Tu avais promis. Promis de revenir. Tu ne savais toujours pas si tout cela était une bonne idée mais tu allais y aller, parce que tu tenais tes promesses. April Robbins. La brigade des mœurs, le souvenir de ces années d’enfer que tu avais vécu. Ces années où tu n’étais pas toi-même, ces années où tu t’étais perdue, ces années irrémédiables. Ces années marquées en toi et qui ne disparaîtront jamais, quoi que tu fasses. Le temps était passé depuis… Tu avais retrouvé le métier qui te faisait vibrer, tu étais redevenue blonde, tu avais mis au feu tous les vêtements que tu portais, chaque soir, à cette période mais au fond de toi, malgré ton sourire de façade, malgré tout ce que tu faisais, toutes les causes dans lesquelles tu t’engageais à deux-cent pour cent pour ne pas que d’autres jeunes tombent dans le même piège que toi, tu avais toujours mal… Les cauchemars ne te quittaient plus, la sensation de ces mains sur ton corps te revenait parfois et te faisait faire des crises d’angoisse. Mais cela, personne ne le savait. Tu ne voulais pas le dire, même à ton psychologue… Te montrer forte était ta seule priorité… Il y a quelques jours, après plusieurs semaines de « guet », tu t’étais enfin décidée, à aborder cette fameuse April. Elle aurait pu t’arrêter cette nuit-là, pour détention de drogue mais aussi pour ton activité… Elle ne l’avait pas fait… Elle t’avait regardée, avec ce regard perçant, ce regard que tu n’avais pas oublié… Et tu t’étais souvenue d’elle, plusieurs années en arrière… Ce jour où elle était venue à l’hôpital, couverte de bleus, tu n’étais alors qu’une stagiaire… Tu te rappelais à quel point tu t’étais sentie impuissante… Pourquoi tenais-tu tant à venir la remercier, à lui montrer que tu t’en étais sortie ? Tu n’en savais rien… Peut-être parce que tu savais qu’elle avait joué sa carrière à te laisser repartir comme ça ce soir-là… Ça te faisait du mal de repenser à tout cela, ça te ferait sans doute mal jusqu’à la fin de ta vie… Peut-être l’avais-tu bien mérité au final ? Tu avais tellement honte… Tu ne voulais plus t’attacher à quiconque ou plutôt plus que personne ne s’attache à toi… Tu ne méritais pas… Mais tu avais peur, et cette peur, cette angoisse immense qui t’habitait, tu ne pouvais la confier à personne. Qui comprendrait ? Tu étais angoissée dès que tu sortais de chez toi, angoissée de croiser celui qui avait été ton mac, celui que tu avais abandonné du jour au lendemain, sans rien dire. Disparue, en un claquement de doigt. Tu imaginais la rage dans laquelle tu avais dû le mettre. Il devait te détester d’autant plus qu’il avait plusieurs clients de prévus pour toi à cette époque. Combien d’argent lui avais-tu fait perdre ? Tu n’en savais rien… Mais tu avais peur qu’il veuille se venger pour cela… Tu savais qu’il te reconnaîtrait, même malgré ta métamorphose… Alors, dans les rues, tu ne cessais de regarder, à droite, à gauche, devant et derrière toi… Tu étais effrayée… Tu aurais pu quitter Memphis, fuir mais pour aller où ? Certainement pas en Italie… Tu ne connaissais personne d’autre autre part et puis, comment trouver du travail ? Ici tu avais ton ange gardien… Sans lui, sans son soutien jamais tu ne te serais reconstruite, jamais tu n’aurais retrouvé cette flamme qui t’habitait… Tout cela avait nécessité un travail long et fastueux, des cures de désintoxication notamment mais tu y avais mis du tien… Tu te savais toujours fragile aujourd’hui, sans doute le serais-tu à tout jamais mais tu avais retrouvé un certain équilibre, grâce au travail… La pédiatrie te passionnait… Tu n’avais pas peur de faire des heures supplémentaires… Au contraire… C’était le seul endroit où tu pensais un peu moins au désastre qu’avait été ta vie… Tu savais que dès que tu rentrais chez toi, les idées noires te reprenaient… Et de ça, tu ne voulais en parler à personne… Au travail au moins, tu te cachais derrière ta blouse, tu souriais et ça te donnait un peu de baume au cœur.

Ton cœur battait un peu plus vite au fur et à mesure que tu approchais de la brigade des mœurs… Tu étais vêtue d’une robe bleue et d’une paire de sandales. Tu avais peur… Peur qu’ils te forcent à porter plainte. Tu ne le voulais pas… Tu ne voulais pas qu’il te retrouve… Tu avais déjà assez peur quand tu témoignais, anonymement dans certaines associations… Alors porter plainte, il ne fallait même pas y penser… Tu entrais dans le bâtiment qui accueillait la brigade… Tu n’y étais jamais entrée auparavant… Tu n’étais pas vraiment en confiance… Tu approchais de l’accueil avant de demander : « Bonjour, je suis Ruby Agnesi. Je viens voir le lieutenant April Robbins… » Après quoi, tu patientais, ton cœur battant la chamade… 

Spoiler:

Tu n’étais pas très à l’aise ici. Pas du tout en réalité. Si tu t’étais écoutée, tu serais sans aucun doute repartie comme tu étais arrivée. Mais tu étais venue pour voir April… Tandis que tu patientais à l’entrée, tu croisais les doigts et priais pour que personne ne vienne te poser de questions, ne vienne te demander pourquoi tu étais là… Peut-être aurais-tu mieux fait de ne pas mettre cette robe, elle était bien trop voyante… Tu commençais sincèrement à regretter de ne pas avoir mis un simple jean avec un t-shirt fade… Toutes ces personnes en uniforme t’angoissaient… Tu revenais deux ans en arrière… Tu avais eu peur des policiers, peur qu’ils te remarquent… Tu n’avais pas peur pour toi… Tu avais peur de ce que ton mac te ferait subir si tu te faisais remarquer. Il avait le don de savoir t’humilier. Tu n’étais qu’un pantin entre ses mains. Une poupée gonflable. Tu ne ressentais plus rien… Le cocktail explosif de la drogue et de l’alcool mêlés avait fait des dégâts sur ton corps… Mais au moins il te permettait de vivre comme anesthésiée… Le jour, il te permettait de ne pas penser à tout ce que tu avais fait pendant la nuit ; la nuit, il te permettait de ne pas sentir… Tu repensais donc à tout cela, à cette peur qui montait en toi dès que tu voyais un policier à cette époque quand tu vis April approcher, un léger sourire aux lèvres. Tu lui rendis son sourire, de bon cœur… Tu ne lui avais pas demandé si elle se souvenait de toi, de ce jour où tu lui avais parlé aux urgences… Tu ne t’étais pas sentie de lui poser la question lors de votre première entrevue. A vrai dire, ce jour-là, votre conversation était restée très banale… Et puis ce soir aux urgences remontait à tellement loin… Mais tu te souvenais de ce soir-là, très clairement… Tu te souvenais de la rage que tu avais ressentie, tu avais refusé de te déclarer vaincue mais April t’avait clairement envoyé boulé. Tu avais repensé à elle quelques fois… Tu t’étais demandé si elle était enfin sortie de cet enfer… Elle semblait être heureuse dans son travail, tu l’avais sentie épanouie et ça te faisait plaisir… Tu te demandais quelle image tu lui renvoyais, toi… « Ça me fait plaisir aussi… de te voir »

