La bombe avait été lâchée, Andrew allait se marier. Et je ne pouvais que m'en mordre les doigts, tout ça je l'avais cherché. Je me revoyais encore, lorsqu'il m'avait craché cela au visage, j'étais restée pantelante, dans l'ascenseur, cherchant à digérer l'information, ou plutôt cherchant rien qu'à la saisir. J'avais l'impression que j'allais m'écrouler et le médecin me faisant faire mon check-up après cette scène m'avait trouvée pâle et avec beaucoup trop de tension. Ce qui me semblait normal, avec la tornade qui venait de me renverser. J'avais passé cinq ans à tenter de rejeter tout souvenir de lui, de nous, j'avais évité le sujet Andy durant toutes ces années, demandant à toute ma famille de ne plus prononcer son nom en ma présence. Je croyais désormais que j'avais été bien stupide, si seulement je n'avais feint sa non-existence pendant tout ce temps, j'aurais appris autrement la nouvelle. J'aurais largement préféré l'apprendre de la bouche de Skye par exemple, elle qui était sans doute au courant depuis le début et qui me l'avait dissimulé parce que je lui avais demandé, comme l'idiote que j'étais. J'avais souvent imaginé qu'il finirait par trouver quelqu'un d'autre mais je ne pensais pas qu'il se marierait, ou qu'il en aurait même l'intention, parce que j'avais toujours cru que, d'une manière ou d'une autre - aussi narcissique était cette réflexion - il ne pourrait jamais m'oublier. C'était peut-être le cas, mais je ne comptais plus assez pour qu'il s'attarde sur le passé, et il avait raison, il avançait, menait une vie stable et remplie. Tandis que je me fourvoyais et que je virevoltais au gré du vent, refusant toute stabilité sinon celle de mon travail. Je n'avais pas tort, j'étais simplement comme ça. Et j'étais surtout amoureuse d'Andrew, et incapable de l'avouer. Alors depuis que le glas était tombé, je m'étais renfermée dans mon travail, ne sortant plus le soir. J'avais plus que jamais besoin d'être seule et de me tenir à cette conviction que je n'avais besoin que de moi-même. Ce soir là, j'avais commandé de la nourriture chinoise, parce que j'en étais une véritable amatrice, mais l'appétit n'était toujours pas là, je me sentais à la fois vide et lourde, mon estomac était noué, mon esprit lui, trop embrumé pour me forcer à me détendre. Cinq ans après, j'étais encore atteinte en plein cœur par le départ d'Andrew, pire encore, par mes sentiments refoulés. J'avais envie de pleurer, mais si fière que j'étais, aucune larme ne sortait. Pas depuis son départ. Parce qu'il m'avait abandonnée, et que je n'avais pas le droit de pleurer pour lui, et encore moins puisque c'était surtout moi la responsable de tout ça. Et alors que je rangeai mon repas intacte dans mon réfrigérateur, j'entendis la sonnerie de ma porte d'entrée retentir, je fronçai les sourcils, me demandant qui cela pouvait bien être. Si c'était Milan qui venait me faire la leçon ou me demander comment je me sentais, je le mettrai à la porte sur le champ, je n'étais pas d'humeur à recevoir ses leçons de parfait grand sage. J'ouvris la porte et tombai nez à nez avec mon visiteur. J'entrouvris la bouche, scotchée, encore une fois. Je clignai des yeux plusieurs fois, comme pour être certaine que je ne rêvais pas, que je ne l'imaginais pas à force de penser à lui. Mais il était bien là, sur le pas de ma porte. Andy. "Comment tu m'as trouvée ?" C'était là la seule question qui m'était venue, parce que je n'étais dans cet appartement que depuis trois ans. Je me raclai brièvement la gorge et hésitai un moment, je n'étais pas encore décidée à le laisser entrer, pas si facilement, pas après son annonce, pas comme ça. "Et comment t'es rentré d'abord ?" en faisant clairement allusion à la porte qui était verrouillée en bas, avait-il sonné chez un de mes voisins pour être certain de me prendre par surprise ? Cela lui ressemblait. Je croisai les bras sur ma poitrine, l'observant d'un oeil suspicieux, la mâchoire serrée. Que faisait-il là bon sang, n'en avait-il pas assez fait comme ça ?

