Elle est l'incontournable de la soirée, et ce serait mentir que dire que ça la dérange. Certes, les artistes sont à l'honneur, ce sont eux qui bénéficient de ce vernissage hors du commun, mais n'en demeure-t-elle pas moins l'instigatrice de cet évènement. Elle en est fière, Sully, comme de chaque chose qu'elle accomplie depuis qu'elle s'est émancipée. Elle vole, libérée, et elle va au gré du vent, vogue au gré de ses désirs et envies. Voilà qu'ici et maintenant, on la félicite de son œuvre, d'avoir su mettre en valeur les gammes d'émotions offertes par l'artiste. Sully, elle sourit, trempe ses lippes dans la flûte de champagne et accepte le compliment d'un sourire un peu mutin. Dans tout ceci, elle s'est investit corps et âme, et elle ne compte pas les heures simplement accordées à dénicher l'éclairage et l'ordre parfait. Sully, c'est cette perfectionniste qui ne peut se satisfaire que d'une absolue complaisance. Elle a su masquer la fatigue qui macule son visage, le désarroi jusqu'à la dernière seconde à l'idée qu'une chose ou une autre mette en péril l'équilibre précaire de son vernissage. Elle craignait qu'on ne passe outre la nouvelle venue dans ce métier d'hommes, qu'on ne décide de snober cette petite sotte qui se prétendait au mécénat après avoir œuvrer bien longtemps dans des domaines aux antipodes de cette subtilité qu'est l'art visuel. S'il n'en tenait qu'à elle, elle aurait été bien loin le jour du dévoilement, et pourtant elle s'est présentée du haut de ses escarpins à la semelle écarlate, le sourire aux lèvres et dévoilant la façon dont elle avait tout mis en branle pour redorer son établissement. Aux compliments qu'elle reçoit, aux offres d'achats qu'on lui souffle à l'oreille et aux œillades qui la dévisage, elle a réussi sur toute la ligne, et c'est un soulagement qui la laisse pantoise. Pourtant, Sully, elle a toujours des mots prêts à couler de ses lippes rehaussées par une savante touche de rose, seyant parfaitement ses pommettes enivrées par le champagne et l'attention qu'on lui témoigne. Sully, elle n'en tarit par d'éloges pour Kingston Dempsey, ce miraculé qu'elle a su déniché lors d'un récent passage dans le South Memphis. Les couleurs mélancoliques, les messages d'espoir, elle y a lu son histoire et lui a donné la chance qu'on ne lui avait jamais offerte. Et ça a payé, putain, tout semble enfin s'imbriquer parfaitement...

Ou pas. Sully, elle détourne le regard à la voix qui l'interpelle, par-delà l'épaule trop crispée de son interlocuteur primaire. Seulement, elle n'a pas le loisir de se défiler, ni même de lui accorder son attention. On attend d'elle une réponse qu'elle peine à offrir, et on se rend bien compte que la présence de l'homme là derrière l'interpelle. Curieusement, on lui offre la possibilité trop rapidement de se retrouver à entendre la voix rocailleuse de Kieran, cette voix pourvue d'un malaise qui lui apparait aussi tangible qu'équivoque. Après tout, n'a-t-elle pas approché son corps trop près du sien, entrelacé ses phalanges avec les siennes et s'être comportée comme une gamine qu'elle n'est plus il y a quelques jours, semaines, à peine? Le temps s'étiole, elle en perd totalement la notion. Ses phalanges se referment sur la boîte que lui tend son vis-à-vis, et il s'éloigne sans attendre sa réaction. Elle déglutit, relève la tête et reprend de sa superbe, Sully. Elle peut pas se permettre de faire autrement, bien que ses doigts n'ont de cesse de caresser l'écrin de la boîte remise précédemment tandis que s'éteint finalement une discussion stérile.

Elle n'y tenait plus, Sully, et du regard elle percute celui de Kieran à l'autre bout de la pièce, se retrouvant à proximité en esquissant habilement les intéressés. La boîte entre ses doigts, elle confronte le regard de l'homme en espérant ne pas y voir ce qu'elle y retrouve. Il a suivi chacun de ses mouvements depuis l'extrémité de la pièce, et de façon qui ne laisse place à aucune interprétation. Pas pour elle. Sully, elle l'a vu, l'a ressenti jusque dans ses entrailles dans cette putain de penderie J'apprécie que tu sois là, Kieran. Mais Sully, elle sait, il est là pour Alyss, parce qu'elle le lui a demandé. Elle attrape une flûte qui lui est proposé par un serveur, en tend une à Kieran. L'alcool, toujours l'alcool pour remédier à ces blessures de l'âme et de l'orgueil. Ça reste une mauvaise idée, tu sais qu'elle souffle sur le ton de la confidence. Sully, elle est enivrée et exaltée par le succès du vernissage, et ça la rend imprévisible. Trop pour que ce soit sécuritaire d'avoir Kieran dans son sillage. Comment elle va? Puis toi aussi, évidemment. Elle déglutit, parce qu'elle supporte pas la tension, tant celle de malaise que celle qui la pousse à le détailler du regard avec la même intensité qu'il peut le faire lui même.

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Ce qui était navrant, c'est qu'elle ne parvenait pas à s'intéresser davantage à ce qui se passait autour d'elle, comme si l'univers gravitait au sein de Kieran à ce moment précis. Pour l'instant, elle le sait, ils peuvent causer de tout et de rien. De rien, surtout, pour éviter soigneusement le sujet épineux de leur dernière et houleuse rencontre. Si elle aimait la sensation d'être libérée de ses chaînes et des tabous qui l'enserraient, Sully aurait préféré maintenir cette barrière-là entre elle et lui. Par respect pour Alyss, surtout, avant tout le reste. S'il y avait une personne pour laquelle elle demeurait pleinement disponible, qu'elle écouterait et suivrait à travers monts et marées, c'est bien Alyss. Pourtant, voilà qu'elle suscite la convoitise dans le regard de son mari et que celui-ci incendie ses propres entrailles rien qu'en faisant acte de présence. Pour Alyss, Sully, elle ferait tout et n'importe quoi, et il lui faut donc si brider, refuser cette attirance réciproque qui lui coûterait un prix qu'elle n'est pas prête à payer. Pour des hormones incendiaires et des envies peu chastes, elle n'allumera pas le bûcher qui va incendier le couple déjà fragilisé de sa douce moitié. Si Kieran partage la couche et la vie d'Alyss, c'est tout de même auprès d'elle que la blonde trouve refuge, les yeux pleins d'eau, maudissant son ventre de ne pas avoir encore engendré de descendance. Elle qui la berce, la console, encore et toujours, toujours et à jamais. Ce n'aurait jamais du arriver, et l'alcool n'aurait jamais du la faire divaguer à ce point. Comment peut-on allumer une telle passion avec des regards entendus et un peu d'alcool en contrepartie? Sully, elle n'en savait rien, mais elle implorait les cieux de trouver une solution permanente à cette incartade qui l'accablait déjà de son lot de culpabilité. Sully, elle avait les épaules trop fragile et les mots trop fragiles pour les mensonges et les remords, alors elle devait se montrer forte. Pour Alyss, certainement, mais pour Kieran aussi. Elle le considérait trop pour le considérer comme un instrument venant cimenter sa toute récente émancipation au mariage et au joug familial. Il n'était pas, il, enfin, Sully, elle ne pouvait tout simplement pas. Pas lui. Pas comme ça. Et surtout pas lui, en fait.

