Les mots lui échappent sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit pour les retenir. Trop longtemps maintenu prisonniers derrière ses lippes, le barrage cède et déverse son flot de fiel grivois et hautement tendancieux. C'est lui, de par sa présence et ses propos, qui l'empêche de se tenir à l'écart de ces pensées qu'elle doit à tout prix chasser de son esprit ici et maintenant avant de ne plus être à même de faire marche arrière. Certes, ils ne sont plus ni l'un ni l'autre blanc comme neige, mais le pire est encore à venir s'ils continuent dans cette voie. Il est trop réceptif à des charmes dont elle se sait pourvu, mais desquels elle fait tout en son pouvoir pour ne pas les rendre d'autant plus éloquents que les circonstances ne le demandent. Si elle avait pu éviter qu'il ne pénètre trop dans ce lieu se prêtant tout à fait à un jeu de séduction, Sully l'aurait fait cent fois plutôt qu'une. Seulement, elle avait eu besoin de lui, et peut-être qu'inconsciemment, elle était complètement grisée à l'idée de retrouver la sensation de la pulpe de ses doigts découvrant sa propre chair offerte à la vue et au su de tous et chacun, lui le premier. Ou alors le hasard se jouait d'eux comme deux vulgaires pantins, combattant avec violence les bas instincts qui ne demandent pourtant qu'à être foncièrement assouvis jusqu'à ce que mort s'en suive. C'est au prix d'un nombre considérable d'efforts qu'elle parvient à sceller l'étreinte de ses phalanges de façon trop brusque pour que ce soit normal pour l'attirer hors de ces lieux qui attisent sa fièvre et sa passion dévorante. Sully s'y croyait en sécurité, à même de concéder une petite victoire sur ce comportement déplacé et leurs manières trop familières pour le lien qu'ils entretiennent, lui et elle. Elle le croyait vraiment jusqu'à ce qu'elle se retrouve prédatrice l'espace d'un moment et se retrouver l'instant d'après le corps cambré contre la silhouette du médecin. Un cri plaintif se retrouve noyé contre les lèvres gourmandes de Kieran avant qu'il ne parvienne à rompre le charme.

Je.. j'ai pas voulu... j'sais pas ce qui m'a pris balbutie-t-elle, visiblement secouée. Disons qu'elle a une vague idée, Sully, de ce qui lui a pris. Pourtant, elle aurait du avoir la force de refréner cet élan d'impulsivité qui l'a grisé au point de lui faire amoindrir cette distance qu'ils peinaient à mettre entre eux. Si elle aurait écouté sa tête et sa conscience plutôt que son bas ventre, elle aurait pris conscience de la promiscuité avec la réception, les voix qui résonnent d'en bas et de la nature déplacée de son comportement. Si seulement elle parvenait à penser quand il était là, sans doute cesserait-elle d'agir comme une traînée. C'est l'impression qu'elle se donne alors qu'elle songe désirer le mari d'Alyss, qu'elle se rappelle le goût de ses lèvres et de se savoir à même d'éveiller en lui une passion qu'il lui refuse par moment, à Alyss. Sully, elle peut pas s'imaginer être cette raison qui les brouille, Kieran et Alyss. Elle le sait, pourtant, ils sont faits l'un pour l'autre et son amie ne conçoit même pas la vie sans lui, ne conçoit pas donner la vie sans qu'il en soit la principal concerné. Ses yeux brillent de larmes qu'elle se refuse à verser, Sully, et elle ferme les yeux tandis que Kieran avance, repousse toute raison et vient à encadrer son visage entre ses phalanges puissantes et rugueuses. Elle tremble comme si on venait de l'immerger dans un bac d'eau glacée, et ce, malgré la chaleur diffuse du corps de son vis-à-vis, de ce qui lui taraude les entrailles alors qu'il presse ses lèvres contre sa chair offerte. Trop consentante, trop réceptive aussi. La faiblesse de la chair. Quand il se repli, elle s'enrobe de ses bras et respire difficilement. Le poids de sa conscience ayant raison d'elle, Sully constate son impuissance alors que roule sur ses joues deux perles salines qui viennent mourir sur ses lèvres.

Je dois sortir d'ici lance-t-elle avant de s'élancer à toute hâte dans l'escalier, sans un regard derrière, parvenant à se faufiler jusqu'à l'extérieur avant de se laisser tomber sur le sol avec la présence d'esprit de ne pas foutre en l'air la seule tenue qu'il lui reste. Pour tout autre chose, elle est complètement en vrac, à la putain de dérive. Elle s'essuie avec violence les lèvres, manquant la marquer de ses ongles en ravalant les larmes supplémentaires qui menacent de faire chavirer le navire de ses prunelles céruléennes. Sully, elle reste immobile un bon moment, puis se relève sans un mot. Il attend là, derrière, silencieux. Elle avance vers lui, s'arrête à sa hauteur et sans le regard, n'en supportant pas l'idée, elle se contente de mots impersonnels. Retourne chez toi et va prendre soin de ta femme, Kieran. On en a assez fait comme ça, a-t-elle envie de rajouter. Elle respire un bon coup, puis l'abandonne sciemment là, derrière. Sa première bonne idée de la soirée, finalement.

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