andrew , molly
you're the hand i put my heart in
Une main caressant son ventre, l'autre retirant quelques mèches de cheveux lui tombant devant le visage, Molly passa la baie vitrée, des sandales fines aux pieds et une robe légère sur les épaules. Elle esquissa un sourire, immense, ampli de bonheur. Andrew l'attendait, étendu sur une chaise longue.
« Mama' ! 'egade ! »
Leur fils, âgé de deux ans et quelques mois, s'avança en direction de sa maman. Molly se stoppa, amusée, pour observer la prunelle de ses yeux se donner en spectacle. Le petit tournoya maladroitement et, déséquilibré, termina dans l'herbe, sur les fesses. Il éclata de rire et Molly fit de même. Elle secoua légèrement la tête, avant de s'approcher de lui. Elle se baissa et tendit ses deux mains pour l'aider à se relever.
« C'est parfait mon chéri. Avec un peu d'entraînement, tu en surprendras plus d'un. »
Elle plaisantait, mais elle était réellement fière de lui. Il pouvait faire n'importe quoi, poser en équilibre un caillou sur un autre ou lui apporter une feuille d'arbre, elle trouvait toujours que c'était un exploit. Elle l'attrapa sous les aisselles pour le porter dans ses bras, prenant garde de le mettre un peu sur le côté, davantage sur sa taille que sur son ventre, et rejoignit son mari.
« Je crois qu'on a un futur danseur professionnel dans la famille ! »
Elle pouffa, reposant son fils dont le poids n'était plus aussi léger que lorsqu'il n'avait que quelques mois. Il reporta son attention sur un de ses jouets qui traînaient dans l'herbe, et Molly s'assit sur les genoux de son amoureux.
« Oui, je sais ce que tu vas dire, j'ai dit hier qu'il ferait archéologue et avant-hier cuisinier... mais c'est pas ma faute si notre fils est multi-talents ! »
Elle pouffa de nouveau, avant de déposer un baiser sur les lèvres d'Andrew. Elle plaça ses mains de chaque côté de son visage et l'embrassa de nouveau, tendrement, puis un peu plus passionnément. Un fin sourire aux lèvres, elle posa ensuite sa tête contre l'épaule de son mari et se blotti contre lui, passant un bras dans son dos. Son mari. Oui, son mari. Ils étaient mariés depuis dix ans maintenant, mais elle avait l'impression que c'était hier qu'elle lui avait dit oui. Elle s'y était habituée depuis le temps, bien sûr, mais elle n'en revenait toujours pas de la chance qu'elle avait. Celle de l'avoir rencontré, celle de s'être mariée avec lui, celle de partager sa vie encore aujourd'hui. Celle d'être en vie, tout simplement... elle était passée par des étapes difficiles, certaines bien peu glorieuses voire tout bonnement horribles, et Andrew avait été présent pour chacune d'elle. Il l'avait soutenu, encore et encore. Il aurait pu être fatigué de ces années de bataille contre la maladie, lassé, il aurait pu abandonner et pourtant, il n'avait cessé de lui dire qu'il l'aimait. Et après trois ans à tenter de guérir son cancer et cinq ans de rémission, quand le médecin avait dit à Molly qu'elle était officiellement guérie, Andrew était toujours là. Les cinq années avant cette annonce avaient été beaucoup plus légères que les précédentes, bien sûr, mais les contrôles médicaux étaient toujours fréquents et il y avait toujours une incertitude qui flottait. Pouvoir dire je suis guérie avait tout changé. Et, presque dix ans après leur première rencontre étincelante, Andrew était toujours là. Et, presque dix ans après leur première rencontre éblouissante, Molly l'aimait toujours autant. Non, en fait, elle l'aimait plus encore. Un peu plus chaque jour.
Inconsciemment, Molly passait et repassait sa main sur son ventre. Elle releva la tête pour capter le regard de son mari.