Tu mens bien mal, ou peut-être est-ce que je te connais trop bien, Kieran qu'elle rétorque, Sully, à la vaine tentative de ce dernier de tempérer leurs ardeurs réciproques. Elle s'étonnait qu'on ne se retourne pas en leur direction, le flot d'hormones et la tension étant à son comble, leur langage corporel exprimant une retenue qui n'avait rien de respectueuse ni vertueuse. Elle aurait souri à la situation, Sully, s'il n'avait pas s'agit de lui. Une pointe de regret de cette entente cordiale entre le mari de son âme soeur qui s'est évaporée à jamais pour laisser ce pas très subtil manège maladroit de feindre quelque chose à laquelle ils ne croient ni l'un ni l'autre. Ils sont de bien piètres menteurs, tous les deux, et la voilà à regretter sa franchise et sa droiture. Brièvement. Le temps de craindre le pire et de tendre son corps pour pallier à cette brise culpabilité qui lui chatouille la nuque. Alors s'ensuivent les banalités qui sont d'usage, même lorsque l'on combat une pulsion sommaire qui veut absolument s'imposer maîtresse des lèvres pleines, quoique pincées, de Kieran. Pour se distraire, elle plonge ses lippes dans la flûte de champagne en faisant gaffe à ne pas la descendre d'un trait. L'alcool n'est pas un appui sécuritaire, pas en la présence troublante du médecin. Et Sully, elle émerge lorsqu'il s'adresse directement à elle, le sourire fanant sur son visage dont elle maintient la façade impassible avec tant de difficulté. Son masque s'effrite par moment, et Sully ne peut pas tolérer de lâcher la bride. Pas maintenant, pas ici, pas avec lui. Elle n'a pas toujours besoin des mots avec nous, tu le sais aussi. Elle est amère et elle regrette de l'être. Elle se veut dure parce qu'elle ne peut pas faiblir, ne rien concéder, surtout pas une vague impression de pouvoir céder à cette envie urgente de lui Elle est ce qui me tient le plus à coeur dans ce bas monde, le sais-tu cela, Kieran? qu'elle l'interroge, soudain curieuse. C'était sans compter qu'on la bouscule et qu'elle doive poser ses phalanges au beau milieu de son torse, prise de court. Sans compter les palpitations dans la poitrine qui est sienne et celle sous ses doigts. Comme si son contact l'avait brûlé, elle recule vivement, manquant perdre pied On est mal barrés. C'est une évidence qui la fait subitement rire, trop tendue. Elle entraîne certaines personnes dans cet éclat d'hilarité contagieuse, déridant même Kieran au passage. Un exploit, en somme.
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C'est bien pour cette raison-là qu'elle concentre habituellement son attention sur de parfaits inconnus, Sully, des hommes à la stature imposante, le charisme entêtant, et l'apparence soignée d'un homme qui sait se respecter. Oh, elle ne s'en est pas imposé des tas depuis que le divorce a été prononcé, Sully. Elle en a convoité quelques-uns, en a conquis un ou deux, et s'est amusée comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Ce n'est pas qu'elle ne trouvait pas son compte avant, mais en se libérant de ses appréhensions et des idées préconçues, elle jaugeait d'un oeil nouveau cette étonnante capacité qu'elle possédait à séduire et être séduite. Elle appréciait le jeu presque autant que la conclusion inexorable, Sully, elle aimait être le centre de l'attention, d'être considérée et complimentée, se laisser désirer au moins autant qu'elle pouvait désirer ardemment autre chose. Pour ne pas faire mention de l'homme qui lui faisait face et qui, d'ailleurs, soulignait à la perfection chaque exigence pointilleuse qu'elle exigeait de ses proies, car elle les considérait ainsi. Des figurants dans la trame de son existence, prodiguant moult plaisir et volupté au passage, mais dont le visage et le nom s'effaçait rapidement de sa mémoire plus que sélective. Mais voilà, elle était exigeante, perfectionniste, Sully, et elle ne tenait pas spécialement à le blesser plus qu'elle ne pouvait le supporter. Non, elle ne se bridait pas - plus jamais, s'entendit-elle penser avec force - mais elle veillait scrupuleusement à éviter les dommages collatéraux. Tout ce qu'il lui restait, c'était son honneur, et Sully, elle le protégerait au gré de bien des périls, au-delà de toute contenance. Si ce n'est qu'elle ne parvenait pas à éteindre le feu dans son bas ventre qui s'agite avec véhémence tandis que Kieran lui fait face, répondant sans peine et avec une justesse qu'elle lui connait. Son coeur, d'ailleurs, loupe un battement et lui coupe le souffle à cette révélation qui lui fait à la fois chaud et mal au creux de la poitrine. Elle pourrait sourire, elle le devrait, être attendrie et touchée par l'amour qui suinte des propos du médecin, mais elle n'y arrive pas. Non, Sully elle le sait, quelque chose cloche, et le regard de son interlocuteur s'assombrit puis se détache du sien, refusant de s'y confier comme le fait pourtant sa femme à satiété. Il a mal, elle le sent, c'est tellement tangible qu'un frisson prend naissance au creux de son échine et remonte jusqu'à la base de sa nuque. Ce n'est pas comme si cela venait d'une brise externe ou du fait que de nouveaux venus pénétraient sa galerie, elle le savait. Sully, elle a toujours été doué pour ça.

Entrer brusquement en collision avec Kieran ne lui facilite pas la tâche, et elle s'entend soupirer d'aise en restaurant un semblant de distance entre eux. Cette distance qui semble à la fois trop grande et infiniment trop petite à la fois, ces ambiguïtés qui lui font vriller la tête et retourner l'estomac. Elle sent son regard brûler la chair sur son passage alors qu'il teinte le mélodrame d'une pointe d'humour qui se veut bien senti. Ils sont bons pour convaincre les autres, tellement bons qu'ils pourraient y croire s'ils étaient sots, tous les deux. Seulement, Sully n'a peut-être pas le diplôme de médecine en poche, elle n'en est pas stupide pour autant. Je suis étrangement habile en échasse cher, bien plus que la plante des pieds au sol répliqua-t-elle avec douceur et une pointe d'amusement. On lui soufflait à la blague qu'elle devait être née en stilettos, déambulant à proprement nue dans ses quartiers simplement pourvue de ses talons préférés. C'est une information qu'elle aurait pu glisser si la situation était moins tendue que présentement, simplement pour le remuer un peu, mais craignant le juste retour des choses, Sully fit preuve de rétention d'informations. Ça ne lui ressemblait pas, plus en tout cas, mais valait mieux pour elle, pour lui, pour eux deux. Pour Alyss aussi, tout particulièrement pour elle. Sully, elle ne ferait preuve de retenue pour personne d'autre, pas avec cette soudaine alchimie qui s'était installée insidieusement entre deux connaissances cordiales. Elle ne s'expliquait pas le comment du pourquoi, regrettant simplement de ne pas simplement pouvoir couper court à son imagination trop féconde. Et alors qu'elle se taraude à cette idée, Kieran fait taire ses pensées en les propulsant à un tout autre degré. Inconsciemment, elle savait, mais que les mots s'extirpent de ses lippes et ancrent le tout dans une réalité était des plus déconcertant. Elle déglutit et serre la base de la flûte entre ses doigts, son regard utilisant celui de Kieran comme point d'ancrage pour ne pas chavirer. Elle le regarde s'éloigner, immobile. Sully, elle est muette, elle est anesthésiée. Il est bien le seul à la lui faire fermer.

Qu'est-ce qui nous arrive, Kieran? Pourquoi maintenant, on se connait depuis... depuis qu'elle parvient à dire, d'une voix incertaine qui ne lui sied absolument pas. Sully, elle réfléchit, cela fait bien au moins cinq, six ans, qu'il fait acte de présence au sein de son existence. Elle ne le sait pas exactement, et inconsciemment, prend conscience qu'elle ne l'a jamais considéré autrement que comme le partenaire d'Alyss, à un degré moindre qu'elle pouvait l'être elle-même. Sully, elle est égoïste, elle le sait, et une pointe d'amertume coule sous sa langue. Ça n'a aucun sens qu'elle mentionne ensuite, prenant place sur le parvis en s'asseyant dans l'escalier, resserrant sa veste autour de ses épaules. Elle a l'impression d'avoir pris dix ans, tout à coup, et ça ne lui plait pas du tout. J'ai essayé, je me suis fais violence, mais voilà tu débarques mandatée par elle et tout est à recommencer. Il a lui-même confessé une partie du problème, non? Elle le désire avec cette même force qui l'enivre lui-même. Sully, de honte, elle peut même pas accepter de la nommer par son nom. Elle regrette de ne plus fumer, peut-être que ça la détendrait. Ça ne s'est pas estompé en passant au suivant mentionne-t-elle ensuite, sur le ton de la confidence, se voulant sérieuse mais réalisant l'ironie de la conversation, ricane doucement. Goût de cendre sur sa langue. Elle n'envisageait pas mentionner un quelconque prétendant à faire taire les grondements dans ses tripes et la convoitise qui avait brillé derrière son regard céruléen, ce jour-là. Pas avant que les mots coulent d'eux-mêmes, en tout cas.