L'amour comme mobile, il s'était laissé allé à dévorer les lèvres de Silley. L'amour tourmente et fait souffrir, il nous empêche de voir le réel. Andrew s'était fait avoir par ce sentiment une première fois et ça l'avait anéanti, il avait eut du mal à reconstruire une histoire, à se lancer dans autre chose, à refaire confiance. Et à peine revenue dans sa vie, il en oublie complètement toutes les belles promesses qu'il a faite à sa fiancé. C'est terrible d'être aussi accroc à la peau de quelqu'un qu'il ne peut s'en empêcher. Silley est un poison disséminer dans ses veines et il n'y a pas d'antidote valable même s'il a cru pendant longtemps que Juliette le serait. Sa vie est pas mal chamboulée ces jours ci, avec l'annonce d'un jeune frère, il sait pas trop quoi en faire, c'est ce qu'il attendait depuis qu'il a apprit qu'il était adopté mais maintenant que c'est concret, il est paumé. La seule personne qu'il veut voir, la seule à qui il veut le dire, c'est elle, parce qu'elle le comprend mieux que personne, parce que sans savoir vraiment pourquoi, il se retrouve à fouiner dans les affaires de Skye pour trouver l'adresse, et qu'à cet instant même, il hésite à sonner. Après ce qu'il lui a balancé l'autre soir, il n'a sans doutes aucunes envie de la voir. Et il avait pas tort, quand la porte s'ouvre enfin, c'est une Silley étonnée, la bouche ouverte, qui lui ouvre la porte. Lui est stressé, flippé à l'idée de venir la voir, et surtout à cette bombe que lui a lancé Sage la veille. Comment tu m'as trouvée ? C'est simple, en étant le meilleur ami de Skye, ça a pas été hyper compliqué de trouver une adresse. Il a pas eut à chercher trop longtemps. Et comment t'es rentré d'abord ? Ca aussi ce fut plutôt simple, il a appuyé sur tout les boutons sauf celui de Silley, espérant qu'un c'est moi suffirait pour que quelqu'un lui ouvre. Ca avait marché sans trop de problèmes. Il est pas con, il savait pertinemment qu'elle ne le laisserait pas entrer. On s'en fou comment je suis entré. Je peux ? fit il en indiquant du doigt l'intérieur de l'appartement de la jeune femme.

Il a les mains moites, cette histoire le rend dingue. Il aurait pu en parler avec Juliette, il aurait même pu se confier à Skye sur ce qu'il vient d'apprendre mais il n'a absolument aucune envie de le dire à quelqu'un d'autre. C'est elle et personne d'autre, parce que c'était elle à l'époque qui l'avait aidé dans ses recherches infructueuses. Alors oui, leur dernière entrevue s'était précipitée, par un étrange concours de circonstances, ils avaient été amenés à s'embrasser. Ils sont fait l'un pour l'autre dans le fond, alors si le hasard fait bien les choses, Andrew reste persuadé que c'est le destin qui les a réunit, et juste avant qu'il en sache plus sur ses origines, c'est forcément lié. A l'époque, ils n'avaient réussi qu'à être un plus un sans jamais véritablement être deux, faut dire qu'elle mettait des barrières si grandes qu'il était difficile de faire la part des choses entre la raison et ses sentiments. Mais dans le fond, il n'y a qu'avec elle qu'il se sent lui même. Elle est sa partie manquante. Sil', laisse moi entrer. Elle n'en a pas l'intention, les bras croisés sur sa poitrine, si ses yeux pouvaient lancer des missiles, il serait mort, étendu sur le sol. Elle s'apprête à lui refermer la porte sur la gueule et il appose sa main pour l'en empêcher. J'ai retrouvé mon frère... lâche t-il, sachant qu'elle ne pouvait pas rester de marbre face à ça. Il passe une main dans ses cheveux. La vérité, c'est que son frère l'a retrouvé mais il lui épargnera les détails pour le moment et les confiera si elle accepte de l'écouter. Une qualité qu'on ne peut lui retirer, elle est une oreille attentive et une amie fidèle. S'ils ne peuvent plus être amants, peut être auront ils la possibilité d'être amis ? Il en doute, surtout quand il sait ce qu'a éveillé ses baisers dans l’ascenseur en lui.

A croire que mon esprit l'avait attiré, à force de se torturer pour lui. Andrew se trouvait sur le pallier de mon appartement, quelques jours après nos "retrouvailles" dont tout mon corps se souvenait encore. Le revoir avait réveillé en moi quelque chose qui avait dormi durant cinq ans, de la passion. Le revoir m'avait chamboulée, renversée. Mes lèvres étaient encore marquées par les siennes, et je pouvais encore sentir le goût de sa langue sur la mienne, son contact doux et ardant à la fois. Toute mon échine avait répondu positivement, et même si ce moment avait été ruiné par l'annonce plus que fracassante de son futur mariage, tout mon être le réclamait depuis cet instant, j'en voulais plus. Et pourtant, ma tête me l'interdisait, il était fiancé. Cet enfoiré. Mais après tout, je l'avais cherché non ? Je l'avais repoussé, je l'avais envoyé vivre sa vie, sans moi, je m'étais assurée qu'il se tienne loin de moi. Et maintenant qu'il avait suivi cette voie à la lettre, j'étais insatisfaite. Quelque chose ne tournait pas vraiment rond chez moi, quelque chose clochait dans tout mon raisonnement de base. J'étais clairement dérangée et je m'en mordais les