« On l’appellera comment ? » demanda-t-elle, les yeux pétillants. « Tu as des idées ? »
Moliéna était tombée enceinte peu de temps après avoir appris qu'elle était officiellement guérie de son cancer. Les deux amoureux n'attendaient que ça : former une famille, se prouver un peu plus leur amour et avoir un enfant. Mais, avoir un bébé alors qu'elle pouvait récidiver était un risque qu'aucun des deux n'avaient voulu prendre. Cela faisait à présent un peu plus de deux ans qu'ils étaient les parents d'un petit garçon intelligent et curieux. Et, il y a quelques semaines à peine, Molly avait présenté à son mari un deuxième test de grossesse positif. Ils n'avaient pas encore réfléchi au prénom et, même s'ils avaient encore le temps, rien n'empêchaient qu'ils commencent à y penser dès maintenant.

andrew , molly
you're the hand i put my heart in
L'amour dure trois ans, Molly y avait bêtement cru alors qu'elle était plus jeune. La seule connaissance qu'elle avait en matière de relations amoureuses, à l'époque, c'était celle de ses parents qu'elle pouvait voir au quotidien, et celles de ses amis. Concernant ses parents, elles savaient qu'ils s'aimaient, qu'ils tenaient beaucoup l'un à l'autre, mais ils n'étaient pas particulièrement fusionnels, ne se baladaient pas main dans la main, ne s'embrassaient que pour se dire bonjour ou au revoir. Ils ne se prouvaient que rarement leur affection et se disputaient souvent, à propos des factures impayées principalement, rejetant toujours la faute sur l'autre. Malgré tout, ils étaient encore ensemble aujourd'hui et se disputaient d'ailleurs bien moins que par le passé, leur situation financière s'étant un peu améliorée. Même si Molly savait à présent que chacun vivait son amour de sa propre manière, à l'époque, la relation de ses parents n'était pas celle de la relation amoureuse qu'elle estimait idéale. De l'amour avec un grand A. Et pour ce qui concernait ses amis, ce n'était pas vraiment mieux, à vrai dire. Elle ne comptait pas les amourettes du collège, qui ne voulaient pas dire grand chose, mais dès le lycée elle avait pu voir ses amis s'engager dans une relation, s'y donner corps et âme, pour qu'elle se termine quelques mois plus tard, tout au plus... trois ans après. À l'université, où les relations se faisaient plus sérieuses, duraient davantage, ce n'était finalement pas vraiment mieux non plus. Elle se rappelait d'une amie qui pensait que son petit ami était l'amour de sa vie, alors que deux mois plus tard elle le quittait parce qu'elle s'était lassée. Molly avait vu le film L'amour dure trois ans, aussi, et elle avait définitivement et bêtement fini par y croire. Bien sûr qu'elle en voyait, des couples plus vieux que ça et qui s'aimaient encore passionnément, mais elle les considérait comme des exceptions à la règle. Déjà que ses espoirs de trouver l'amour étaient minces, se disant qu'ayant vingt-trois ans et étant toujours célibataire, il y avait de fortes chances pour qu'elle le reste toute sa vie, elle avait fini de perdre espoir en l'amour quand elle réalisa que si jamais elle avait la chance d'avoir un amoureux, elle n'aurait pas celle de rester avec lui plus de trois années. Et puis... et puis elle avait rencontré Andrew. Elle avait aimé Andrew. Elle s'était mariée à Andrew. Ils en avaient traversé, des choses, et toute cette douleur aurait pu les séparer. Mais non, au contraire ; elle les avait rapprochés plus encore. Ils en avaient passé, des années dans le doute. Des années à se demander s'ils pourraient réaliser leur rêve de famille, ou s'il était condamné à jamais. Et malgré cette attente, ils ne s'étaient pas ennuyés l'un de l'autre. L'impatience ne les avait pas brisés. Et bien qu'ils avaient mis au monde la chair de leur chair, qu'ils tenaient dans leur bras leur fils depuis plus de deux ans, la routine ne les avait pas rattrapés. Dix ans qu'ils étaient mariés, et ils s'aimaient comme au premier jour. Non ; en fait, ils s'aimaient plus encore. Assise sur les genoux de son mari, Moliéna réalisait ça. Elle s'apercevait que cette vieille légende en laquelle elle avait tant cru était terriblement idiote. Chaque couple s'aimait d'une façon différente, et il n'y avait aucune règle. Aucune, c'était