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Elle n'avait pas prévu le poursuivre, Sully, même si c'est exactement ce qu'elle fait, au final. Elle aurait pu tenter d'estomper les battements de son coeur, de se changer les idées et accepter de se faire offrir compliments et doléances pour la beauté singulière de l'exposition. Là, quelque part, l'artiste déambulait, espérant vendre son art pour payer loyer et nourriture. Il la cherchait peut-être dans la foule, mais ne la trouverait pas. Sully, elle accourt au devant de problèmes de conscience bien plus grand que de brièvement négliger un de ses poulains. Avec Kieran, elle s'avise de jouer avec un feu dont elle pourrait beaucoup trop rapidement perdre le contrôle, incendiant tout sur son passage, tout ce qui compte réellement, en fait. Elle n'y est pas préparée, elle ne le veut pas vraiment. Pas du tout, même, mais c'est sans compter les réactions involontaires et les ponctuations indélicates qui dicte actuellement sa conduite. Bordel, elle a la trentaine, pas tout juste atteint la fleur de son seizième anniversaire. Sully, elle devrait se contrôler, savoir qu'il vaut mieux se tenir loin de lui pour que ce malaise s'amenuise jusqu'à disparaître, autant que faire se peut. Pourtant, à en croire les brûlures lancinantes au creux de ses entrailles, cela n'arrivera pas de sitôt. Elle a peur de ce qu'elle pourrait faire, Sully, parce qu'elle n'est plus maître d'elle-même en sa présence à lui, et sa présence envahit son univers de façon bien trop prononcée à son goût. Elle pourrait faire mine de s'éloigner un temps, d'éviter soigneusement sa présence et son contact, mais cela augmenterait considérablement son sentiment de culpabilité naissant alors que rien d'irréparable ne s'est produit. Pas encore. Il ne faut pas, mais alors pas du tout. Sully, elle se fait peur, parce que le désire avec une hardiesse et une ferveur qu'elle ne se connaissait pas. Lui, l'homme d'Alyss, le seul qui eut jamais compté aux yeux de sa douce Alyss. Pourtant elle le rejoint, les pommettes rosies par la fraîcheur d'une soirée à Memphis, ses stilettos claquant sur le pavé de ciment sous ses pieds. Elle aurait du vendre son artiste, jouer cette mécène qu'elle sait être avec dignité et grâce. Pourtant elle est ici, à proximité de lui, alors que tout lui hurle, conscience et instinct, de s'en tenir aussi loin que possible. Le temps que ça se calme, si calme il peut y avoir dans ces cas-là...

Pour elle non plus, Kieran qu'elle rétorque après quelques secondes de silence, incapable de pousser davantage sa réflexion. Ils souffrent tous les deux, elle en est bien consciente, cette lueur implacable qui danse derrière les prunelles de l'un se retrouve derrière celles de l'autre également. Sully, ça lui brise le coeur, parce qu'elle sait ce que ça représente aux yeux de mari et femme. D'Alyss, tout particulièrement, dont elle a épongé tant de larmes depuis ce fâcheux et tragique incident. Elle rêve de porter des enfants depuis qu'elle a les couches aux fesses, Alyss, et un jour, elle sera une merveilleuse maman. Pourquoi diantre le sort s'acharne-t-il à leur refuser un poupin alors qu'ils ont tout ce qu'il faut pour offrir à un petit veinard tout l'amour dont il mérite? Elle se mord l'intérieur de sa joue, se contente d'opiner du chef à sa dernière réplique en lice. Il a raison, et Sully le sait. Ça lui demande un effort supplémentaire pour respirer, mais elle le sait. Le silence se maintient jusqu'à ce qu'un cri surgisse d'entre ses lippes alors qu'un torrent d'eau de pluie stagnante se dépose sur son épiderme, maculant vêtement et visage. Elle secoue les bras, choquée, et finit par tromper la surprise par un éclat de rire qui s'interrompt au moment où la pulpe des doigts de Kieran entre en collision avec la chair de son visage. Elle frissonne, son regard braqué dans celui de son interlocuteur. Pour un peu, elle se serrerait contre lui, profitant de sa chaleur et pour sentir son souffle chaud contre sa peau. Elle déglutit, puis baisse les yeux pour constater les dégâts. Sully, elle dégage un peu son manteau pour offrir une vue imprenable de son blouson imbibé, soulignant son buste et le soutien-gorge gris perle qui l'habille sous le haut satiné. Collant contre sa chair diaphane, laissant à l'imagination trop peu de choses. Elle hoquette avant que se referme sur elle son odeur à lui, imbibé dans un vêtement qu'il portait jusqu'à la minute précédente. Enveloppée de lui, le malaise lui tord les boyaux. Elle frissonne, le froid et lui, encore une fois. Elle secoue la tête à la négative, parce que Sully, elle est têtue. Tu ne vas pas rester là à attendre de choper la mort, Kieran Vaughn lance-t-elle d'un index accusateur, teintant l'instant d'une pointe d'amusement nécessaire à faire diminuer cette oppressante sensation dans sa poitrine. Rentre avec moi finit-elle par dire d'un ton presque implorant. Sa propre mante est trempée de sa simple présence sur ses frêles épaules, Sully, elle ne peut pas le lui rendre. Pour un peu, elle lui tendrait les phalanges pour l'inciter à la suivre. Il y a un mois, elle l'aurait fait, et ça n'aurait rien voulu dire, alors que maintenant. Eh bien, c'est différent. Elle roule les yeux dans ses orbites, lui balance un petit coup bien senti sur l'épaule. Me laisse pas te supplier, je t'en prie. Sully, elle peut pas se résoudre à le laisser derrière, à broyer du noir. À s'imaginer qu'il pense peut-être à elle, à cet interdit qu'ils conçoivent et admettent sans être capable de combattre efficacement. Me faut un témoin pour expliquer que j'ai pas joyeusement gambadé dans les flaques d'eau en stilettos tente-elle, penchant la tête en souriant.

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Dans un autre moment, cela aurait pu lui sembler catastrophique. Sullivan aurait paniqué, elle, de devoir apparaître devant d'illustres inconnus et potentiels clients ainsi affublé. Mais maintenant, Sully s'en amuse, parce que c'est la seule chose qu'il lui reste à faire. Elle pourra les faire sourire de sa malchance, et ainsi induire une conversation susceptible de lui rapporter la vente d'un tableau si elle sait y faire. Et Sully, elle sait parfaitement y faire lorsqu'elle s'en donne la peine et quand Kieran ne se trouve pas là pour l'empêcher de penser correctement. Il parvient à la déstabiliser d'un regard, d'un prude contact, et elle ne parvient pas à mettre le doigt sur la raison qui envenime chaque situation les confrontant l'un à l'autre, pas depuis l'incident du vestiaire où ils partagèrent un moment d'intimité qui causa ce déclic, cette attirance contrenature. Oh, Sully jugeait qu'il pouvait s'avérer un excellent parti, Kieran, seulement il était le parti de son Alyss, et ça aurait du lui indiquer, à elle et ses hormones, que c'était une zone hors limite. Pourtant, elle sait, elle le sent au plus profond d'elle-même, elle n'aurait qu'à tendre les phalanges ou même posséder brièvement ses lippes pour le faire sien. Ça l'enivre, la grise, et l'effraie en même temps. Il n'est pas sien, ne le sera jamais, elle ne pourrait plus jamais soutenir le regard d'Alyss ni même supporter son reflet dans la glace. Ses hormones semblent en faire fi, et s'il attardait trop longuement le contact avec sa chair, Sully, elle ne répondrait plus d'elle-même. Puis elle conçoit qu'inconsciemment, elle le tient près d'elle, car elle parvient à se concentrer suffisamment pour réaliser pleinement cette connerie qu'elle pourrait faire si elle était cette salope qui profite d'une mauvaise passe entre mari et femme pour se faire posséder par l'homme. Posséder, Kieran semble exactement ce genre d'homme, d'ailleurs. Putain, mais à quoi elle pense, Sully, ça lui taraude les entrailles et elle en a la bouche sèche. Il a raison, elle aurait du le laisser filer, ne pas l'inciter à entrer, ne pas lui laisser déposer cette main contre son dos. Parce qu'elle sent les callosités de ses paumes, le tissu trop fin de ses vêtements ne retenant pas ce semblant de caresse qui la fait frémir. Ils pénètrent les lieux et les regards vrillent dans leur direction. En d'autres circonstances, autres temps, il aurait pu s'agir d'un homme qui escorte sa compagne, mais ce n'était pas le cas. Elle était l'Autre femme, même s'il ne s'agissait que d'une trop fertile imagination pour l'instant. Ça ne saurait pas durer éternellement, Sully le sait, elle deviendra folle bien avant. Il faut que cela s'arrête, que cela cesse, pour le bien-être commun. Pour Alyss, toujours. Elle a du grain, cette femme, et Sully, elle l'aime au-delà de toute limite physique. Et la seule idée de trahir sa confiance lui insuffle une singulière envie de crever.