doigts. Une véritable incapable des sentiments. Et il était là, devant moi. Beau comme un dieu, comme toujours, bien qu'il avait l'air préoccupé. Quelque chose n'allait pas, je pouvais le deviner rien qu'à son expression, qui plus est, le fait qu'il se trouvait devant ma porte n'augurait rien de bon. Je me demandais encore comment avait-il pu entrer, mais Andrew n'était pas bête, il avait plus d'un tour dans son sac, et je l'imaginais tout à fait faire croire à l'un de mes voisins à une livraison spéciale. Cette idée m'amusa, je réprimai un sourire, cet homme insupportablement beau m'amusait encore après cinq ans de froid. Et mon coeur battait pour lui, même cinq ans après notre dernière dispute. Au lieu de sourire, comme j'avais envie de le faire, et me laisser aller à des émotions que je n'avais pas ressenti depuis longtemps et que je me refusais à laisser prendre le dessus, je me renfermai et croisai les bras sur ma poitrine en pinçant les lèvres. Je revêtis mon visage de garce, parce que c'était ce que j'aimais le plus être. Sans coeur, sans gêne. Et cette gêne, je ne comptais pas la laisser m'envahir, je ne comptais pas faire prreuve de bonté de coeur, après tout, il ne s'était pas gêné lui, pour me cracher son bonheur au visage. Je commençai à pousser la porte, m'apprêtant à lui claquer à la figure. Mais bien entendu, il s'y attendait, il interposa sa main et fit bloc avec son bras. La deuxième bombe depuis son retour dans mon paysage tomba. Son frère ? Le frère que nous avions cherché durant des semaines complètes ? J'en ouvris la bouche de surprise. Comment ? Je fronçai les sourcils et le laissai entrer, complètement assommée. Je comprenais mieux la raison de sa venue. Je me rappelais très bien les journées que nous avions passé à chercher une éventuelle trace d'une soeur, d'un frère, d'un quelconque membre de sa famille génétique. Il devait être aussi chamboulé que je l'étais en ce moment, sinon pire. Un flash de ce gosse blessé et perdu me revint en tête, mon coeur se serra. Il avait enfin trouvé un membre de sa famille, et pourtant, je comprenais tout à fait qu'il était plus perdu que jamais. "Assieds-toi. Tu veux boire un truc ?" Ma voix s'était faite plus sereine et plus douce, presque amicale. Comme avant. "Comment l'as-tu trouvé ? Je croyais que tu t'étais résigné.." Et pourquoi venir m'en parler ? Mais je tus cette question, consciente que pour l'instant, ce n'était pas le moment. Mais je ne la tairais pas toute la soirée, je voulais savoir, peut-être, être là pour lui, mais il était hors de question qu'il s'en sorte aussi facilement. Je ne serais pas un jouet, et notre amitié ne reprendrait pas comme si de rien était. Pas après tout ça, pas comme ça. J'inspectai son regard, fixé sur ses mains, il semblait tellement vulnérable en cet instant. Je ne comprenais toujours pas, et pourtant, je pouvais clairement ressentir la même chose. Parce que le voir dans cet état m'avait toujours atteinte, malgré moi.

Silley avait été et était sans doutes encore plus qu'il ne veuille l'admettre, son tout, son essentielle, parce qu'avec elle, il faisait tout, elle était sa meilleure amie, un trio qu'ils formaient avec Skye, et une amante hors du commun, elle le faisait grimper au septième ciel à chaque fois. Lui faire ses adieux a été la chose la plus difficile qu'il est eut à faire. Ses lignes de fractures s'étaient creusées, laissé l'être finalement plus fragile qu'il ne voulait l'admettre totalement dévasté. Pour faire taire cette souffrance, il n'avait trouvé comme solution que de recommencer une histoire. Trop vite, sans avoir panser les plaies du passé, alors aujourd'hui, il est complètement paumé puisqu'il est amoureux de sa fiancé mais il est encore clairement accroc à Silley, cette femme qui l'a abimé. Parfois, il avait le sentiment que la brune l'avait aimé véritablement, comment feindre à ce point ? Même Julia Roberts n'en serait pas capable. Seulement voilà, son voile, cette carapace qu'elle ne daigne pas abaisser ne l'aide pas tellement à se persuadé de cette vérité. Elle commence à le bassiner en lui posant des questions sur le cheminement suivit pour arriver là, la réponse est simple, il n'en a aucune idée, il semblerait que son chemin le ramène toujours à elle, qu'il soit comme aimanté et à chaque fois, c'est la même histoire. Le visage de la belle passe par toutes les couleurs lorsqu'il lui annonce, enfin, annoncer, c'est pas vraiment le mot étant donné la brutalité avec laquelle il a apporté les choses mais elle était prête à lui fermer la porte au nez, il n'avait pas d'autres choix.  J'ai fait cette tête là aussi... plaisante t-il doucement, espérant voir apparaitre un sourire sur le visage de la belle Silley. C'est rare, mais lorsqu'elle sourit, son visage s'illumine de milles feux. Faut dire qu'il est pas hyper réaliste de ce côté là, tellement aveuglé par ses sentiments. Il n'a jamais voulu tombé amoureux d'elle, ce n'était pas censé se passer comme ça entre eux, ils n'étaient que deux amis mais il l'avait fait et aujourd'hui il l'avait sous la peau, gravée.