Tu fus surprise quand elle passa une main dans ton dos pour te guider vers la salle de repos… Cependant, ça te rassurait… Tu avais l’impression d’être protégée, protégée de tous ces gens qui au fond t’effrayaient… April t’avait promis l’autre jour de te protéger... Tu n’aimais pas trop cette idée au fond de toi, parce que tu aimais te montrer forte mais là, c’était réellement rassurant… Tu étais certaine qu’avec elle, personne de cette brigade de viendrait t’opportuner avec des questions auxquelles tu ne voulais pas répondre. A l’invitation de la jeune femme brune, tu t’assis sur le sofa…  « Désolée, je ne suis pas très à l’aise ici… Ça fait remonter en moi pas mal de souvenirs… Mais je devais venir… » April posa devant toi une tasse de café fumante avant de s’asseoir en face de toi... Tu la revoyais encore l'autre jour, ce soir où elle avait failli perdre son boulot, pour toi... Où elle t'avait laissée partir alors que tu savais très bien qu'elle n'en avait pas le droit. Elle t’avait vu dans un sale état… Tu l’avais également vu dans un sale état mais tu ne savais pas si elle s’en souvenait… Tu la remerciais d’un sourire pour le café avant de répondre à ses questions : « Je ne veux pas te déranger tu sais… Je sais que tu es au boulot… Mais je ne sais pas à qui en parler… » Tu continuais, les yeux au sol, tu n’osais pas regarder April dans les yeux : « J’étais à un festival l’autre soir… Et il m’a semblé le voir… Je deviens folle April, dis-moi que je suis folle, que j’ai tout inventé… J’ai peur… Je n’arrête pas d’en faire des cauchemars depuis… » Tu osais la regarder un instant avant de continuer : « Mais ça va, ne t’inquiète pas… J’adore mon travail, je me reconstruis… Tout va bien… Et toi, comment vas-tu ? » Lui poser la question te brûlait les lèvres… Mais tu avais peur… Peur de la manière dont elle réagirait… Peur de faire remonter des mauvais souvenirs en elle, tu savais à quel point cela pouvait être destructeur. Mais tu devais savoir… Et tu ne réfléchissais pas toujours avant de parler, ce ne fut pas le cas, cette fois : « April… Je dois te poser une question… Est-ce qu’il te fait encore du mal ? » Dans ses yeux tu vis de la surprise, elle devait se demander comment tu savais cela… « Je me rappelle de toi, il y a plusieurs années, aux urgences… J’étais encore une stagiaire… Je n’ai jamais oublié… » Puis tu te rendis compte de la maladresse qui étais la tienne à ce moment précis, tu te repris donc : « Je suis désolée… Je n’aurais pas dû te demander ça… Je suis idiote… Oublie… »  

Spoiler:

Tu n’aimais pas cette sensation. Tu n’aimais pas te rendre compte qu’aux yeux d’April tu étais une ‘victime’ à protéger. Tu voulais être forte… C’est ce que tu étais aux yeux du monde, ce que tu étais dans ton boulot mais tes peurs te rattrapaient sans cesse, tu avais l’impression qu’elles étaient plus fortes que ta volonté… Et tu avais besoin d’en parler… Et tu n’avais qu’April pour ça, parce qu’elle te semblait être la seule capable de t’écouter, en tout professionnalisme, capable de t’écouter sans te juger. April te promis qu’elle allait s’assurer que ton mac serait hors d’état de nuire, à ce moment-là, tu décidais de lui faire part d’une autre de tes peurs : « Tu sais, j’ai peur qu’il fasse la même chose à d’autres jeunes femmes… J’aimerais pouvoir les sortir de là mais je ne suis pas assez courageuse… J’ai tellement peur de lui… C’est irrationnel je sais, mais c’est comme ça… »  Ensuite, tu attrapais la tasse de café devant toi et laissait tes lèvres tremper quelques instants dans le liquide encore chaud avant d’en boire une gorgée… C’est à ce moment-là que tu l’entendis répondre à ta question, avec une certaine agressivité… Tu manquais de t’étouffer. Pourquoi avais-tu posé cette question ? Tu devais apprendre à tourner ta langue sept fois dans ta bouche avant d’ouvrir la bouche. Tu eus un mouvement de recul en entendant le ton de la jeune femme… Tu n’osais plus la regarder dans les yeux… Pourtant, tu sentais dans le ton de sa voix que cela la faisait encore souffrir, quoi qu’elle puisse dire… Mais tu ne continuerais pas sur cette voie, tu avais compris, sujet sensible… Tu vis April se lever et tu eus peur qu’elle parte, peur qu’elle t’en veuille… Tu n’étais pas là pour qu’elle te déteste, tu étais là pour la remercier, pour la remercier et pour lui montrer que tu allais bien, que tu t’en sortais, tu ne savais pas pourquoi tu avais tant envie de faire tes preuves à ses yeux, peut-être parce que son regard ce soir-là t’avait marquée, à tout jamais… Quelques secondes plus tard, elle vint se rassoir en face de toi, tu hochais la tête à ses paroles… Tu avais compris, tu ne referais pas la stupide, tu n’aborderais plus le sujet. Tu avais compris la leçon.

Tu ne t’attendais certainement pas à ce qu’allait te proposer la jeune femme brune dans la suite de votre entrevue… Tu croisais de nouveau les yeux bleus de cette dernière, osant un petit sourire. Ses yeux étaient vraiment beaux… Tu avais toujours aimé les yeux bleus en fait, tu avais le don de t’y perdre… Peut-être que cela te rappelait les yeux clairs de Gemma… Elle te manquait tellement… Ta vie était un désastre… Tu te demandais bien ce que penserait celle que tu considérais comme une petite sœur de tout cela… Sans doute serait-elle dégoûtée… Elle aurait bien raison… Toi-même était dégoûtée, tu avais terriblement honte… Tu manquais de t’étouffer de nouveau en voyant April te tendre le double de ses clés… Tu ne pouvais pas accepter… Tu commençais donc à riposter : « April, non… Je ne peux pas… Je vais bien, je t’assure et puis, je ne peux pas laisser mon chat seul… Et surtout, je ne veux pas m’imposer et je ne veux pas que quelqu’un puisse être témoin de mes crises d’angoisse et de mes cauchemars… » Cependant, les paroles qu’elle avait prononcée arrivèrent petit à petit à ton cerveau, à retardement… « Sinon je t'oblige à porter plainte. » Tu plongeais tes yeux dans ceux d’April… Tu étais persuadée que c’était une très mauvaise idée… Mais elle ne semblait pas vouloir te laisser le choix… Tu finis donc par attraper la clé ne sachant pas trop ce que tu ressentais à ce moment. Tu pris la parole : « A une condition… Je veux payer ma part, tu m’entends ? Il est hors de question que je vienne m’installer gratuitement… Je veux aider : financièrement, pour faire les courses, pour cuisiner… Comme tu veux mais ce n’est pas négociable…  Et je suis de garde ce soir… Je fais un remplacement…» Et tu étais du genre à camper sur tes positions… Il était hors de question que tu démordes de cela d’ailleurs… Quand tu été invitée chez quelqu’un, pour un repas, pour une après-midi ou une soirée, tu ne venais jamais les mains-vides, c’était plus fort que toi… De même, tu aimais apporter quelques sucreries à tes collègues de travail… Ça te faisait plaisir de faire plaisir, ça faisait partie de toi mais tu avais aussi le don de fuir et de mettre des barrières dès que tu pensais que quelqu’un s’attachait bien trop à toi… Tu ne voulais pas que les gens s’attachent à toi… Un point c’est tout.