Te sous-estime pas, tu peux être un excellent parti pour rentabiliser ma soirée annonce-t-elle, inconsciente de cette tentation à laquelle elle s'affiche en se tenant à proximité de lui. Sully, elle se doute qu'il risque d'aller traîner en ville, parce qu'il ne peut pas se permettre de quitter le vernissage et de rentrer d'emblée à la maison. Expliquer à Alyss qu'il a quitté prestement risque de lui causer préjudice, et Sully ne lui en souhaite aucun. Si seulement il pouvait éviter de lui faire ressentir la réciproque de ce désir tangible qui les lie inexorablement, tous les deux, et comme ça il pourrait s'atténuer. Elle conserve jalousement cet espoir qu'il se montre plus fort qu'elle, être faible, et surmonte ce désir inconscient. De nature exubérante lorsqu'il s'agit de vendre au public ce qu'elle présente, elle parvient à intégrer habilement le médecin dans certaines conversations, le déridant un peu, le secouant autant que faire se peut. Mais il reste raide, la mâchoire crispée, et ses phalanges n'ayant pas quitté son échine se referment presque nerveusement. Maternelle malgré elle, Sully le couvre d'un regard inquisiteur et interrogateur. Ses vis-à-vis, des femmes riches qui apprécie autant le mécénat que les soirées de charité, s'enquiert de son métier et autres. Lorsqu'il souffle à son oreille et qu'elle fait volte-face pour le confronter du regard, elle lève doucement sa paume qu'elle presse contre sa joue. On ne risque pas de manifester quelque geste irréfléchi au milieu d'une foule lui souffle-t-elle, sur le ton de la confidence. Elle essaie d'être ferme, concise et de se montrer aussi inflexible que sa voix. Elle fait écho dans son esprit, refuse les contrecoups, Sully, elle fait d'une pierre deux coups. Je préfère te savoir ici en sécurité qu'à traîner dans les rues en attendant que le temps passe et que tu puisses rentrer sans provoquer de tollé. Sully, elle frôle de son pouce les lèvres pleines de Kieran au passage, mord les siennes avant de retirer brusquement sa main. Une tendresse inconsciente, inconsidérée, et pourtant leur complicité se fait remarquable. Bordel de merde, et elle se croyait en sécurité, ici. Heureusement, elle ne lui arrache pas ses vêtements. Heureusement. On la hèle avec douceur, s'enquérant du prix d'une œuvre. Elle s'exécute patiemment, conclus doucement une vente alors qu'on la félicite dans sa qualité d'hôte. Elle ricane intérieurement, elle est une tenancière habile, mais visiblement une bien mauvaise amie.

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Elle a l'impression d'avoir le coeur enserré dans un étau, se sentant passablement idiote de le tenir plus ou moins en bride. Sully, elle aime avoir le contrôle sur son environnement et sur les gens qui gravitent autour d'elle, et elle est tout sauf en pleine possession de ses moyens quand il est là, de près ou de loin, c'est pratiquement la même torture. Pratiquement, parce qu'à défaut de pouvoir trouver son regard à travers une foule, la promiscuité lui inspire maints gestes facilitant des rapprochements illicites et sciemment interdits. Elle peut tendre les phalanges, comme précédemment, ou simplement poser sa paume au creux de son torse pour y sentir les battements de son coeur. Elle n'a qu'esquisser une fois ce geste, et pourtant elle s'y sent chez elle. C'est curieux comme sentiment, alors que tout la pousse à devoir revoir sérieusement honneur et intégrité, elle se damne encore et encore à la recherche de ce qui lui taraude les entrailles en présence de Kieran. Elle se déteste pour cela, cordialement, mais ne parvient pas à faire autrement. En présence d'Alyss, la culpabilité étant si grande qu'elle lui coupe le souffle, elle parvient à oublier, à se bercer d'illusions qui tombent l'une après l'autre dès qu'une tierce portion de Kieran se manifeste à l'horizon. Et comme elle voudrait le mettre à son aise, être capable de redevenir la confidente de la femme et simplement une connaissance cordiale de l'autre. Elle regrette son ressenti, regrette de regretter, aussi. Parce que Sully, elle l'apprécie Kieran, comme personne. Il sait prendre soin d'une femme qu'elle a en haute estime, il pratique un métier qui impose le respect et il sait se débrouiller pour retourner une situation à son avantage. Du moins, en temps normal, pas avec cette tortueuse passion qu'ils s'inspirent l'un l'autre qui leur fait perdre le nord. Là, maintenant, elle apaise ses démons avec cette énième impulsion qui a incité un rapprochement fortuit avec le mari de son Alyss. Elle ne parvient pas à comprendre, et encore moins à expliquer. De tous les hommes qui foulent ce monde de leur pas, c'est celui-là qui incendie son bas-ventre et lui inspire de bien salaces idées. En pleine discussion, elle le sait fuir, réprime un soupir et le laisse filer à l'anglaise. Sully, elle regrette de le contraindre à faire de lui ce personnage, et elle aurait préféré que ce ne soit pas réciproque et qu'il soit victime de ce désir lancinant que lui inspire une poussée hormonale. Ce serait plus facile pour lui, et même pour elle. Et si elle ne savait pas si bien lire dans les yeux des gens, Sully, elle en aurait été bien contente cette fois-ci, des mots ne se seraient pas échangés et ils ne seraient pas si profondément embourbés dans ce merdier pas possible.