Elle le laisse entrer. Il passe à l'intérieur sans se faire prier, déjà content qu'elle accepte de l'écouter, parce que c'est à elle qu'il veut en parler, quand il l'a apprit, il a directement pensé : je dois le dire à Silley, triste sort pour sa bien aimée mais elle ne l'a pas connu à cette époque, elle ne sait pas à quel point c'était vital pour lui de retrouver ses retrouvés. Elle n'a pas connu l'adolescent paumé alors même avec toute la bonne volonté du monde, elle ne comprendrait pas ce que ça veut dire pour lui et il n'a pas envie de passer des heures à lui expliquer. Assieds-toi. Tu veux boire un truc ? Une bière, si tu as. Il sait pertinemment qu'elle en aura en stock, c'est une obligation, c'est une grande buveuse de l'alcool d'avoine, enfin c'était, parce qu'il doit avouer avoir changé, alors elle aussi peut être. Il s'exécute et s'installe sur le divan du salon, s'attardant un peu sur la décoration plus féminine que ce à quoi il s'attendait. Comment l'as-tu trouvé ? Je croyais que tu t'étais résigné.. Il joue avec ces mains, il devrait être mal à l'aise, mais étrangement, il se sent bien ici, en fait, il se fout pas mal de l'endroit, il se sent bien aux côtés de la jolie brune mais il est heureux avec Juliette. Quel putain de merdier mais ce n'est pas le sujet de ce soir, pas pour le moment du moins, il est d'ailleurs étonné qu'elle ne commence pas par l'insulter. En fait... C'est plus lui qui m'a trouvé. J'avais du mal à y croire au départ, parce que je trouvais ça étrange, tu vois la scène, salut je suis ton frangin... J'ai cru à une mauvaise blague. Trop méfiant, il avait malheureusement apprit à l'être avec le temps, les gens vous font du mal si facilement. J'ai un frère Sil'. J'en sais pas beaucoup plus pour le moment, tout est allé très vite... Elle doit ressentir l'émotion autant dans sa voix chevrotante que dans ses yeux brillants. Elle n'aurait même pas besoin de ça de toutes façons, puisqu'il est beaucoup moins doué qu'elle pour cacher ce qu'il ressent.

Je ne sais combien de secondes je fus immobile, la bouche ouverte, les sourcils froncés, mais ce qui était certain était que je venais d'avoir un choc. Le second en moins d'une semaine. Et encore une fois, je pouvais en remercier Andrew. Si je puis dire. Tout s'embrouillait dans mon esprit, il avait un frère, finalement, après des recherches vaines, il était fiancé, mais il était là, chez moi, pour m'annoncer ça. Pourquoi ? Je pouvais facilement répondre à ma propre question, mais j'avais peur de ce que tout cela voulait dire. Sa remarque tandis qu'il avançait dans mon appartement me fit m'adoucir, osant presque sourire, mais j'étais trop crispée pour ça. Sa présence ici me troublait, me contrariait, et pourtant, elle me ravissait bien plus que ces deux autres sentiments contradictoires. Il était avec moi, et non avec elle. Lui avait-il déjà dit ? Le voir dans cet état me forçait à admettre que je devais être la première personne à être au courant, je ne savais pas comment le prendre, ça non plus. Trop de choses s'entrechoquaient dans mon esprit, trop de choses ne collaient pas. Et je n'aimais pas avoir à me poser trop de questions, je n'aimais pas être mise face à mes doutes. Il me demanda une bière, bien entendu, et je revins au salon avec une bière dans chaque main, une pour lui, et une pour moi. Nous en avions bien besoin, l'un comme l'autre. Le choc pouvait toujours se lire sur mes traits faciaux, tandis que les siens étaient encore plus tirés, tourmentés. Il luttait contre ses émotions en ce moment, cela se voyait. Et peut-être se posait-il encore plus de questions que je ne pouvais m'en poser. "J'arrive pas à y croire, après toutes ces années !" Je pris instantanément une gorgée de bière, regrettant de ne pas avoir pris quelque chose de plus fort à la place, le breuvage ne me faisant aucun effet. Mais en ce moment, Andrew avait besoin de mon esprit sobre. "T'as un frère ! Je veux dire, il est comment ? Vous vous ressemblez ? Il est plus jeune ou plus vieux ? Il fait quoi de sa vie ?" Les questions sortaient de ma bouche à une vitesse folle, j'étais curieuse d'en savoir plus, après tout, nous avions longtemps imaginé que quelqu'un de son sang se cachait quelque part, et nous l'avions dessiné sous toutes les coutures. J'avais l'impression de nous revoir dix ans plus tôt. Insouciants, et proches. Je vis soudain son émotion l'envahir, je pouvais largement dire que tout se mélangeait dans son esprit aussi. "Pardon, oublie tout ça.." m'excusai-je, avant qu'il n'ait pris le temps de me répondre. Je pris sa main libre dans la mienne, délicatement, prenant tout juste conscience que je m'étais assise tout près de lui, sans même y faire attention. Je ne réfléchissais pas à mon geste, sa signification, mon pouce caressa la peau du dos de sa main, le réconfortant. Comme je l'aurais fait avant. Nous restâmes un moment silencieux, tous deux fixés sur nos mains entrelacées. Puis je brisai cette bulle, lâchant précipitamment sa main, je me concentrai à nouveau sur ma bière, la finissant en un rien de temps. Parfois j'étais tellement peu féminine. "En tout cas ce qui est sûr, c'est qu'on était de très mauvais détectives à l'époque !" plaisantai-je, pour la première fois depuis bien longtemps. Je vis son regard se tourner vers moi, il fixait mon visage d'une expression indéchiffrable, mon sourire s'affaissa peu à peu. Mon coeur se réveilla, lui. "Andy.. pourquoi t'es là ?" je posai le cadavre de bouteille sur la table, n'osant pas lui faire face. Il ne répondit pas. "Ok, c'était pas clair. Tu m'as balancé que tu étais fiancé, avec une haine peut dissimulée, et maintenant, t'es là. Je sais que ça n'a rien à voir, ton frère et.. l'histoire de l'autre. Mais, bordel je n'y comprends plus rien !" Je n'avais pas pu me retenir bien longtemps, je ne voulais pas me disputer avec lui, juste comprendre, et peut-être l'aider un peu mieux, si lui m'aidait en retour. J'avais eu cependant bien du mal à cacher mon dégoût pour sa... fiancée. Encore une fois, je disais un peu trop ce que je pensais, mais je n'avais jamais appris à taire ce qui me traversait l'esprit, et il le savait pertinemment.

