« Tu viens avec moi, Archer. Fin de la discussion. » Un grand sourire est affiché sur le visage de la blondinette, elle a envie de sortir, mais pas question d’y aller seule, pas ce soir. Pour dire vrai, elle commence à être de plus en plus inquiète à l’idée de se balader seule, surtout le soir. Parce qu’elle a l’impression de le voir trop souvent cet homme, à un point tel qu’il ne s’agit plus du fruit du hasard. Toni, elle n’a jamais été froussarde, mais cet homme, cet inconnu au regard malsain, il commence sérieusement à lui foutre les jetons. Il n’a pas envie, Archer, elle le sait, elle le sent. Ce soir, il aurait aimé rester tranquille chez lui, à se mater un film avec elle, peut-être ou à faire quelque chose d’un peu plus actif, mais la jeune femme, elle a envie de sortir. Elle n’a qu’à lire dans ses yeux pour y apercevoir un non flagrant, c’est pourquoi elle saisit sa main dans la sienne et qu’elle lui fait ses yeux de biche auxquels il ne peut résister. « Allez, j’ai pas envie de rester encabaner ce soir et j’ai envie d’être avec toi. Viens avec moi, s’il-te-plait, Archer. » Elle le voit dans ses yeux, il n’a pas besoin de parler, il craque et elle en a conscience. Le sourire s’élargit sur les lèvres de la blonde et elle dépose un baiser sur sa joue. « T’es un amour Arch’. » Elle recule doucement, il fronce les sourcils. « J’ai pas dit oui… » Il a ce sourire au coin des lèvres, elle lui caresse doucement la joue et il sourit d’avantage. « Je sais, mais tes yeux l’ont fait pour toi. » Un clin d’œil puis elle se détourne de lui, se dirigeant vers la salle de bain. De longues minutes s’écoulent avant qu’elle ne sorte, un maquillage léger sur le visage et une nouvelle robe sur le corps. « Allez, viens. » Elle lui saisit la main et il la suit, secouant légèrement la tête. Archer, il cède toujours à ses moindres caprices, c’est sans doute pourquoi ils s’entendent si bien et qu’ils ne se prennent jamais la tête.

Il pousse la porte du bar et lui cède le passage. La blondinette entre et se retourne vers lui, le gratifiant d’un grand sourire, avant de se diriger directement au bar. Elle y commande deux bières, une pour lui et l’autre pour elle-même. Dans le bar, une musique ambiante résonne, un groupe se produit sur scène, mais ça, elle le savait déjà. Sarah et Heather l’avaient déjà prévenue et c’est ce qui avait attiré la jeune femme ce soir-là. Toni, elle a toujours été fanatique de musique rock, vibrant sous les voix authentiques de ces chanteurs. Intriguée par ce groupe qui lui était inconnu, elle avait décidée de venir le découvrir par elle-même et aux premières notes, elle ne regrettait pas cette décision. « Heather et Sarah nous attendent là-bas, vas les rejoindre, je nous ramène ces bières. » Elle lui décoche un sourire, alors qu’il secoue la tête, l’air exaspéré. Elle l’a trainé de force ici, alors qu’au final, elle n’allait pas être seule, il en prend alors conscience. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’elle ne voulait pas se rendre jusqu’ici seule, par peur de croiser cet homme, mais ce n’est pas la seule raison. Après tout, Archer est son meilleur ami, elle a besoin de lui et elle a envie de passer du temps avec lui, Toni. Archer, il se contente de lever les yeux au ciel puis d’aller rejoindre les deux filles, alors que la blondinette, elle attend patiemment les deux bières, profitant de la musique qui résonne dans la pièce.

On lui sert finalement les deux bières puis elle se dirige tranquillement vers ses amis, les saluant d’un large sourire, avant de tendre la bière à Archer. En silence, elle se pose doucement sur une chaise, alors que ses yeux se posent sur le devant de la scène. Son regard se fige alors sur le chanteur et ses sourcils se froncent légèrement. Kellan ? Est-ce qu’elle rêve ? Immobile, sa bière figée tout près de ses lèvres, ses yeux restent captifs du visage du chanteur. Elle ne rêve pas, c’est bien lui et elle ressent à nouveau cette tension au bas du ventre, Toni. Il est là, il est beau comme à son habitude, mais cette fois, il est sur scène, sa voix résonnant avec beauté dans ce bar. Dieu sait à quel point elle est attirée vers les chanteurs et à quel point le physique de Kellan lui plait, donc c’est un mélange parfaitement attirant. Elle cohabite avec lui depuis peu de temps, elle le connait à peine et elle ignorait totalement cette partie de lui. Ce soir, elle découvre cette facette et ça lui plait. Il est beau sur scène, très beau, sans doute trop même. Elle est suspendue à ses lèvres, comme si le temps s'était arrêté, au moment même où elle avait comprit que c'était lui.