Puis on l'interpelle, lui permettant de se délester de ses pensées et d'émerger dans le moment présent. Elias, chéri, tu cartonnes ce soir qu'elle lui souffle sans feindre, parce qu'elle en est fière, Sully, de son poulain. Il la surplombe d'une tête, arbore un sourire suffisant qui devient plus sincère à son contact, et il a la petite vingtaine. Il arbore ce look typique des artistes un peu bohème, mais son regard brille d'intelligence et de malice. Il pose ses deux immenses paumes dans le bas de son dos, la questionne sur l'humidité qui pénètre chair et tissu au passage. Elle éclate de ce rire cristallin qui la caractérise, lui tire la langue au passage, l'entraînant par le fait même dans son hilarité. J'ai fais une Sarah Jessica Parker de moi-même, et toi, comment tu trouves l'exposition et sans plus de dentelle ou fioriture, elle glisse ses phalanges dans les siennes et l'entraîne pour faire le tour du propriétaire. Sully, elle est comme ça, impulsive et tactile, et Elias, elle l'aime bien. Il a du caractère, du grain, et très certainement de l'avenir dans le domaine de l'art. Trois toiles, quelques milliers de dollars, c'est peu dire. Il se laisse guider, charmé comme ils le sont bien souvent. Elle soutient son regard, plonge ses lippes carmin dans une nouvelle flûte de champagne, breuvage acidulé qui coule à flot en son honneur, d'ailleurs. Je sais que ça offre une vue imprenable de ta hauteur, mais c'est pas trop judicieux alors que tu dois les conquérir elles, ce soir ajoute-t-elle, nettement plus amusée que vexée. Elle aime qu'on la remarque, elle aime attiser la convoitise, règle générale, et Sully, elle se doute que c'est le rapport autoritaire entre eux qui le grise, Elias. Elle ne l'en blâme pas, il est jeune, il a la vie devant lui. Sur ses stilettos, elle semble passablement plus grande, lui permettant de presser son corps contre celui de son poulain pour le présenter à divers ladies and gentleman. Il est la vedette, Sully s'en assure, histoire de joindre l'utile à l'agréable. Finalement, elle brise le contact pour le laisser se démerder dans la cour des grands. Elle croise de nouveau son regard la fusillant depuis un moment derrière son dos. Elle est chez elle, il s'agit de son vernissage, son territoire. Alors faute de mieux et avouons-le, attisée d'une curiosité malsaine d'en revenir à un Kieran tantôt si près de détaler qui traîne encore à proximité. Sully s'approche, referme ses bras sous sa poitrine et le dévisage. Mais te gêne pas Kieran, qu'est-ce qui cloche? Tu ne voulais pas prendre tes pieds à ton cou? fustige-t-elle, concise et directe comme seul Sully sait l'être.

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Elle fige, Sully, parce que la voix rauque et ruisselant de vérité qu'use Kieran la fait presque trembler. Elle a envie qu'il s'éloigne elle-même, mais ne parvient pas à se montrer ferme en le virant sans préavis. Ça lui fout une trouille de tous les diables qu'il ressente exactement la même chose qu'elle, en simultané. Sully, elle préfèrerait qu'ils ne soient pas sur cette même longueur d'onde qui lui fait ressentir le désir qu'elle lui inspire tout en lui communiquant dans son non-verbal comme il lui fait perdre pied d'un regard ou sourire entendu. Elle mord l'intérieur de la joue suffisamment fort pour ne cesser son manège seulement lorsqu'un goût ferreux lui roule sur la langue, histoire qu'elle se concentre ailleurs que dans les billes céruléennes de Kieran qui ne quittent pas les siennes. Comment tous ces gens font pour ignorer la tension palpable dans l'atmosphère? Sully, elle a l'impression que c'est si réel qu'elle pourrait en empoigner entre ses phalanges si elle tendait la main pour en attraper une poignée. C'est tellement lourd qu'elle a les épaules qui cherchent à s'affaisser, mais elle se tient manifestement droite. Tellement droite que ça va lui filer de sérieuses courbatures, mais au moins si elle se raccroche à la douleur et aux stimuli externes, elle parvient à amenuiser cette envie irrépressible de se rapprocher de lui. Sully, elle est impulsive, mais elle ne parvient pas à comprendre comment elle peut outrepasser la courtoisie avec son vis-à-vis au beau milieu de sa galerie pourtant bondée. Où est son bon sens, où est donc cette putain que sa conscience? Elle part en vrille, Sully, et la situation l'enivre comme elle l'exaspère. Ses jointures blanchissent alors qu'elle contracte avec trop de véhémence ses phalanges autour du pied de sa flûte. Elle tremble légèrement, le tissu de sa robe peine à se remettre au débordement hydrique dont il a été précédemment victime. Et pourtant, elle a l'impression qu'il est la raison de ce malaise qu'elle ressent au creux de sa poitrine alors qu'elle se soustrait à son regard l'espace d'un moment. Mais Kieran, il a la mauvaise idée de la toucher. Son regard irisé se dépose sur la peau dont le contact avec son interlocuteur lui fait l'impression de la brûler, elle, pécheresse. Elle déglutit péniblement, ne parvient pas à détacher son regard avant plusieurs secondes. La pulpe de ses doigts calleux caresse sa peau d'albâtre, ce qui lui arrache un frisson à la dérobée. C'est tant bien que mal, au prix d'efforts considérables, les pommettes sont rosies par l'effort et la mâchoire crispée d'appréhension, qu'elle frôle de nouveau son regard. C'est une bien mauvaise idée parvient-elle à articuler péniblement. Mais il ne se raisonne pas, au contraire, il se damne davantage, l'entraînant dans sa chute inexorable. Son visage s'enflamme, Sully, presque littéralement au contact de Kieran. Elle respire péniblement, sa poitrine comme prise de soubresauts. Puis les mots ancrent de nouveau cette attente insupportable dans une réalité douloureuse.

Sans ajouter un mot, elle fait volte-face, retenant Kieran en l'incitant à la suivre un peu plus loin, ouvrant une porte pour le faire entrer, la refermant derrière elle. L'endroit est maculé de son odeur, et même un fond de tabac froid, ayant cédé à la tentation d'une cigarette mentholée un peu plus tôt dans la journée. Elle respire tant bien que mal, fait les cent pas dans la pièce et tenant une distance qui se veut respectueuse entre elle et lui. Sully, elle peine à garder le contrôle d'elle-même, et ça la rend complètement folle. Hors de contrôle, Sully, elle risque de faire une énorme erreur dans le genre de faire échouer ses lèvres sur celles de Kieran, toujours muet de ce brusque revirement de situation. Nerveusement, elle passe la main dans ses cheveux avant de tripatouiller un tiroir de son bureau, en ressortant une bouteille cristalline qui contient un liquide ambré. Elle le verse avec les phalanges tremblantes, puis le descend d'un trait. Dos à lui, elle parvient à parler, sa voix plus rocailleuse que précédemment. Je n'ai jamais été aussi distraite de toute mon existence, Kieran souffle-t-elle, sur le ton de la confidence jamais. C'est inquiétant, troublant. Elle remplit de nouveau son verre, le pousse un peu plus loin à son intention. Elle soupire, puis fait volte-face en s'adossant contre le bureau en chêne massif. Que tu sois près ou loin, c'est insoutenable, je sais pas où me mettre avoue-t-elle dans tout ce pathétisme. Sully, elle en descend finalement une rasade à même le goulot. Il faut que ça cesse impérativement, sinon... sinon.... Sinon elle sait ce qui va arriver, Oscar Wilde est le visionnaire qui aura prédit que la meilleure putain de façon de résister à la tentation, c'est d'y céder.

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C'est bien la première fois de sa vie qu'elle aurait aimé que quelqu'un la repousse, Sully. C'est également une grande première de s'imaginer qu'elle aurait préféré qu'il la raisonne, rendre dans sa petite tête qu'il y a de ces interdits qu'il ne faut pas brader et qu'il en était un. Pourtant, il n'avait pas eu la judicieuse idée de savoir se tenir, lui non plus, ce qui les mettait dans une position des plus délicates. Ici, là, maintenant et tout de suite, s'il s'était avéré qu'elle puisse ressentir un truc pareil pour n'importe quel autre homme sur cette putain de planète, elle aurait consommé sur-le-champ sa passion pour s'en libérer. Seulement, il était celui sur lequel elle ne devait définitivement ni poser les doigts et encore moins les lèvres, sauf pour ce genre de cordialités d'usage comme la bise ou ce genre de conneries. Elle ricane intérieurement Sully, car même l'idée de presser ses lippes sur la joue rêche de Kieran lui paraissait incongru et déplacé, ce qui est peu dire. Elle n'est pas pudique, pourtant, et sait faire preuve de peu de retenue quand il est question de satisfaire ses caprices et désirs. Mais celle-là, elle ne pouvait s'y résoudre, ne pouvait y céder sans aller à l'encontre de toute fibre de son corps hormis ses satanées hormones qui lui donnaient du fil à retordre. Heureusement, le filet de bourbon au creux de son œsophage la brûle suffisamment pour lui donner un instant de répit, bref, mais qui s'avère être le bienvenue. Bref, parce que Kieran n'en a pas plus fini avec elle qu'elle avec lui. Après tout, ils se retrouvent ici, à la dérobée et à l'abri des regards, par sa faute. Sully, elle mord l'intérieur de sa joue, douloureux de son précédent assaut, alors qu'il s'approche pour lui faire face. Elle s'accroche désespérément à son regard en posant ses paumes sur le matériel boisé qui l'empêchait de reculer et de s'extirper de cette promiscuité qui lui ferait bien trop rapidement perdre pied, elle le savait. Mais il parle et la maintien prisonnière de son odeur entêtante, usant de son corps pour faire barrière avec une tentative de fuite. Il est pas con, Kieran, et l'espace d'un instant, Sully se surprend à penser que ça lui aurait pourtant été d'une utilité capitale...