Ces derniers temps, c'est un bordel monstre dans son cerveau. Plus rien n'a de sens et tout se mélange. On croit connaître son environnement, pourtant parfois il suffit qu'un détail change et vous ne vous doutez pas que c'est toute votre vie qui va y passer. Et ça, on ne le voit jamais venir. Ces retrouvailles avec Silley étaient bien plus troublantes que ce qu'il aurait jamais imaginé, elle lui a complètement retourné le cerveau comme elle savait si bien le faire à l'époque. Le pire c'est que c'était même pas son intention.  J'arrive pas à y croire, après toutes ces années ! Il essaye de se convaincre que s'il est là, c'est simplement parce que lui et elle avaient tant cherchés ses origines par le passé. Il était logique qu'elle soit la première à être au courant de tout ça. Sauf que la vérité est bien plus laide, il est là parce qu'il a envie de la voir, il est là parce qu'il en est encore fou amoureux et qu'il ne contrôle absolument rien quand il est à ses côtés. Il s'était pourtant persuadé d'avoir tourné la page avec Juliette, d'avoir trouvé quelqu'un pour la remplacer dans son coeur mais soyons réalistes, elle est irremplaçable et ça, il l'a toujours su. T'as un frère ! Je veux dire, il est comment ? Vous vous ressemblez ? Il est plus jeune ou plus vieux ? Il fait quoi de sa vie ? Des questions auxquelles il ne saurait pas vraiment répondre en même temps. Il l'a vu quelques minutes, tout est allé très vite, tout est devenu intense et fort et puis c'était terminé, alors il pas encore vraiment eut le temps de reprendre ses esprits. Pardon, oublie tout ça..Il boit une gorgée de sa bière alors que la main de son amie -enfin, s'il peut encore l'appeler ainsi- se pose contre la sienne. Il reste les yeux figés sur ses deux mains qui se cherchent, entrelacer l'une contre l'autre. Un frisson terrible le parcourt alors qu'un silence de marbre s'installe entre eux. Pas un silence gênant ceci dit, au contraire, ils se retrouvent, comme avant et c'est délectable. Tous les deux dans cette bulle un peu chimérique qui les lient l'un à l'autre, ce sentiment si particulier d'être en face du seul être capable de vous comprendre entièrement. Il l'aimait, il l'aime à vrai dire... Mais, vous savez ce qu'on dit, ce sont les choses que l'on aime le plus qui nous détruisent.  En tout cas ce qui est sûr, c'est qu'on était de très mauvais détectives à l'époque ! Elle retire sa main, il aurait aimé la retenir, lui dire tout ce qu'il a sur le cœur mais il est trop lâche pour ça, il a peur surtout. Il sourit timidement à ce qu'elle dit, le regard brillant, ne sachant plus si c'est en lien avec la nouvelle qui vient de lui tomber dessus ou si c'est par rapport à ce simple contact avec elle. des fois, je me dis que je voulais pas vraiment savoir... Enfin, j'avais peur de tomber sur une famille qui voulait pas de moi. C'est d'ailleurs le cas, ces rêves d'une mère parfaite qui l'avait abandonné pour son bien s'étaient évanouies mais au moins, il avait un frère et ce dernier semblait enchanté à l'idée de connaitre son grand frère.  Andy.. pourquoi t'es là ? Il prend une goulée de sa bière sans la regarder, fixant un point sur le sol, il sait très bien où elle veut en venir et il n'a sans doutes pas la réponse à cette question. C'était instinctif comme cheminement. Ok, c'était pas clair. Tu m'as balancé que tu étais fiancé, avec une haine peu dissimulée, et maintenant, t'es là. Je sais que ça n'a rien à voir, ton frère et.. l'histoire de l'autre. Mais, bordel je n'y comprends plus rien ! Il lâche un soupire et plante son regard dans celui de Silley. Je... Il laisse un bref silence s'installer et se lève, faisant quelques pas avant de reprendre : Tu étais la première à qui je voulais le dire... Je sais pas pourquoi Sil'... Il se doute quand même un peu à vrai dire, il l'a dans la peau, elle s'est insinué en lui et peut importe ce qu'il fera, elle fera toujours partie intégrante de lui. Alors oui, il peut faire semblant, se convaincre qu'il sera plus heureux avec une autre mais dans le fond... Il sait qu'il a tort.

