... Résultat, plus de boulot, enfin, c'était sa conclusion, mais en vérité, il avait la chance d'être simplement sur la touche mais pas viré... Arrêt maladie. Pourquoi ? Déprime ? Laissez moi rire... ou pleurer. Bref. En fin de compte, il se rattrapa. Bien qu'il soit maître dans l'art de tout gâcher, ce serait bien con, de remballer la fille alors qu'il avait vraiment pas envie de passer la soirée seul. Il se reprend donc. Il se reprend et corrige sa réponse, passant un coup d'éponge sur la précédente. Faudrait qu'il prenne exemple sur elle. Soyons courtois. Il avait envie de compagnie alors faut s'accrocher même si tout lui paraissait tellement absurde dans la vie...

- Je suis mécanicien. Réparer, c'est mon truc. Mais bon, ça sert à rien.. tout finit quand même à la casse. Et toi ?

Il était bon pour réparer... Les voitures, il les avait exploré dans les moindres détails, il était doué pour repérer le problème en un temps record. Il aimait aussi redonner un coup de neuf en cas d'usure. Il ne réparait pas que les voitures. Dès qu'un petit appareil, une ampoule, un réveil, tombait en panne, même chez un voisin, un ami, c'était un toc, il ne pouvait pas accepter de laisser traîner. En général, il avait des outils dans la voiture, si quelque chose manquait, il était capable de sonner le lendemain à la première heure pour venir terminer et s'assurer que ça fonctionne. Fallait que ça marche... La mécanique ça se répare mieux que les humains... Dommage... Si seulement ça pouvait fonctionner de la même manière, ce serait plus facile pour tout le monde...