Si j'avais su où ça nous mènerait, Dieu seul sait que je m'en serais privé annonce-t-elle, le couperet tombant avec force. Elle regrettait, parce qu'elle se savait maudite rien qu'à l'idée de pouvoir faire tarir ce désir qui l'incombait et alourdissait d'une culpabilité horrifiante ses épaules trop frêles. Ça lui en coûtait de l'admettre, parce que Sully aurait aimé vivre une telle passion avec quelqu'un, mais que ce quelqu'un soit lui la rendait malade. Il avait tout, évidemment, même une chose de trop : cette alliance qui habillait son auriculaire gauche, en or, qu'elle avait vu de sa position de privilégiée de demoiselle d'honneur Alyss lui enfiler. Elle déglutit, l'heure étant aux confidences et aux aveux déchirants, elle avait cru que, peut-être, cela le rebuterait suffisamment pour qu'il recule. Mais non, il n'esquisse pas un pas vers l'arrière, s'imposant même davantage sur elle en enserrant sa nuque de sa paume calleuse. Sa respiration s'emballe, et Sully craint soudain de faire une crise d'anxiété tant elle appréhende ce qui pourrait se produire s'il ne s'éloignait pas rapidement d'elle. D'ailleurs, elle fige à son propos, son regard s'agrandissant de surprise à la teneur de son discours. Putain de merde, qu'est-ce qui lui prenait, à Kieran? Il la connaissait, pourtant, il savait que trop bien ce dont elle était capable. Sully, elle prend place sur le bureau, bousculant des trucs au passage, constatant effarée qu'il annihile la distance qu'elle avait peiné à mettre en eux. Elle s'essouffle, sa volonté s'étiole, et elle craint soudainement le pire qui arriva, finalement. Parce que sans crier gare, sans prévenir, c'est elle qui rompt avec la retenue sommaire et fond littéralement sur ses lèvres. Elle l'embrasse comme elle a jamais embrassé qui que ce soit, et c'est tout juste s'il s'affale pas sur elle alors qu'elle enroule ses jambes autour de sa taille pour approfondir le baiser. Elle a le visage en feu, les poumons disloqués et le corps raidit lorsqu'elle recule dans la paume de Kieran qui n'a pas quitté sa nuque. Elle inspire profondément, les yeux clos. Je pense que l'on vient d'obtenir réponse à ton questionnement lâche-t-elle presque à regret. Elle tâtonne le bureau pour attraper entre ses phalanges la bouteille d'alcool fort, approche le goulot de ses lèvres en arquant le visage pour en descendre une rasade supplémentaire, en faisant un peu trop couler. Le liquide dégringole sur son cou jusqu'à disparaître dans son décolleté. Elle jure et échappe un rire nerveux. Mais manquait plus que ça, vraiment. L'alcool dissipe sa chaleur tel que prévu, mais pas son malaise. Elle ouvre finalement les yeux sur le visage insondable de Kieran. Elle a encore envie de l'embrasser, et de lui partager le bourbon qu'elle avale avec parcimonie et qui macule encore sa langue. Sully, elle a l'imagination fertile, beaucoup trop pour sa sécurité et sa conscience, en fait.

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Elle est à bout de souffle, et lui aussi. Elle se sent physiquement mal, Sully, parce que chaque fibre de son corps se sent à la fois atrophiée par la culpabilité et vibrante de désir. Le torrent émotionnel qui s'en suit est une montagne russe dont elle se serait bien passée et qui la laisse haletante, le coeur au bord des lèvres. Elle aurait aimé que cela lui confirme quelle lamentable erreur ils faisaient là, que tout deviendrait limpide et qu'ils pourraient reprendre le cours de leur existence respective. Avec un peu de chance, il n'y aurait qu'un malaise qui s'estomperait au fil des semaines et, dans quelques années, ils rigoleraient franchement de cette idée grotesque qui leur avait traversé l'esprit. Pourtant la chance s'était habilement barrée, et Sully vibrait encore de ce baiser trop passionné et tortueux à la fois. L'interdit prenait des proportions ahurissantes en si peu de temps que ça lui faisait tourner la tête. Sully, elle parvient avec grand peine à détacher son corps de celui de Kieran, chaque centimètre plus ardu que le précédent. Seulement, il ne la laisse pas s'évader loin de son contact, son souffle parvenant encore au visage rosi de Sully qui peine à se maintenir à flot et de ne pas complètement s'effondrer. Si elle tient encore, qu'elle supporte encore le poids de sa conscience sur ses épaules, c'est qu'il reste encore une possibilité infime que tout cela ne se termine pas dans les halètements et soupirs qui ne permettront plus de faire marcher arrière. Elle a l'intime conviction Sully qu'elle serait à même de se faire pardonner bien des choses de la part d'Alyss, mais pas d'avoir ne serait-ce que frôler Kieran de la pulpe de ses phalanges dans un geste autre que cordial. S'il y a une chose au monde qui lui importe, hormis de porter en son sein un enfant, c'est l'identité du père de ce dernier et de l'amour qu'elle lui porte. À cette idée, elle se met à respirer avec difficulté, Sully, et c'est à ce moment qu'elle referme ses lèvres sur le goulot de cristal. Elle en a besoin sous peine de perdre conscience sous le poids des regrets et remords qui foisonnent de part et d'autres, non sans laisser place à une quantité non négligeable de pulsions irrationnelles au passage.

Relève les yeux lui ordonne-t-elle, sentant son regard trop gourmand, attisé par la convoitise de ce qui dégringole sur sa chair ivoire. Et comme il murmure cette réflexion quant au potentiel érotique de ce qui vient de se produire, Sully ne trouve pas d'autre solution que de lever la main sur lui, fracassant sa paume contre sa joue à bout portant. Peut-être cela l'éveillera-t-il à ce péché de luxure auquel il s'adonne envers et contre tous, malgré tout l'intégrité dont ils savent faire preuve quand il n'est pas question de se retenir de se retrouver l'un contre l'autre. Cependant, Kieran ne semble pas en avoir cure, sourcillant à peine, conscient qu'il s'agit sans doute d'une pulsion comme une autre et qu'elle regrette d'emblée au moins autant qu'elle a envie de réitérer l'expérience. Parce qu'il se rapproche, finalement, et ses lippes sont à même de frôler de nouveau les siennes qu'elle frissonne au contact des mots qui résonnent dans sa tête. Et alors qu'elle se refuse à le regarder, il happe son regard, continuant sur sa lancée. À partir de là, Sully ne bronche ni ne cille, encaissant ses paroles puisqu'il le faut et qu'elle le doit. Elle n'a pas les réponses qu'il veut entendre à lui donner, et elle aurait pourtant aimé pouvoir se montrer droite et inflexible. Elle le peut pas, pas avec lui si près et le contact de ses doigts sur sa peau, encadrant son visage et attisant ses envies irrépressibles. La raison nous a forcément quittée pour qu'on en soit là, tous les deux énonce-t-elle avec une pointe de regret et je crois franchement qu'on est pas digne d'elle, en fait. Ni digne de son amour, ni de sa considération. Et pourtant, lorsqu'il tempère et s'éloigne, Sully se redresse prestement C'est pire maintenant admet-elle à son tour alors qu'elle pose sagement ses mains sur ses genoux. Elle soupire avec douceur, la tête lui tournant d'alcool et de la sensation trop vivace de la présence de Kieran contre elle. Sully, elle se relève et s'avance pour replacer soigneusement la chemise et en lisse patiemment chaque pli, s'attardant trop longuement ponctuellement pour que ce soit socialement acceptable. Elle grimace, relève finalement les yeux pour happer ses iris au passage Je crois qu'il va te falloir t'armer d'un peu de patience avant de sortir d'ici lance-t-elle d'un ton qui se veut détacher alors que le bas ventre de Kieran semble dépourvu de quelque inhibition que ce soit. Ses pommettes rosissent, à Sully, et elle se mord l'intérieur de sa joue douloureuse. Bordel de merde, cela ne finira-t-il donc jamais? Elle trébuche en voulant mettre de la distance entre eux, se retrouve affalée au sol. Non vraiment, c'est le jour de pas de chance.