April fit venir un officier et ton cœur ne put s’empêcher de battre un peu plus vite… Tu te sentais impuissante et tu n’aimais pas cette sensation… Tu devais suivre cet officier ? Tyler l’avait-elle appelé… Tu n’avais pas confiance, tu le regardais avec de gros yeux, sur tes gardes… Tu vis April sortir, te laissant en plan… Tu te levais, la voyant sortir de ta vue et dis : « April, attends ! » Une immense peur monta alors en toi… Et si ce Tyler te posait des questions ? Tu n’étais pas sûre de savoir comment y répondre… Tu en fis donc part à April en faisant en sorte que personne ne puisse t’entendre : « Et s’il me pose des questions, je fais quoi ? »

April ne t’avait pas laissé le choix… Tu t’étais retrouvée avec cette clé dans les mains sans savoir ni comment, ni pourquoi, ni même si c’était une bonne idée… Mais April était partie, sans manquer auparavant de te rassurer ce qui n’avait pas forcément marché. Tu t’étais alors retrouvée avec Tyler qui t’avait amenée chez toi… Il ne t’avait pas quitté d’une semelle… Tu t’étais donc dépêchée de préparer quelques affaires, tu pourrais toujours revenir en cas de besoin ; en réalité, tu ne voulais pas faire perdre de temps au jeune homme. Tu avais donc rassemblés à la hâte quelques vêtements et sous-vêtements ainsi que tes affaires de travail et des chaussures… Tu avas également embarqué quelques produits de beauté et d’hygiène et ta trousse de maquillage. Enfin tu avais amené ton ordinateur portable ainsi que quelques livres que tu lisais en ce moment, il était hors de question que tu stoppes cette activité qui te permettait de retrouver ton équilibre : celle de critique littéraire. Tu avais également laissé ton chat à une voisine en qui tu avais une entière confiance, tu ne voulais pas déboussoler l’animal avec trop de changements… Toi-même était déjà assez déboussolée comme cela, tu ne t’imaginais pas à quel point ton chat serait déboussolé, encore plus que toi si tu l’amenais… C’était mieux ainsi… Tu promis cependant de venir le voir régulièrement… Après tout, tout cela n’était que provisoire, tu retrouverais très rapidement ton appartement, ton nid, une fois que tu aurais réussi à persuader April que tu allais bien… Tyler te conduisit ensuite à l’appartement de cette dernière… Ton regard se posa alors sur une horloge… Il était dix-neuf heures passées. Tu devais te dépêcher, ta garde commençait dans une heure à peine et tu étais exténuée… Tu avais besoin de sommeil… L’appartement d’April était réellement immense, c’était un réel palace par rapport au tien… Tu ne parvenais pas à te faire à l’idée que tu allais vivre ici… Tu n’osais pas entrer dans les chambres alors tu décidais de laisser tes affaires dans un coin avant d’attraper ton sac de travail et de repartir…

Tu pris la direction de l’hôpital, en trottinant pour ne pas être en retard… Tu détestais être en retard… Tu t’arrêtais cependant en chemin pour acheter un café… Tu avais désespérément besoin de caféine sinon tu ne tiendrais pas la nuit… Tu arrivais sur ton lieu de travail pile à l’heure, tu courus aux vestiaires pour te changer et attacher tes cheveux d’une manière un peu désordonnée mais ça ferait tout à fait l’affaire puis tu rejoignis le service de néonatalogie. Tu avais toujours été passionnée par la néonatalogie, par les prématurés. C’était un service que tu aimais beaucoup, surtout la nuit… Un service où tu t’épanouissait toujours… Tu avais hâte de commencer ta garde d’autant plus que ce soir-là, tu travaillais avec un médecin pédiatre que tu appréciais énormément… La garde fut plutôt tranquille par rapport à d’autres nuits… Il n’y eut pas d’urgence… C’était un vrai bonheur de travailler dans cette ambiance. Tu ne savais pas pourquoi mais tu appréciais énormément le travail de nuit, il régnait toujours une ambiance un peu spéciale dans les couloirs de l’hôpital la nuit, une ambiance que tu ne retrouvais jamais aux autres moments de la journée. Il était six heures quand tu quittais le service… Le médecin avec lequel tu avais travaillé cette nuit-là te demanda : « Ruby, vous m’avez l’air épuisée. Voulez-vous que je vous raccompagne ? » Tu lui répondis : « Ça va aller, docteur Henderson mais je vous remercie… J’ai l’habitude de faire le chemin à pieds… » « Très bien mais faites attention à vous et reposez-vous surtout, vous avez des cernes monumentales… »