« Tu es là, si belle, virevoltant dans ta robe blanche fluide, qui colle à ton buste. Ce buste si parfait, qu’on dirait fait sur mesure tellement il se moule à la perfection contre mon corps. Ton corps a été fait pour que mes bras t’enlacent. Tu sens si bon, un savant mélange encore le coquelicot et le sable chaud.  Ta peau, douce, à le goût du miel et je me noierais des heures dans cette odeur qui m’enivre, qui me perd, qui me fait chavirer le cœur. Et tu me regardes, avec ses grands yeux bruns, tu me scrutes, me sonde. Tu voudrais entrer dans ma tête, savoir ce que je pense. Mais tout ce que je pense c’est que tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Que je t’aime à la fol… »

Et boum, retour à la réalité, on revient sur terre. Je me réveille en sursaut, trempé de sueur. Saleté de rêve à la con. J’ai envie de me frapper, j’ai envie d’efface son foutu visage de mon esprit, je voudrais seulement avoir un bouton « delete » pour pouvoir oublier son prénom, son odeur, sa voix, tout ce qui se rattache à Elle. Je pose un pied sur le parquet frais. Le soleil filtre par les rideaux pourtant fermés et projette des ombres sur les murs blancs, nus, de ma chambre. Je dois passer à autre chose. Avancer. Et je sais ce qui pourrait m’aider à oublier. A l’oublier. Toni.

Toni, cette magnifique créature qui a récemment emménagé chez moi. Je ne peux pas dire que je la connais. Pour l’instant, tout ce que je sais d’elle c’est qu’elle est sportive, qu’elle aime courir – j’ai déjà remarqué ses baskets qui trainent dans l’entrée, à côté de la porte. Je sais aussi qu’elle apprécie de manger une bonne pizza, tout simplement car c’est ce que nous avons commandé pour notre premier repas ensemble. Je sais aussi que son visage m’hypnotise, que ses lèvres sont comme deux bonbons délicieux qui m’appellent, qui me crient de venir les gouter. Je sais aussi qu’elle a un corps à faire se damner un saint.

Je m’ébroue mentalement. Elle est ma locataire, ma colocataire. Et j’ai une règle. Je ne la toucherais pas. Je ne ferais que la regarder à la dérobée, sans qu’elle ne s’en aperçoive. Je ne la connais pas et j’ai se sentiment étrange qui enfle en moi et tous mes sens en éveille. Tout me hurle d’apprendre à connaitre cette fille parce que j’en ai envie. Je souris et me lève. Je passe une main dans mes cheveux pour les dompter tout en sortant de la chambre. Tandis que je longe le couloir qui mène à la cuisine, je remarque qu’il est déjà dix-huit heures trente. J’ai fait une grosse sieste. Toni n’est pas là. Je ne sais pas quand est-ce qu’elle est partie, je ne sais pas ce qu’elle fait et c’est normal, nous n’en sommes pas encore à nous parler de nos emplois du temps respectif. Mais je dois me dépêcher et cesser de songer à cette nouvelle colocataire.

Lorsque j’arrive au bar ce soir-là, les habitués sont déjà installés à leur table et le bar commence à grouiller de monde. On joue dans notre fief, dans le bar qui a vu nos débuts, qui nous a vu et surtout fait grandir. Je salue mes meilleurs potes, les membres de mon groupe et nous nous installons autour d’une bière avant de commencer le concert. Depuis que nous nous produisons sur les grandes scènes des festivals, à chaque concert que nous donnais dans ce bar, c’est la véritable jungle et les gens font la queue à l’extérieur, attendant de pouvoir entrer à leur tour. Il faut dire que le bar n’est pas grand, du moins il ne l’est plus assez. Et c’est l’heure de monter sur scène, de tout donner, de faire vibrer le public. Et revoilà Kellan au cœur de pierre, celui qui jette sur le monde un regard méprisant, celui au sourire en coin, ravageur, celui qui n’hésite pas à draguer sans aucune limite. C’est comme ça qu’on me connait.