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C'est comme une gourde qu'elle s'empêtre les pieds dans ses propres jambes, comme si elle n'avait pas d'emblée atteint le fond du baril en cette soirée qui devait être un triomphe, un énième d'ailleurs. D'un point de vue professionnel, son commerce florissant se faisait suffisamment connaître pour qu'elle recueille dans son écurie de nouveaux poulains, pouvant choisir ceux dont elle reconnait le talent et remerciant ceux qui ne servent plus ses intérêts. Il faut être honnête, et bien qu'elle se montre largement attentionnée auprès de sa clientèle et artistes, elle n'en demeure pas moins commerçante, et c'est la vente d'œuvres qui paie le loyer, pas le fait d'être appréciée. Sully, elle avait l'impression de s'y débrouiller plutôt bien, dans ce domaine presque exclusivement masculin, et s'enorgueillit de son succès. Qui l'eut cru de prime abord qu'elle en serait un jour capable, Sully, de mener à bien une entreprise et de la tenir d'une main de maître. Heureusement que ce pan de son existence fonctionne bien, puisqu'elle est complètement à la dérive là, maintenant, tout de suite. Personnellement, elle fout en l'air la seule stabilité qu'elle conserve au sein de son existence qui consiste à prendre soin et préserver de tout péril sa douce et fragile Alyss. Enfin, pas si fragile que ça, mais totalement inconsciente de ce qui se trame tout juste sous son nez. À cette idée, Sully, elle a envie de se fracasser de nouveau la tête contre le dallage froid qui la fait frissonner. C'était avant que Kieran, le médecin, s'en mêle. Et si elle était plus secouée, sans doute s'en serait-elle formalisée. Seulement, elle connait la conscience professionnel de son vis-à-vis, et est au fait qu'il ne la lâchera pas avant d'avoir constaté qu'elle était plutôt indemne physiquement. À l'intérieur, elle n'était plus que loque, mais n'avait pas le temps de s'en plaindre pour l'instant. Elle n'en avait d'ailleurs pas le droit, pas en sa présence, pas alors qu'il est aussi fautif qu'elle dans cette perte d'équilibre sur le fil de leur vie. Elle passe la main sur sa tempe, la frictionne au passage, avant de relever les yeux en direction des billes de Kieran. Je comprends concède-t-elle alors qu'il s'éloigne légèrement, toujours soucieux du moindre de ses mouvements à elle merci de t'inquiéter quand même. Elle sourit faiblement, puis reprend appui pour se relever, la cheville meurtrie, mais trop digne et fière pour l'afficher ouvertement.

Comme toute réponse à son conseil, elle enferme le goulot entre ses doigts en fermant les yeux, en faisant couler une généreuse rasade dans son œsophage. Sans l'alcool, elle ne tiendrait pas debout, elle pourrait pas supporter son regard et s'évertuerait à réfléchir trop longuement à ce baiser échangé un peu plus tôt, trop passionné pour n'être que mirage, trop agréable pour être si rapidement oublié. Sully néglige foncièrement le regard désapprobateur, et écoute d'une oreille distraite les propos de Kieran alors qu'elle replace soigneusement les objets déplacés au cours de leur incartade, plus nombreux qu'elle l'avait cru au départ. Elle finit par poser ses deux paumes sur le bois foncé, braquant son regard dans celui du médecin. Tu vas lui dire la vérité, Kieran, et te contenter d'omettre certains détails, voilà tout. Elle peinait à croire qu'elle conspirait avec le mari de sa femme pour la tenir à l'écart de cet interdit qu'ils frôlaient l'âme en peine, mais avec véhémence du à un déversement d'adrénaline et de dopamine. L'excitation dans tout son domaine primaire, à la limite un peu bestiale. Elle ricane intérieurement, puis soupire Tu es venu ici, t'es adonné quelque peu à admirer l'art auquel tu ne comprends rien et tu m'as gentiment tenu compagnie pour éviter que je m'ennuie au contact de ces gens barbants qui n'ont même pas la thune pour se payer un coup de pinceau qu'elle lâche, plus froidement qu'elle ne le voulait au départ. Elle mord sa lèvre inférieure, Sully, parce que c'est minimiser ses propres implications dans ce crime passionnel que de lui laisser la responsabilité de porter les nouvelles à la femme trompée. Son Alyss, qu'elle trahissait avec une honte grandissante dans la poitrine et le poids de la culpabilité incombant à ses frêles épaules. Elle redescend une goulée, Sully, avant qu'elle ne peine à respirer et que les larmes lui viennent aux yeux. J'ai envie de boire à en perdre complètement la carte en ce moment dans tout ce que ça a de pathétique lance-t-elle, ricanant doucement d'un rire dépourvu d'amusement Peut-être que bourrée, ça me paraitra moins horrible, ce qu'on a fait déjà toi et moi. Horrifiant, et pourtant enivrant en tout point. Putain d'interdit à la con qui lui mortifie l'âme et broie le coeur simultanément. Elle pose ses fesses sur le siège faisant face à Kieran, croisant soigneusement les jambes pour éviter une vue imprenable sur sa petite-culotte, ce qui est un choix judicieux. J'ai beau tenter de me raisonner que ma conscience en a déjà pris plein la gueule, Kieran, que j'ai envie de replonger. Mais il faut quoi pour se raisonner, dis moi? et elle tend les phalanges vers la bouteille, mais c'est lui qui l'enserre le premier. Elle rit de bon coeur, cette fois-là C'est plus fort que le champagne, ce truc-là, fais gaffe ajoute-t-elle, une pointe d'amusement dans la voix.

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Il a raison, évidemment. Pourtant, l'ivresse la tente bien davantage que d'aller s'évertuer à vendre ces toiles magnifiques qui gisent là, dehors, sur les murs de sa galerie. Ça ne lui ressemble pas, à Sully, de se défiler de ce genre d'obligations, surtout qu'elle a plutôt à coeur le sort de ce poulain en particulier. Seulement, elle est retournée de la suite d'évènements qui, de fil en aiguille, l'ont amené ici maintenant, en compagnie de Kieran qui siège royalement à son bureau, ajoutant à son charme comme si cela s'avérait nécessaire de le bonifier. Elle soupire doucement, ennuyée, puis passe la main dans sa chevelure en écoutant les mots de sagesse qui émergent d'entre les lippes de son interlocuteur. Il lui faut reprendre possession de ses moyens, et plus vite que ça. À tout moment, on peut venir toquer à la porte de cette pièce qui n'a rien de caché au regard de tous, et si elle se fie aux précédents, elle ne pourrait rien voir venir si elle se retrouvait suffisamment près de Kieran. Elle ravale péniblement son amertume, tentant de se rassurer comme quoi malgré son statut de privilégié au coeur de la société, il n'est pas particulièrement connu des gens fréquentant son commerce à elle et le milieu des arts. Il ne suffit pourtant que d'un seul individu mettant à jour son identité, additionnant deux plus deux et... bordel, elle préférait ne pas y penser. Les dégâts, les dommages irréparables, elle n'ose même pas imaginer le foutoir dans lequel ils vont se foutre si ça vient à se savoir. Cela dit, il ne faut absolument pas oublier leur conscience alourdie par ce baiser qui n'aurait jamais du être échangé. Elle déglutit, secoue la tête, puis émet un petit rire dépourvu d'amusement, braquant son regard irisé dans celui de son vis-à-vis. Je préfère la gueule de bois, au moins il y a un temps béni où l'on en oublie nos remords et regrets ajoute-t-elle, la voix enrouée tout à coup. Ça n'augure rien de bon, ça, et elle doit vraisemblablement combattre son for intérieur de ne pas faillir délibérément ici, maintenant, devant lui, alors que tant de gens foulent le pas de sa galerie. Elle ravale le tout péniblement, et tâte à la recherche d'une bouteille qui lui a échappé. Elle contracte la mâchoire au contact qui s'en suit, mais encaisse plutôt bien. Son regard ne se voile qu'un quart de seconde, et elle peut reprendre le cours de son existence de plus bel.