Tu pris la direction de chez toi, marchant dans les rues d’une manière automatique. Tes pas te guidaient sans que tu ne t’en rendes réellement compte. C’est à moment que tu te souvins : l’appartement d’April… Tu lui avais dit la veille que vous vous verrez ce matin… Tu changeais donc de direction. Heureusement que tu connaissais bien Memphis et que tu avais repéré où se trouvait l’appartement de lieutenant -tu avais un sens de l’observation aiguisé-, autrement, tu te serais sans aucun doute perdue dans les rues… Tu décidais de t’arrêter au passage à une boulangerie pour acheter de quoi petit-déjeuner… Tu y tenais… Tu pris une baguette de pain frais et des croissants avant de reprendre ton chemin… Tu ne cessais de bailler… Ton élastique, attachant tes cheveux te faisait mal au crâne, tu le détachais donc d’une main avant de secouer un peu ta tête pour que ta crinière reprenne sa position naturelle. Tu parvins bientôt à l’appartement d’April. Tu ne t’attendais pas le moins du monde au spectacle qui t’attendait… Alors que tu ouvris la porte, tu tombais sur un spectacle qui manqua de te faire étouffer… Tu avais commencé par entendre des soupirs avant de voir April et une jeune femme en train de se déshabiller l’une l’autre… Bien entendu, aucune des femmes ne t’avait entendu entrer. Tu avais envie de rouvrir la porte et de repartir mais c’est à ce moment-là que tu croisais le regard de la blonde… Le docteur Evans, une chirurgienne cardio-thoracique avec laquelle tu avais déjà travaillé… Mais dans quoi t’étais-tu encore fourrée ? Tu étais incapable de dire quoi que ce soit… C’est à ce moment-là qu’April se retourna et que l’horreur te submergea quand tu vis son visage… Que lui était-il arrivé ? A ce moment-là, le docteur repartit sans même que tu ne t’en rendes vraiment compte, tu ne la vis même pas passer à tes côtés et te dire : « Bonjour mademoiselle Agnesi », tes yeux ne pouvaient quitter le visage d’April… Tu te fichais bien de l’avoir surprise dans une situation plutôt gênante, ça ne te dérangeait pas, après tout, c’était tout à fait naturel… Ce qui te dérangeait par contre, c’était son coquard à l’œil et ses plaies vraiment pas jolies. Tu te souvins alors ce qu’elle t’avait promis la veille, « mettre ton mac hors circuit » et si ces blessures avaient un rapport avec cela ? Tu ne pouvais pas supporter cette idée. April commença alors à se comporter comme si de rien n’était… Elle avait le don de ne pas laisser le choix aux gens et tu allais faire de même… Tu plantais tes yeux dans les siens même si c’était difficilement supportable pour toi au vu de son coquard tandis qu’elle buvait avant de dire : « Ne t’inquiètes pas, ça ne m’a pas dérangée, juste un peu… surprise…  Et non je n’ai pas dîné mais j’ai apporté de quoi petit déjeuner. » Tout en parlant, tu déposais le sac de croissants et la baguette sur le plan de travail avant de continuer : « Mais tout d’abord, tu vas aller t’asseoir et je ne te laisse pas le choix ! Je vais te nettoyer tes blessures mais va falloir que tu ailles à l’hôpital, ce n’est pas bien joli. » Tu allais cherchait des compresses dans tes affaires ainsi que du sérum physiologique, des pansements ainsi qu’une paire de gants avant de revenir vers April… Tu n’osais pas lui poser de questions, lui demandait comment cela c’était passé, tu avais peur de toucher encore un sujet sensible, comme la veille alors, tu ne dis rien… : « Ne bouge pas… » Tu commençais à nettoyer les blessures avec attention et douceur et protégeais ce que tu pouvais avec des pansements mais tu ne pouvais pas faire grand-chose d’autre, April devait aller à l’hôpital. : « Manges un peu, il faut que tu te mettes quelque chose dans l’estomac, ensuite, je t’amène à l’hôpital. Tu devrais appeler ton boulot car il est hors de question que t’y ailles comme ça. » Tu craignais de te prendre une gifle ou quelque chose du genre, tu avais vu à quel point April n’aimait pas se montrer faible, tu l’avais observé il y a déjà plusieurs années, ce jour où elle s’était présentée aux urgences. Mais cette fois, tu étais décidée à ne pas la laisser partir comme ça… Elle avait besoin de soins et ce n’était pas négociable… Tu étais certaine que tu pouvais te montrer persuasive, toi aussi… Même si tu étais épuisée… A vrai dire, la vue d’April blessée t’avait enlevé toute envie de dormir et puis, il fallait encore que tu déballes tes affaires. : « Promis, ce ne sera pas long… Je demanderais qu’on te prenne tout de suite… Je demanderais quelqu’un de compétent… Je connais les gens qui travaillent là-bas… »

Tu n’avais pas aimé apprendre que ce n’était pas la première fois qu’April se trouvait dans cet état… Tu ne supportais pas de savoir que son si beau visage avait déjà été ravagé ainsi plusieurs fois… Car oui, son visage était beau. April était belle. Elle était grande, brune, avait de magnifiques yeux bleus, il n’était pas étonnant qu’elle attire les regards, des hommes comme des femmes, cela ne t’étonnait pas le moins du monde. Tu te demandais si elle était ‘en couple’ avec le Docteur Evans mais il était hors de question que tu poses ce genre de questions, ça te paraîtrait complètement déplacé… déplacé et gênant qui plus est… Et puis, tu n’avais pas à te mêler de la vie privée d’April même si dorénavant tu vivais dans son appartement… Tu savais que tu n’aimerais pas qu’elle se mêle de la tienne mais à ce sujet, il n’y avait pas vraiment de risques… Disons qu’en ce moment, ta vie privée se résumait au néant… Elle était ridicule depuis que tu étais sortie de l’enfer… Tu étais incapable d’ouvrir ton cœur, incapable de faire confiance, incapable de penser mériter d’être aimée un jour… Par contre, tu étais terriblement gênée, terriblement gênée à l’idée de ce que pourrait penser le docteur Evans. Allait-elle penser que tu étais avec April ou quelque chose du genre ? Ce qui n’était bien sûr pas le cas… Tu n’avais jamais été attirée par les femmes… En fait, tu ne t’étais jamais réellement posé la question… La seule personne que tu n’aies jamais aimée a été Mason… Lui qui t’a brisé le cœur… Donc pour toi, l’image de l’homme idéal restait la sienne : brun aux yeux clairs avec de bonnes manières… Tu secouais la tête pour ne plus penser à ça… Tu devais t’occuper d’April. Quand tu t’apprêtais à aller jeter le matériel que tu avais utilisé, tu sentis la main de cette dernière attraper la tienne, t’obligeant à venir lui faire face… Vos corps n’étaient séparés que par quelques centimètres… Tu ne parvenais pas à la quitter des yeux… Elle s’éloigna bientôt, te laissant en plan, ne sachant plus trop quoi faire… Elle revint cependant quelques secondes plus tard à peine avec du fil et une aiguille entre les mains… Tu secouais la tête avant de lui dire : « Je ne peux pas faire ça April… Et si je le fais mal ? Si ça s’infecte ? Je ne me le pardonnerai jamais » Mais les supplications d’April avaient fini par avoir raison de ta réticence. « D’accord, je vais le faire… Rassieds-toi… Et April : tu n’as pas besoin de me protéger, tu sais… Je ne suis pas une petite fille fragile…»

Tu stérilisais l’aiguille avant de commencer à faire les points… Tu n’en avais jamais fait sans médecin… Ta main tremblait… Tu respirais une fois deux fois avant de déclarer : « Allez, c’est parti » Puis tu commençais… April ne bronchait pas cependant, tu sentais qu’elle serrait les mâchoires pour ne pas crier… Tu avais envie de poser ta main sur la sienne, pour la rassurer mais tu n’avais que deux mains… Et tu avais besoin de tes deux mains pour faire ces points… Heureusement qu’il n’y en avait pas beaucoup à faire… Ils étaient jolis… Tu posais le fil et l’aiguille avant de prendre entre tes mains celles d’April, tu lui souris doucement : « Voilà… C’est fini… Ça va ? Je crois qu’ils sont plutôt jolis… Allez va te reposer un peu, tu ne tiendras pas la journée sinon… Je prépare le petit déjeuner… »