Le silence d'Andrew m'avait rendue folle, toutes ces années. J'avais tenté de l'ignorer, faisant mine d'être complètement indifférente, laissant croire qu'il n'était plus qu'un vulgaire souvenir d'enfance. J'avais presque réussi à m'en convaincre, durant tout ce temps, parce que mon cœur de glace, comme il l'avait si bien dit lors de notre ultime dispute, avait repris le dessus, parce que je l'avais enfermé à double tour, m'assurant que plus personne ne serait en mesure de l'atteindre. Pas après Andrew, pas après l'histoire avec Jack. Plus jamais. Je n'avais pas espéré entendre parler de lui, non. J'avais plutôt prié pour qu'il revienne, de lui-même, puisque j'étais bien trop fière pour lui dire de revenir. Mais j'avais tendance à oublier que lorsqu'Andrew était blessé, il l'était vraiment, et longtemps. Notre jeu dangereux n'avait pas eu raison de notre fierté respective et de notre orgueil. Et je m'étais faite une raison, si Andy ne revenait pas, soit, cela mettrait fin à toute cette histoire confuse. Mais ce silence, ce silence m'avait semblé presque insupportable, pendant un temps. Et ce soir encore, alors qu'il était assis à mes côtés, sur mon canapé, dans mon appartement, avec moi, ce silence m'écrasait à nouveau. J'avais envie de le secouer, le faire parler, le gifler, lui crier dessus, l'enlacer, l'embrasser. Toute cette passion que nous avions toujours entre nous me revenait en plein dans la figure. Depuis le tout petit aperçu de l'ascenseur à l'hôpital, je ne cessais d'y penser. Dieu qu'elle m'avait manquée, cette passion. Mais ce soir, j'avais l'impression de devoir tout mettre de côté, la rancœur, la colère, la tristesse, la passion.. l'amour. Parce qu'il avait besoin d'autre chose, de son amie Silley, celle d'avant tout ça, celle que je ne pouvais plus retrouver. "Mais ta famille, je veux dire, tes parents adoptifs, ils voulaient de toi, tu savais que tu pouvais te raccrocher à eux, et puis il y avait.. nous." Je me risquais à parler du passé, d'un nous, de ma famille parce qu'il en avait longtemps fait partie, et que c'était toujours plus ou moins le cas, pour tous les autres. "Mais je comprends ce que tu veux dire. Mais les liens du sang ne font pas tout." Je grimaçai et le vis se lever après avoir encaissé mes réflexions sur sa présence ici, il était perdu, peut-être même tout autant que je l'étais moi-même. Son regard me transperça à nouveau, ce regard auquel je n'avais jamais su résister. "La première ? Tu le sais depuis quand ?" J'étais abasourdie, parce que je me trouvais bien loin de la vérité. Au delà d'être là pour en parler avec une ancienne amie, il était là pour se confier, confier un secret qu'il gardait et que personne ne savait. Pas même sa fiancée. Ma confiance en moi se regonfla, j'étais donc plus importante qu'elle, dans un sens, je le connaissais mieux qu'elle, d'une certaine façon. Mais je n'étais pas elle, et je n'étais pas une roue de secours pour qu'il se confie, tout ça, ce n'était plus possible. "J'espère sincèrement que vous pourrez avoir une relation lui et toi, une bonne ! Mais je ne suis pas certaine de pouvoir faire semblant d'être à l'aise avec.. tout ça." J'avais montré l'espace vide entre nous tandis que je m'étais levée, parce que ce vide, maintenant qu'il était de retour, je n'en voulais plus. Et je ne pouvais pas supporter l'idée qu'il rentre auprès d'elle après s'être confié à moi. Je laissai un énième silence traîner entre nous, puis soupirai lourdement en me rasseyant. Andrew était toujours debout, incapable d'être immobile, parce qu'il était bien trop nerveux, parfois son regard se jetait sur moi, mais il me fuyait presque dans la seconde. Je me relevai, soufflant plus fort cette fois. "Je vais dire un truc auquel tu ne t'attends sûrement pas, mais après tout, est-ce que j'ai déjà fait un truc auquel tu t'attendais ?" Je me mis à rire nerveusement en le regardant, ne sachant pas par où commencer, ni même si j'étais finalement capable de le dire. "Je n'ai pas envie que tu te maries, je n'ai pas envie de continuer à te voir si tu le fais, je n'ai pas envie de continuer à prétendre que tout va bien, que je suis d'accord avec ton absence. Je crève de jalousie, je suis en colère, je t'en veux, tellement ! Mais plus encore, je suis incapable d'être loin de toi à nouveau, de te laisser avec tout cette histoire de frère retrouvé.. autant que je suis incapable de t'avoir autour de moi sans t'en vouloir et avoir envie de te frapper." Je ne savais pas pourquoi je lui disais tout ça, j'avais l'impression de lui laisser le choix à lui, pour une fois. De lui poser un ultimatum, de tout lui laisser entre les mains. Et ça, c'était une première.  Cela ne réglerait rien, mais je n'avais pas envie de choisir, je n'étais plus en mesure de le faire.