Une bonne heure plus tard, c’est enfin la pause. Je suis en nage. La chaleur a grimpé d’un seul coup dans la salle et les décibels aussi. Les filles hurlent, les hommes me regardent d’un œil mauvais et certains rient, chantent aussi à tue-tête Puis soudain, une tête attire mon regard. Des cheveux au couleur du blé ensoleillé, ces lèvres boudeuses, ce regard de biche. Je suis captivé. Happé. J’avance dans sa direction. Toni. La foule s’écarte sur mon passage, et je n’ai que très peu besoin de jouer des coudes pour arriver jusqu’à elle. « Toni ? » Je demande de ma voix éraillée. Mais ce n’est pas vraiment une question. Je l’ai reconnue. J’aurais pu la reconnaître parmi des dizaines. Ce n’est qu’une façon d’attirer son attention. Elle me tourne le dos et j’attends qu’elle daigne se tourner vers moi. J’ai un sourire de séducteur accroché sur les lèvres, mais je sais que mon regard a changé, qu’il s’est adoucit.

Elles s’écoulent les minutes, trop vite même. Elle se perd dans la contemplation du groupe, de Kellan surtout. Il est beau, sa voix est enivrante, les paroles des chansons le sont également. Elle se laisse emporter par la musique, une bière à la main. Elle est entourée de trois amis, le moment est agréable et elle n’en demande pas d’avantage. Profiter d’une bonne musique, avec des personnes qu’elle aime et de la bière à profusion, c’est son truc à elle. Elle se laisse capturer par la musique, tout en profitant du moment présent, avec Archer et les deux filles. Elle ne sait pas exactement combien de minutes s’écoulent depuis son arrivée, mais la musique prend fin. Maintenant dos à la scène, elle s’anime dans cette conversation avec Archer, ses yeux plongés dans les siens. Il a remarqué son regard posé avec trop d’attention sur Kellan, elle le sait, elle le sent et elle sait parfaitement qu’il n’en parlera pas avant qu’ils soient seuls. « Toni ? » Elle est soudainement tirée hors de cette discussion par cette voix qu’elle reconnait aussitôt. Elle fait doucement volteface, un sourire venant s’accrocher sur ses lèvres. Ses yeux se posent alors sur l’homme, sur lui. Il se tient devant elle, un sourire séducteur sur les lèvres. « Kellan. » Elle se lève doucement, son regard ne le quittant pas une seule seconde. Elle a la tête qui tourne légèrement, sans doute parce qu’elle a consommée un peu plus d’alcool que désiré. Elle ne s’en était pas rendu compte, avant de se tenir sur ses jambes, Toni, mais maintenant qu’elle le constate, elle se sent légèrement embrumée. Elle n’est pas saoule, loin de là, seulement un peu réchauffée, rien de plus.

« Je savais pas que tu avais un groupe. Vous êtes vraiment doués, j'ai adorée. » Elle sourit, plus que nécessaire. C’est alcool qui prend légèrement possession de son cerveau. Si elle est intuitive et pourvu de ce sixième sens surdéveloppé, elle n’avait pas cernée que le beau Kellan pouvait être musicien. Quand elle y songe, ça concorde parfaitement, mais elle n’y avait pas songé avant. « Tu veux un verre ? » Elle a remarqué la sueur qui perle sur son visage, sur son corps. Il a chaud et c’est bien normal. Il doit crever d’envie de boire quelque chose, une bière, du whisky, de l’eau peut-être. Elle n’attend pas sa réponse et lui saisit la main, l’entrainant vers le bar. Ça lui permet d’arrêter de sentir le regard lourd d’Archer sur elle. Il la connait bien, il sait que Kellan lui plait et Archer, il déteste ça, il déteste cette sensation. Toni, elle déteste infliger ça à son ami, mais elle ne ressent rien pour lui, excepté cette amitié et cette forte attirance physique, ça ne va pas au de-là de ça et ça le tue lui, elle le sait. C’est pourquoi elle s’éloigne avec Kellan, parce qu’elle sent ses trois paires de yeux rivés sur elle avec insistance. Elle doit s’éloigner d’eux pour quelques minutes, c’est nécessaire. Elle a un peu trop bu, Toni et elle commence à en ressentir les effets, mais ce n'est rien d'excessif, rien de trop. Seulement la tête qui tourne légèrement, le besoin de se retenir auprès de Kellan pour ne pas trébucher et la gêne qui s'envole complètement.