Tu préparais joliment les croissants avant de faire un saut à l’épicerie pour chercher de la confiture et du beurre… Tu coupais également des tranches de pain et fit chauffer du café… Après quoi, tu allais te poser quelques instants sur le canapé… Tu avais terriblement mal au dos et à la nuque… C’était chronique en ce moment… Tu ne dormais pas assez… En réalité, tu avais peur de dormir, tu savais que sommeil rimait avec cauchemar pour toi… Tu ne te sentis cependant pas t’assoupir sur le canapé et tomber dans les bras de Morphée… Tu ne t’étais pas changée… Tu avais toujours ton jean et une chemise. Le cri de douleur d’April te fit sursauter et te réveiller… Tu sautais sur tes deux pieds pour faire réchauffer le café qui avait refroidi… Quelle idée avais-tu eu de le préparer aussi tôt ? Tu souris en entendant April te saluer : « Bonjour… Bien dormi ? Tu veux un peu de café ? » Tu l’entendis ensuite te dire ce que tu risquais si tu l’empêchais d’aller au travail… Tu hochais la tête… « J’ai compris, April… Tu as gagné. Mais tu n’as pas intérêt à revenir dans le même état ce soir d’accord ? » Alors qu’elle allait prendre sa douche, tu continuais ton petit déjeuner… Tu en profitais également pour commencer à débarrasser et pour réfléchir à la proposition de soirée entre filles qu’elle t’avait proposé. Cette idée t’enchantait… Mais tu ne voulais pas non plus t’imposer dans la vie de cette dernière. Tu t’en voulais déjà assez d’avoir gâché son moment d’intimité au petit matin. Alors qu’elle revenait, vêtue de ses vêtements de ville, tu lui souris et déclarait : « Ça serait avec plaisir pour cette soirée entre filles mais je ne voudrais pas t’obliger… Tu sais je comprendrais très bien que tu préfères finir ce que tu as commencé avec… le docteur Evans… Mais autrement, je pourrais très bien nous cuisiner quelque chose… Tu aimes la cuisine italienne ? Par contre, je crois qu’en tout premier lieu, il faudra que je dorme un peu et que je déballe mes affaires…»

Une fois April partie au travail, tu t’étais sentie un peu déboussolée… Tu n’osais pas partir à la découverte de ton nouveau chez toi… Mais April te l’avait ordonné… Alors tu pris sur toi et tu entrains dans la chambre d’ami… Tu y installais même tes affaires avant de t’affaler sur le lit sans même quitter tes vêtements… En réalité, tu étais en train de t’endormir debout… Tu ne te réveillais que plusieurs heures plus tard. Tu n’avais pas prévu de dormir aussi longtemps. Il était passé midi et tu avais beaucoup à faire. Tu te levais donc sans tarder et partit te nettoyer un peu le visage à l’eau froide histoire de te réveiller avant de descendre à l’épicerie d’en bas pour acheter tout ce qui te serait nécessaire pour préparer des spaghettis et une petite salade ainsi qu’un tiramisu…  Tu tenais à faire les choses en grand, pour remercier April, c’était la moindre des choses. Une fois rentrée de nouveau dans l’appartement, tu quittais tes vêtements pour enfiler quelque chose de plus confortable : un short et un vieux t-shirt, tu avais besoin d’être habillée confortablement pour cuisiner… Tu te rappelais soudain que tu avais promis à April de l’appeler… C’est ce que tu fis donc, assurant à cette dernière que tout allait pour le mieux. Une fois ceci fait, tu t’attelais à la cuisine. Il te fut difficile de te faire à l’agencement de la cuisine d’April… Nombre de fois tu te trompais de tiroir, du chercher à deux, trois, quatre fois avant de trouver ce qu’il te fallait… Mais tu finis par prendre un peu tes marques et surtout tu veillais à ne rien mettre en bazar, tu détestais le bazar. Des tas de souvenirs commençaient à te monter en tête. Des souvenirs qui remontaient à ton adolescence, à cette époque où tu passais d’excellents moments avec Gemma et avec sa mère… Tu adorais cuisiner avec la mère de Gemma… Tu adorais tout particulièrement ses tiramisus, un vrai régal, les tiens ne leurs arrivaient pas à la cheville… Ça te manquait… Tu avais fichu tout cela en l’air, sans qu’elles s’y attendent pour venir à Memphis… Tu ne te le pardonnerais jamais vraiment… Tu te rappelais aussi ces mois passés au restaurant Italien de la mère d’Aubrey, ta cousine… Elles qui t’avaient accueillie à Memphis, elles qui t’avaient guidée… Et tu avais disparu pendant deux années entières, dans la drogue, dans l’alcool, tu savais que la mère d’Aubrey avait des doutes, elle avait peur que tu puisses avoir une mauvaise influence sur Aubrey… Aubrey était devenue comme une sœur pour toi… Mais tu étais d’accord avec sa mère, peut-être bien que tu n’étais pas quelqu’un de bien pour elle, peut-être qu’il fallait que tu t’éloignes d’elle… Tu refusais de pouvoir être la cause de son malheur, de pouvoir faire quelque chose de travers… Ces deux années t’avaient fait perdre toute confiance en toi… Il y a un seul domaine dans lequel tu étais parvenue à te retrouver, à t’épanouir de nouveau : ton métier.

Les bonnes odeurs commençaient à remplir la pièce… Un sourire naquit sur tes lèvres… Cela faisait bien longtemps que tu n’avais plus pris à un tel plaisir à cuisiner… Tu ne cuisinais plus à vrai dire ces derniers temps, à quoi bon ? Aucun intérêt de cuisiner pour toi… C’était bien plus intéressant quand tu avais des invités… Mais tu n’avais plus d’invités depuis bien longtemps… Alors, maintenant que tu avais l’opportunité de faire plaisir à quelqu’un, tu étais bien décidée à te faire plaisir toi aussi et ton plaisir, tu le trouvais dans la cuisine… Tu étais de bonne humeur, tu ne pensais à rien d’autre… Ça te faisait du bien… Tu refusais de l’admettre ouvertement mais tu faisais confiance à April… Tu étais méfiante de nature, jamais oh non jamais tu n’aurais pensé venir comme ça t’installer chez quelqu’un, sans réfléchir… Certes, April t’avait un peu forcé la main mais tu ne regrettais pas au final… Tu n’aimais pas trop cette sensation d’être sa protégée, d’être considérée comme fragile… Mais tu n’avais pas l’impression de pouvoir y faire grand-chose… Après tout, April t’avait vu dans un sale état… En tous les cas, tu l’admirais… Tu admirais son caractère, tu étais heureuse également d’apprendre qu’elle s’était séparée de son mari et tu lui souhaitais tout le bonheur du monde parce qu’elle le méritait, amplement… Tu avais entendu qu’elle couchait, à droite, à gauche… Tu comprenais au fond… Et puis, tu n’avais aucun droit de la juger… C’était peut-être sa manière de se défendre, sa manière d’essayer de trouver son équilibre… Après tout, la tienne avait bien été d’arrêter toute relation sexuelle… Ça t’effrayait… Tu avais essayé mais les souvenirs de ces nuits de prostitution te revenaient sans cesse en tête, enfonçant un peu plus le couteau qui était toujours planté profondément en toi…