certain, qui disait qu'au bout de trois ans, la passion laissait place à l'habitude. Parce que cela faisait dix années et Molly aimait toujours Andrew passionnément. « Le même métier que son papa ? Et puis quoi encore ! » rigola la blonde en secouant la tête. « Un réalisateur de films dans la famille, c'est bien suffisant. » Elle pouffa de nouveau, avant d'encadrer de ses mains le visage de son mari et de déposer ses lèvres contre les siennes. Elle le taquinait, bien sûr, mais elle était loin de voir un inconvénient à ce que son fils exerce le même métier que son père. Réalisateur était un métier des plus passionnants, Molly avait pu le voir au fil des années. Elle avait vu Andrew réaliser son premier film, elle l'avait vu travailler d'arrache-pied, donner toute son âme dans ces œuvres d'art. Elle avait été émue aux larmes, à chaque fois qu'elle avait vu pour la première fois les films qu'il avait réalisé. Elle était fière de lui, fière de son talent. Les thèmes qu'il abordait avaient toujours un sens caché, et ses films permettaient de dire avec des images et les dialogues de personnages, tout ce que lui-même n'avait jamais su dire. Alors, si son fils marchait dans les traces de son papa, elle n'en serait que plus heureuse. « Léon ! » l'appela-t-elle alors, en rigolant. Quand son petit garçon s'approcha d'eux, elle lui demanda ce qu'il en pensait. « Tu te verrais faire comme papa ? Fabriquer des films ? Ou tu préférerais faire comme maman et fabriquer des sites internet ? » Elle pouffa de plus belle, avant de lui ébouriffer le haut du crâne. « Je rigole chéri, c'est pour embêter papa. Retourne jouer. » Elle lui sourit doucement, alors que le petit se mettait à rire à son tour avant d'aller retrouver ses cailloux et ses tiges de pâquerettes. Elle se retourna vers Andrew, et haussa les épaules. « Il ne doit même pas savoir ce que c'est qu'un site internet, de toute façon. T'as forcément une longueur d'avance. » Elle esquissa de nouveau un sourire. En réalité, elle se moquait bien du métier que Léon ferait ; elle se fichait qu'il fasse comme son père ou comme elle-même, ou qu'il trouve sa propre voie. Elle refusait de lui imposer quoique ce soit, et pire encore de lui faire choisir entre ses deux parents. Durant toutes les années pendant lesquelles ils avaient rêvé de fonder une famille sans pouvoir le faire, Molly avait eu le temps d'observer les familles qui l'entouraient, elle avait eu le temps de voir des films, de lire des livres. Elle s'était nourrie de tout ça, pour être la meilleure maman possible. Bien sûr, elle savait qu'elle ne pourrait pas être parfaite, qu'elle ferait des erreurs ; c'était la beauté de la maternité, aussi. Mais, une chose parmi tant d'autres, Moliéna refusait de demander à son enfant de choisir entre elle et son mari. Un enfant ne devait jamais avoir à faire avec les problèmes de ses parents. Elle-même en avait fait les frais trop souvent, alors que ses parents, incapables de gérer leur propre finance, s'en remettaient à leur fille pour savoir lequel des deux étaient le plus raisonnable, le moins responsable. « Ce que tu peux être bête ! » lança-t-elle alors à Andrew, en rigolant, et sans le penser. « Tu imagines, avoir un ou une Molly junior ? On sera toujours deux à répondre, deux à rappliquer. Ça ne serait pas vivable. Puis ça fait un peu égocentrique, tu ne trouves pas ? » Elle rigola de nouveau - elle rigolait tout le temps -, et déposa un baiser sur les lèvres de son mari. « Aller, plus sérieusement, tu n'as pas pensé à un prénom ? J'ai quelques petites idées, mais je ne suis pas sûre que ça te plaise. » Elle avait eu des idées de prénom, comme ça, qui lui étaient apparues à divers moments de la journée. Elle ne savait pas vraiment d'où ça sortait, c'était résolument farfelu, mais elle en adorait la sonorité. « Qu'est-ce que t'en dirais, de partir sur... sur un prénom bien original ? Du genre, qui n'existe même pas encore ? » Déjà, Léon n'était pas le prénom le plus commun ; pour commencer, il était d'origine française, et même dans son pays d'origine, c'était un vieux prénom bien qu'il revenait peu à peu à la mode. Pour leur deuxième enfant, Molly voulait pousser la barre de l'originalité encore un peu plus loin.