Il l'avait attendu pendant tellement d'années, espèrant qu'elle reviendrait vers lui, qu'elle se rendrait compte de la connerie monumentale qui était de le laisser filer et qu'elle se pointerait sur le seuil de sa porte en lui déclamant des mots d'amours. Bien sur, elle avait été trop fière pour le faire et il avait finit par se lasser d'attendre. Il ne pouvait pas le faire éternellement. Il a bien fallu qu'il finisse par tenter de tourner la page avec une autre. Ca a pas été simple pour lui, il aura mit trois ans à simplement se dire qu'il était peut être mieux sans elle. Grosse connerie, on est d'accord. Parce que ce n'est pas comme ça que ça marche... Il s'est dit qu'il l'a détestait, il s'est convaincu qu'il n'avait pas besoin d'elle dans sa vie pour légitimer son absence mais elle était toujours là, dans un coin de son crâne. Mais ta famille, je veux dire, tes parents adoptifs, ils voulaient de toi, tu savais que tu pouvais te raccrocher à eux, et puis il y avait.. nous. Mais je comprends ce que tu veux dire. Mais les liens du sang ne font pas tout. C'est vrai, ces parents ont toujours été des anges avec lui, d'une patience hors du commun pendant sa pseudo crise d'adolescence, il ne s'est jamais vraiment remit du fait qu'ils lui aient caché la vérité, et encore aujourd'hui, il en veut à sa mère pour ça. Je sais... Mais c'est comme si une partie manquait au puzzle...   Il hausse les épaules. Il se lève, il commence à faire les cents pas dans l'appartement de la jeune femme sans vraiment poser le regard sur elle alors qu'il comprend que cette conversation n'ira pas dans le sens où il l'aurait espérer. Une soirée avec elle, à discuter, comme au bon vieux temps, c'était trop demander ? La première ? Tu le sais depuis quand ? Aujourd'hui... Ce matin.   Parce que Juliette ne savais pas tout ça sur son passé, elle n'était pas celle qui avait été présente à l'époque, c'est difficilement explicable mais Silley était celle a qui il avait voulu confier cette histoire assourdissante en premier, il savait qu'elle comprendrait à quel point c'est important pour lui. J'espère sincèrement que vous pourrez avoir une relation lui et toi, une bonne ! Mais je ne suis pas certaine de pouvoir faire semblant d'être à l'aise avec.. tout ça. Tout ça hein... Alors ils en étaient réduit à ça maintenant. Elle se lève et réduit alors la distance qui les sépare, dangereusement. Presque soulagé, il la regarde se rassoir alors qu'il ne tient pas en place une seule seconde. Un silence mordant s'installe, maladroit, désagréable parce qu'aucun des deux n'ose prendre la parole. Je vais dire un truc auquel tu ne t'attends sûrement pas, mais après tout, est-ce que j'ai déjà fait un truc auquel tu t'attendais ? fit elle en levant à nouveau ses fesses du canapé. Il avale difficilement sa salive, il a peur, peur de ce qu'elle pourrait bien lui dire parce que même avec les années qui ont passés, elle avait toujours ce pouvoir sur lui. Le regard du beau brun se plante dans celui de son ancienne meilleure amie. Je n'ai pas envie que tu te maries, je n'ai pas envie de continuer à te voir si tu le fais, je n'ai pas envie de continuer à prétendre que tout va bien, que je suis d'accord avec ton absence. Je crève de jalousie, je suis en colère, je t'en veux, tellement ! Mais plus encore, je suis incapable d'être loin de toi à nouveau, de te laisser avec tout cette histoire de frère retrouvé.. autant que je suis incapable de t'avoir autour de moi sans t'en vouloir et avoir envie de te frapper. Immobile, son regard dans celui de la belle, la bouche entrouverte. Il reste planté là quelques secondes avant de s'appuyer sur le fauteuil près de lui et de s'y assoir. Tu...   bégaie t-il. Il passe une main dans ses cheveux, souffle un bon coup et se lève de nouveau pour lui faire face avant de reprendre : T'as pas le droit ! Ses mains en tremblent, il en revient, c'est tout ce qu'il a toujours rêvé d'entendre... Sauf qu'elle le fait trois ans trop tard. Il est avec Juliette maintenant... J'ai attendu que tu me dises ça pendant au moins trois ans... Que t’abatte les murs, que tu t’aperçoive de ce que je savais depuis le début putain Sil ! Tu peux pas me sortir ça comme ça, c'est pas juste ! Il baisse la tête une seconde et reprend : J'aurais pas du venir... Je... Leurs regards se croisent, emplie d'un désir flagrant, il ne saurait taire cette passion qui l'anime à chaque fois qu'elle est dans les parages. Oh et puis merde, il en a tellement envie qu'il est prêt à exploser, alors il abdique devant ses pulsions et cède à la tentation en posant ses lèvres ardentes sur celles de la jolie brune. Il l'aime tellement, trop sans aucuns doutes.