Tandis que les spaghettis chauffaient, tu commençais à mettre la table… Autant, tu étais douée en cuisine, autant tu ne l’étais pas forcément en art de la table… Plier les serviettes en des formes originales, ce n’était pas ton truc… Tu décidais donc de faire dans la simplicité. Tu mis quand même un peu de couleurs car pour toi, l’Italie c’était la joie de vivre… Après quoi, tu finis les tiramisus que tu mis au frigo et la salade composée. Tu préparais également une sauce que tu ne mettrais qu’à la dernière minute… Tu décidais ensuite d’aller te préparer et de prendre une petite douche… Cette dernière te fit le plus grand bien… Ton dos et ta nuque te lançaient toujours… Peut-être devrais-tu consulter un kinésithérapeute ? Tu enfilais ensuite un short en jean et une petite chemise fleurie… Tu restais naturelle mais tu ne voulais tout de même pas rester en jogging… Tu devais faire bonne image à April, pour qu’elle sache que tu allais bien, que tu avais réussi à remonter la pente… Tu te maquillais légèrement et coiffais tes cheveux que tu laissas lâcher… Tu enfilais de nouveau ta paire de sandales avant de fignoler le repas… Il ne manquait plus qu’April dorénavant… Elle ne tarda pas… Tu l’entendis entrer et tu te dirigeais donc vers l’entrée, la trouvant affalée dans le canapé, une gigantesque boîte par terre, remplie de DVD. Tu la regardais avec des gros yeux. Bon sang, mais quelle idée de monter tous ces étages à pieds. Tu finis par déclarer, un peu sous le ton du reproche mais sans méchanceté, aucune : « April mais mon Dieu, tu aurais dû sonner, je serais venue t’aider… Tu sais, j’ai peut-être pas l’air mais j’ai de la force… Comment vont tes côtes ? Ta journée c’est bien passée ? » Cet effort avait sans aucun doute du raviver sa douleur… Elle s’approcha ensuite de la cuisine, attirée sans aucun doute par l’odeur et ne put s’empêcher de plonger un doigt dans la sauce pour les spaghettis… Tu souris avant de déclarer : « C’est l’heure de passer à table » en Italien, ne manquant pas de traduire immédiatement après… April t’embrassa sur la joue ce qui te fit sourire… Tu étais heureuse de lui faire plaisir… « Je suis Italienne en réalité… Ça fait longtemps que je n’ai pas cuisiné tout ça donc j’ai dû perdre un peu la main… J’espère que ça sera tout de même mangeable… » April transféra la table que tu avais mise au salon… Histoire que vous puissiez commencer dès maintenant la soirée fille, devant un bon film… Tu te servis un verre de limonade, tu ne touchais plus à l’alcool puis tu servis l’entrée avant de déclarer : « Je crois que le plus simple sera de tirer au sort le film… Je n’ai aucune culture cinématographique... En réalité, je suis bien plus livres que films… Je tiens un blog de critiques littéraires à mes heures perdues… » Tu plongeais alors ta main dans le carton en ressortant un DVD totalement au hasard : Titanic… Un classique que tu n’avais jamais vu et tu ne mentais pas… Tu le montrais à April avant de demander : « Ça te va ? Je vais t’avouer que je ne l’ai jamais vu, au grand dam de certaines de mes amies… » Tu rigolais à cette idée, en venant t’installer auprès d’April… Ça faisait bien trop longtemps que tu ne t’étais pas sentie d’aussi bonne humeur… Tu commençais alors à manger après avoir lancé un « Bon appétit » de manière joviale. Te calant au fond du canapé, tu ne pus t’empêcher de soupirer d’aise, ton dos semblait te remercier.

Tu avais passé une bonne soirée, une excellente soirée même… Il y avait tellement longtemps que ce n’était pas arrivé… En réalité, tu n’avais jamais vraiment eu l’habitude de ce genre de soirée à part avec Gemma et Aubrey. Mais ça te faisait du bien d’avoir aménagé chez April, tu ne pouvais le nier… Tu avais retrouvé le goût de la cuisine durant l’après-midi, maintenant du retrouvais celui de passer des soirées entre amies, en toute simplicité… Tu te retrouvais un peu toi-même, ce qui n’était pas possible dans ton appartement, rongée par la solitude et par les idées noires… Après être sortie de l’enfer, une fois l’emprise de la drogue et de l’alcool passée, toute la réalité de ces deux ans t’avait sauté à la figure. Tu avais tenté de mettre fin à tes jours… Tu avais volé des cachets à l’hôpital… Un cocktail explosif… C’était un appel au secours… Désespérée, tu avais fini par appeler ton ange gardien, tu avais déjà ingéré la moitié des cachets… Tu aurais pu y rester… Cela, personne ne le sait, personne à part ton ange gardien et ceux qui t’ont vue ce soir-là… Mais ils étaient peu, ton ange gardien avait fait en sorte que ça ne s’ébruite pas… Ce n’était pas très compliqué, en tant que chef de service… Jamais tu ne pourras le remercier comme tu le voudrais. Le remercier d’avoir traversé ces montagnes russes avec toi, avec bienveillance, te criant parfois même dessus pour te faire réagir quand il le fallait… Il a toujours su adopter la bonne posture avec toi, employer les bons mots… Tu lui faisais confiance comme à personne d’autre. Il n’a jamais été étouffant avec toi et aujourd’hui encore, tu sais qu’il veille sur toi d’un œil… Il te laisse vivre ta vie mais tu sais qu’il garde cet œil bienveillant envers toi, prêt à agir si tu rechutais… Et aujourd’hui, tu avais l’impression d’avoir retrouvé une place dans la société, tu adorais travailler en pédiatrie même si tu trouvais ce liseré rose sur ta blouse totalement ridicule mais tu t’y faisais après tout, tu n’avais pas le choix… Et c’était un « sacrifice » qui valait le coup, comparé aux minutes, aux heures de pur bonheur que tu passais avec les enfants, avec les bébés, chaque jour où tu travaillais… Ils t’apportaient de la joie à l’état brut…