Je te laisse libre cours au niveau de la conscience médicale, Kieran, mais n'en fait pas trop parvient-elle à articuler en guise d'avertissement, en se redressant lentement, s'ajustant au changement de position mieux qu'elle ne l'aurait cru d'emblée. Finalement Sully, elle est moins bourrée qu'elle le pensait et que les évènements semblent indiquer. Elle n'en peut simplement plus, épuisée mentalement et physiquement, et ce n'est pas pour améliorer son ressenti que la fraîcheur humide de sa tenue entre perpétuellement en contact avec sa chair à vif. J'ai un petit studio, au-dessus de la galerie. Je vais aller enfiler autre chose avant de choper la mort. Elle resserre son haut, lisse sa jupe, puis imprime un pas et un autre. Sully, elle n'a pas l'âme à l'empêcher de la suivre, et joue superbement la comédie en exprimant ses déboires à un public conquis. L'effet Elias, peut-être, qui est tout sourire en lui adressant un clin d'oeil entendu. Elle fige brièvement, puis accélère le pas pour ne parvenir qu'à respirer une fois en haut, prenant conscience d'avoir pratiquement couru jusqu'ici. Elle se maudit intérieurement tout en retirant avec hargne sa tenue, cherchant à tâtons une robe qu'elle aurait pu abandonné derrière elle quand... un sourire prend naissance sur ses lèvres. Lensherr, évidemment. Cette distraction est de courte durée qu'elle constate avec effarement que la porte est ouverte, qu'une silhouette la bloque et qu'elle n'a pas d'autre choix que de lui implorer un coup de main. Sully, elle ne peut ni l'enfiler ni la retirer seule. S'il y avait une autre solution, crois-moi commence-t-elle, mordant sa lèvre inférieure j'ai besoin que tu gères le fermoir. Comme elle grillerait une cigarette pour se délester d'une partie de l'anxiété qui l'habite en ce moment, Sully. Mais non, pas comme ça, pas le dos nu jusqu'à la naissance du galbe de ses fesses. Ce n'est pas que l'idée la ravisse particulièrement, mais s'ils souhaitent s'extirper de ce lieu où un lit est à vue et inspire son imagination dévergondée, il va devoir s'y plier.

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Elle en avait pris soin de ce lieu où personne ne pouvait la trouver, si jamais elle souhaitait disparaître pour une heure ou encore une journée entière. À ce jour, elle ne l'avait dit à personne, pas même à Alyss, ce qui lui convient finalement plutôt bien considérant qu'elle aura largement le temps de vouloir s'isoler pour cuver ses conneries avant de confronter sa douce moitié. Sully, elle a soigneusement orchestré chaque centimètre carré de la large pièce dans laquelle elle prend place, faute de savoir où se mettre. Il y a fait divinement chaud, et pas seulement parce qu'une cheminée habille la pièce et est à même de diffuser l'odeur et la chaleur d'un feu qui se consume langoureusement. Les boiseries sont d'un ton foncé, une immense commode, une maquilleuse et un lit somptueux à en couper le souffle. S'il n'en tenait qu'à elle, Sully résiderait à plein temps dans ce cocon douillet qu'est ce lieu mythique où elle aime par-dessus tout se retrouver. Elle n'a malencontreusement pris la peine de diviser soigneusement le contenu de sa penderie en cas d'inondation, et doit pour se faire fondre sur une tenue seyante certes, mais plutôt ardue à enfiler. S'il n'avait pas été là à habiller le cadre de porte, n'osant pas avancer d'un pas de plus, le regard lourd, elle aurait été sans moyen de parvenir à enfiler la robe jusqu'à la moitié de son abdomen. C'était ajusté à la façon d'un bustier, ce qui explique la complexité de l'enfiler et de le retirer. C'est avec un sourire maladroit qu'elle s'adresse à Kieran, se voulant désolé, mais frissonnant d'appréhension à l'idée de devoir ressentir encore des courants électriques dans son échine à son contact. Et considérant qu'il semble lui-même peu enclin à s'adonner à une énième tentation de trop, elle ricane doucement parce que l'atmosphère lourde lui amène une propension à rire pour rien, Sully. À moins que tu retires tes propres vêtements pour me les refiler, cette robe est la seule chose en ces lieux que je peux enfiler rétorque-t-elle, une pointe d'amusement dans la voix. Elle fait bien évidemment abstraction de tenue qui n'ont absolument rien à voir avec la vie publique et qui gisent quelque part, un peu plus loin, heureusement hors de vue.

C'est exactement ce qu'elle craignait, et dès que Kieran la frôle, elle ferme automatiquement les yeux pour tenter de supporter ce supplice. Inconsciemment, son bassin se cambre légèrement et elle doit faire un effort supplémentaire pour ne pas ronronner. Tel que prévu, un frisson prend naissance au creux de son échine pour remonter jusqu'à sa nuque, grisante sensation que de sentir la chair calleuse des doigts du médecin parcourir sa chair, minimisant autant que faire se peut les moments où il y est contraint. Ses phalanges, pourtant, laissent sur la chair de Sully un semblant de brûlure, comme si son toucher la marquait à vif. Elle voudrait bien amenuiser la tension palpable dans l'air avec cet acte hautement aphrodisiaque - quoique moindre qu'à l'instant où on la lui retire, cela dit - mais n'y parvient malencontreusement pas. Encore moins après qu'il eut la mauvaise idée de justement considérer cette nécessité ultérieure. Sully, elle pose la main sur son abdomen et fait crisser ses doigts sur le tissu pour réprimer quelque pulsion que ce soit. Et pourtant des mots échappent à son contrôle, se faufilant entre ses lèvres Je me damnerais pourtant volontiers pour t'y reprendre. Elle sursaute à ses propos, portant sa paume sur sa bouche et faisant volte-face vivement. Sully, elle se retrouve à confronter brièvement le regard de Kieran qui la déshabille des yeux l'instant d'après. Elle déglutit, lui adressant un fin sourire en guise de remerciement. Les choses s'enlisent et comme toute réponse, c'est sur sa bouche à lui qu'elle presse ses doigts, maintenant. Pour l'amour de Dieu Kieran, ferme-là, je t'en supplie.  Elle est pratiquement implorante, Sully, parce que ça gronde dans son bas ventre avec son intérêt ravivé par le choix de mot trop explicite qui lui vient naturellement, à son interlocuteur. Se redressant autant que faire se peut, elle presse ses lèvres sur le revers de sa main avant de reculer prestement, son regard braquer dans celui céruléen ne demandant que ça Ce que je te ferais si tu serais quelqu'un d'autre qu'elle confie sur le ton de la confidence avant adjoindre ses phalanges dans celles de Kieran et de l'attirer loin d'ici, loin de cette chaleur qui fait tourner la tête et la proximité dangereuse d'un lit alors qu'ils tiennent à peine au beau milieu d'une foule. C'est à mi-chemin dans l'escalier qu'elle s'immobilise alors qu'il est un pas devant, faisant volte-face pour qu'elle l'embrasse de nouveau, sans foi ni loi, en faisant abstraction de toute convenance. Elle regrette à moitié, le coeur battant tellement fort dans sa poitrine qu'elle peine à entendre quoi que ce soit d'autre, si ce n'est de ressentir les paumes de Kieran et sa réponse précipitée à ce dérapage non-contrôlé.

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