Depuis ce fameux après-midi, où j'étais restée coincée dans cet ascenseur en la compagnie des plus surprenantes d'Andrew, j'avais l'impression de me prendre claque sur claque. Des claques à la fois exquises et brûlantes, mais aussi douloureuses et marquantes. La première avait été de le revoir, délicieuse claque. Et puis il y avait eu sa presque indifférence, qui avait commencé à m'atteindre, et ce baiser, une nouvelle claque, plus que brûlante, enchaînée par ce seau d'eau, ce coup de poing : l'annonce de son mariage prochain. Et il y avait ces multiples coups ce soir même, à commencer par son arrivée devant le pas de ma porte, comme si je m'y attendais. Ce nouveau Andrew que je découvrais me surprenait sans arrêt, me jetait au visage tout ce que j'avais perdu et tout ce que je n'avais pas su voir  à l'époque. L'ancien Andy n'avait jamais réellement réussi à me surprendre, puisque je le voyais venir à des kilomètres à chaque fois, je le connaissais par cœur. A l'exception de deux instants marquants de notre relation : la première fois où il m'avait embrassée et, la dernière fois que je l'avais vu, lorsqu'il m'avait abandonnée définitivement. Cette fois, je n'étais plus sûre de rien et je ne voyais plus rien, j'avançais à l'aveugle sur ce tout nouveau territoire qui m’était inconnu autant que je m'accrochais aux souvenirs. Je ne savais plus si je devais reculer ou foncer, mais comme d'habitude, mes instincts et mon franc parlé avaient eu raison de ma réflexion.  Parce qu'il était venu à moi, parce qu'il avait brisé sûrement beaucoup de limites qu'il s'était fixé, parce qu'il s'était confié, parce que je le voyais vulnérable devant moi et que cela m'avait toujours atteinte, parce qu'il m'avait manquée, parce que j'étais la première à savoir pour son frère, parce que c'était lui, tout simplement. Je n'avais pas su répondre comme il le fallait, je n'avais pas su être son amie et rien de plus, je n'avais pas su faire table rase de notre passé compliqué et douloureux, pas même pour ce soir. Je n'avais pas le droit, oui sûrement. Mais je le faisais quand même. Parce que j'étais comme ça, sans scrupules, aucun, sans gêne et très culottée. "Je sais mais Andy..." Mais il ne m'écoutait plus, il ne m'entendait plus, il ne me laissait pas continuer non plus. Il bégaya un moment et repris, après un temps qui me parût interminable. Ses mots qui s'abattirent sur moi me firent l'effet d'une nouvelle claque. Oui j'arrivais trop tard, je le savais pertinemment, mais on ne disait pas mieux vaut tard que jamais ? J'avais au moins le mérite de m'en apercevoir et de le dire, cinq années trop tard, si ce n'était plus. Il ne l'avait pas dit, mais la raison principale pour laquelle je n'avais pas le droit d'avouer tout ça en premier lieu était qu'il allait se marier. Mais là encore, cela ne semblait pas sa priorité ni même ce à quoi il pensait en premier. J'avais donc peut-être une chance. En tout cas, j'avais fait mouche, je l'avais troublé. Et puis je levai mon regard sur lui, croisant le sien, plus perdu que jamais. Quelques secondes nous séparèrent, puis il fondit sur mes lèvres, dans un baiser brûlant, mêlant passion et urgence. Urgence de se redécouvrir. J'étais reconnaissante qu'il soit venu ce soir, au final. Même si cela n'allait pas arranger la situation, je me sentais plus légère pour le moment, et je n'étais plus prête à le laisser partir. Pas encore. Je prolongeai son baiser, y mettant encore plus d'ardeur, m'y jetant à corps perdu. Corps et âme, pourrait-on même dire. Nous nous poussions l'un l'autre, mettant une force énorme dans la recherche des lèvres de l'autre, baladant nos mains sur toutes les parcelles possibles de nos corps, du moins celles que nous pouvions atteindre. Puis je brisai cette bulle, l'espace de quelques secondes. "Reste... juste ce soir... on peut juste parler... se crier dessus..." J'avais entrecoupé chaque proposition de baisers furtifs et pourtant non sans une invitation plus charnelle. "Ou alors on peut juste laisser ce qu'il y a entre nous nous guider..." Encore une fois, c'était à lui de faire ce choix, je m'étais donnée à lui comme jamais à personne, à lui de voir s'il voulait de moi. J'en oubliai totalement qu'il allait se marier, cette information s'étant perdue dans un recoin de mon cerveau pour ne plus importuner mes plans avec lui.