Aidant April à débarrasser, tu l’avais remerciée une nouvelle fois, lui disant à quel point cette soirée avait été agréable puis tu étais allée te coucher, revêtant de nouveau ton vieux short et ton pull à manches longues, bien trop large pour toi mais qui faisait très bien l’affaire  en pyjama… Il était confortable comme un sweat et tu l’utilisais en pyjama depuis bien longtemps déjà… D’ailleurs, les lavages successifs avaient finir par délaver sa couleur bleue d’origine… Tu étais certaine que tu allais passer une bonne nuit… Comment pouvait-il en être autrement ? A bonne journée, bonne nuit n’est-ce pas ? Tu avais déjà hâte d’être au lendemain… Tu travaillais d’après-midi, jusqu’à vingt heures, dans ton service habituel… Tu avais tellement hâte de retrouver tous tes petits patients… Tu ne tardais pas à trouver le sommeil mais bientôt un horrible cauchemar t’assaillit… Tu rêvais toujours de la même chose mais là, une nouvelle personne y était intégrée : Gemma, ta petite « sœur » que tu avais retrouvé il y a très peu de temps… Tu imaginais qu’elle vivait la même chose que toi… Par ta faute… Que ton mac s’en prenait à elle pour se venger de toi… Tu te mis à hurler, à bouger sans même t’en rendre compte… Tu avais du mal à respirer… Les images ne voulaient plus quitter ton cerveau… Puis tu sentis des bras venir t’attraper, te secouer, dans un premier réflexe tu te débattis, hurlant de plus belle avant d’ouvrir les yeux et d’être éblouie par la lumière… C’est là que tu vis April… Tu ne voulais pas qu’elle soit spectatrice de ça… Tu savais que ça avait été une mauvaise idée de venir t’installer ici… Tu savais qu’elle allait être témoin de tes crises d’angoisse et tu ne le voulais pas… Elle te serra fort dans ses bras, te murmurant des mots rassurants et tu ne pus t’empêcher de fondre en larmes, toute tremblante… Tu te sentais affreusement ridicule… Tu voulais lui dire que ça allait, la rassurer, lui dire qu’elle ne devait pas s’inquiéter, que tu avais l’habitude mais aucun son ne parvint à sortir de ta bouche… April finit par te recoucher tendrement sur le matelas avant de venir se coucher auprès de toi… Tu te sentais mal à l’aise mais c’était rassurant… Tu te sentais en sécurité… Tu ne tardais pas à te rendormir, après avoir cependant mis quelques minutes pour reprendre une respiration normale. Tu essayais de penser à quelque chose d’agréable… Tu avais envie d’appeler Gemma dès ce soir mais ce n’était pas une heure pour l’appeler, elle te prendrait sûrement pour folle et puis tu ne voulais pas qu’elle fasse trop d’efforts comme elle était enceinte. Tu l’appellerais le lendemain, pour t’assurer que tout allait bien et surtout pour prévoir, enfin, d’un rendez-vous pour vous revoir.

Le reste de ta nuit fut tranquille. Tu fus réveillée par les rayons de soleil qui filtrait à travers les fenêtres… Ouvrant tes yeux, tu manquais d’hurler de panique en voyant quelqu’un à tes côtés avant de te rappeler des évènements de la nuit… Puis tu vis la manière dont tu étais installée et tu te rappelais soudainement la douleur qu’April avait aux côtes… Tu avais certainement du accentuer cette dernière… Tu te déplaçais donc rapidement, gênée avant de prendre la parole : « Bonjour April… Bien dormi ? Je suis désolée pour cette nuit… Tu aurais dû me réveiller… Tes côtes te font mal ? » Tu étais inquiète pour April, tu soupçonnais une fracture depuis la veille mais tu savais que la jeune femme ne voulait pas entendre parler de l’hôpital… Tu ne supportais cependant pas d’avoir été la cause de douleurs…  Tu finis par te lever après t’être étirée afin d’aller te débarbouiller un peu… Tes cheveux étaient toujours à tes yeux dans un état pitoyable au réveil… Tu pris une rapide douche, froide, comme à ton habitude afin de réveiller tes muscles puis tu enfilais une robe blanche… Tu ne portais que très rarement des pantalons, tu ne savais pas vraiment pourquoi, mais tu préférais toujours les jupes et les robes…

Tu retrouvais April dans la cuisine… Tu lui souris avant de plonger tes yeux dans les siens qui étaient tout simplement magnifiques… Tu finis par dire : « Merci… C’était horrible… Je n’avais jamais eu un tel cauchemar… Il s’en prenait à ma sœur… Je n’aime pas l’idée qu’elle soit venue aux États-Unis pour me retrouver… Elle était bien plus en sécurité en Italie… » et en même temps, tu attrapais une de ses mains entre les tiennes en ne la quittant pas des yeux… Tu n’arrivais pas à la quitter des yeux, ses beaux yeux bleus avaient le don de t’ »hypnotiser » Tu lui étais vraiment reconnaissante… Après quoi, tu secouais la tête, décidée à clore le sujet et tu l’aidais à préparer le petit déjeuner. « Si tu veux j’irais faire les courses ce matin… Je ne travaille pas avant treize heures trente… » Tu pensais également que tu en profiterais également pour faire un petit saut pour voir ton chat. Tu continuais ensuite, n’ayant pas oublié ce que la jeune femme t’avait dit la veille : « Et puis tu pourras remercier ton meilleur ami pour le compliment sur les points… Ça me fait plaisir… Je n’en avais jamais fait de manière ‘autonome’…  D'ailleurs, tu veux que je refasse tes pansements ? » Tu pensais ensuite à ce que t’avais dit April la veille par rapport au docteur Evans… Tu ne voulais certainement qu’elle se sente gênée par toi dans sa vie intime… « Tu sais si tu as besoin… d’intimité, n’hésite pas à me le dire, April… Je ne veux pas que tu te sentes… gênée ou je ne sais quoi… » Tu te sentais bien avec April en réalité, tu ne savais pas comment l’expliquer… Jamais oh non jamais tu n’aurais imaginé pouvoir te confier aussi facilement à quelqu’un…

Tu ne comprenais pas. Tu ne comprenais pas comment tu faisais pour te sentir aussi naturellement comme chez toi dans l’appartement d’April. Tu ne comprenais pas non plus comment il se faisait que tu te sentes si à l’aise avec elle, toi qui d’habitude était des plus méfiantes et quelque peu asociale également… Il faut dire que tu étais plutôt du genre à faire fuir les gens… Tu aimais ta solitude… Tu refusais de risquer de faire du mal à quiconque. Mais tout était terriblement naturel entre toi et April et ça te faisait peur… Parce que tu n’aimais pas que les gens s’attachent à toi… Tu étais plutôt du genre à fuir quand tu te rendais compte de ce genre de choses mais tu n’avais pas envie de fuir April, parce qu’elle te faisait du bien et qu’elle venait tout juste de te dire que tu lui faisais du bien également… Elle avait également abordé ses propres crises d’angoisse, chose à laquelle tu ne t’étais pas attendue le moins du monde… Tu ne savais pas ce qui se jouait là, tu n’étais pas forcément douée en relations sociales mais tu n’avais pas envie de fuir même si ta raison te le criait… Alors que vous abordiez la question des blessures d’April, une drôle de sensation monta en toi… Tu ne sus l’expliquer mais tu avais peur, peur qu’April ne néglige sa douleur ou son état de santé… Tu avais peur qu’il lui arrive malheur… Peut-être que toi aussi tu ressentais un certain sentiment de protection envers elle ? Tu finis donc par dire : « D’accord. Tu me dirais du coup et ne t’inquiètes pas, je ne me sentirai forcée de rien, ce sera même avec plaisir… » Tu laissais passer un silence avant de continuer, le plus sérieusement du monde possible : « April ? Promets-moi de me dire si tu as mal quelque part d’accord ? Je te promets que je ne t’amènerai pas à l’hôpital mais peut être que je pourrais faire quelque chose… » Tu refusais de savoir qu’elle pouvait avoir mal… Les yeux d’April te troublaient, tu ne savais pas pourquoi… Tu les trouvais terriblement beaux, tu aurais été capable de les admirer des heures durant… April était belle, elle rayonnait d’une certaine force intérieure, malgré les épreuves que la vie lui avait infligées. Peut-être que tout cela n’était qu’une carapace mais au fond de toi, tu aurais aimé pouvoir lui ressembler. Quelques minutes plus tard, tu fus forcée de détacher tes yeux de ceux de la brune qui s’en alla répondre au téléphone… Quelques minutes plus tard encore, ou peut-être quelques secondes, la brune quitta l’appartement, appelée par son travail…

Tu profitas de la matinée pour faire quelques courses, comme promis… De quoi préparer de bon petits plats quand tu en aurais l’occasion… Tu aimais voir April sourire… Si tu pouvais lui faire plaisir alors, tu le faisais de bon cœur… De retour à l’appartement, tu rangeais tout correctement dans les placards et dans le frigo et tu te préparais une petite salade à manger pour le midi… Après quoi, tu allais finir de t’apprêter et partit en direction de l’hôpital, le cœur léger comme rarement auparavant… Le début d’après-midi passa très rapidement, tu avais le sourire aux lèvres, un sourire qui refusait de te quitter… Les enfants te mettaient de bonne humeur, même avec la maladie, ils étaient tellement plein de vie… Et peut-être bien qu’au fond, April était un peu pour quelque chose dans ton sourire… Pour une fois, tu n’appréhendais pas de rentrer chez toi… En milieu d’après-midi, tu pris une petite pause et en profitais pour aller prendre un peu l’air… C’est à moment-là que tu la vis, allongée sur ce brancard, poussée par des ambulanciers en panique… Tu l’avais reconnue à ses vêtements et aux policiers qui la suivaient : April. Mais que s’était-il passé. Ni une ni deux, tu passais par le chemin interne pour rejoindre les urgences… Ton cœur battait à tout va… Tu ne supporterais pas qu’il lui arrive quelque chose… « Que s'est il passé ? » A ta réponse, tu ne retins qu’un seul mot : fusillade. Tout le monde savait que tu n’avais rien à faire ici, tu avais la blouse au liseré rose, celle réservée aux personnel des services pédiatriques mais il était tout simplement hors de question que tu partes d’ici… April fut amenée dans un box, les deux hommes qui l’accompagnaient obligés de rester à l’extérieur… Tu croisais leurs regard un instant… Tu savais que Tyler devait t’avoir reconnu… Tu pris des gants et appuyais sur l’hémorragie tentant de la stopper en vain… « Mademoiselle Agnesi, sortez d’ici, retournez dans votre service… Je vous promets que l’on va s’occuper d’elle… » « Il en est hors de question… Vous ne me chasserez pas… (…) April ? April, tu m’entends ? C’est Ruby, accroches-toi s’il te plaît, j’ai besoin de toi et tes coéquipiers aussi… On va s’occuper de toi, promis mais accroches-toi... » La blessure n’était pas belle, la balles semblait s’être fichée tout prêt du cœur… Les constantes d’April semblaient être stables mais il fallait l’emmener au bloc… C’est à ce moment-là que tu vis arriver le docteur Evans, elle te regarda, elle regarda April et sa blessure, préoccupante avant de dire : « On l’amène au bloc, tout de suite » Et c’est ainsi qu’on te laissa en plan, emmenant le brancard d’April… Le docteur Evans revint un instant vers toi avant de dire : « Je m’occupe d’elle... Ça va aller, d’accord, vous me faites confiance, Ruby ?  Retournez travailler, je viendrais vous voir, promis… » Tu hochais la tête et tu la remerciais avant de rejoindre le service d’hépatologie pédiatrique… Tu ne t’arrêtais pas à proximité des policiers, tu n’avais pas la force de leur parler… Tu t’arrêtais dans un couloir un peu plus loin et te pris la tête entre les mains… Tu avais envie de frapper contre quelque chose… Tu respirais, une fois, deux fois, il fallait que tu chasses tout ça de ta tête, que tu en fasses abstraction, maintenant, ce qui comptait c’était que les petits humains avaient besoin de toi…

Une fois ta journée finie, tu rejoignis le service de cardiologie où April avait été transférée… Tu ne pris même pas le temps de quitter ta blouse… Tu devais aller la voir… Tu vis l’un des hommes qui la veillait encore… Tu t’approchais avant de lui dire : « Rentrez chez vous, allez-vous reposer… Je vais la veiller… Vous pouvez compter sur moi… Il n’arrivera rien… Je m’appelle Ruby… » Il ne te posa pas plus de questions… Ce n’était sans doute ni le lieu, ni le moment, tu essayais de lui sourire, te voulant rassurante… Tu pris sa place venant attraper la main d’April dans la tienne… Quelques instants plus tard, c’est le docteur Evans qui entra dans la chambre… Tu lui demandas : « Comment ça s’est passé ? » « L’opération s’est bien passée… Les tissus cardiaques n’ont pas été touchés mais il s’en est fallu de peu… Elle a perdu beaucoup de sang mais on l'a transfusée mais elle va s’en remettre… » Elle s’approcha de toi avant de te chuchoter : « Ruby… Pour hier soir… » Tu la coupais avant de dire : « Il n’y a rien entre April et moi c’est juste… une amie… Je ne la connais que depuis peu de temps en réalité… Mais elle compte beaucoup pour moi...» Le docteur Evans quitta la chambre en hochant la tête : « Je reviendrais demain… Bonne nuit, Ruby » « Merci pour tout, docteur Evans…» Tu ne lâchais pas la main d’April, tu osais même venir déposer un baiser sur son front… Il fallait qu’elle se réveille… Elle semblait si tranquille… Rien à voir avec la tempête qui bouillonnait en toi… Tu avais sommeil mais il était hors de question que tu te laisses emporter par les bras de Morphée… Tu avais promis de veiller… Tu te levais et finis par venir chuchoter à l’oreille d’April : « Je sais que tu détestes les hôpitaux alors maintenant, il faut que tu te réveilles… Comme ça, tu pourras rentrer chez toi… D’accord ? Je te ramènerai chez toi et je prendrai soin de toi...»

Si seulement tu avais su… Su à quel moment April allait se réveiller, jamais tu ne serais allée chercher ce fichu café… Mais ton corps avait désespérément besoin de caféine… La journée et la nuit avaient été intenses, en travail tout d’abord mais également en émotions… Tu t’en étais voulue quand tu étais arrivée dans la chambre et que tu avais trouvé le docteur Evans et April en train de discuter… Tu ne sais pas vraiment pourquoi mais à ce moment-là, tu as envié le docteur Evans… Tu aurais voulu que ce moment, le réveil, soit le tien et celui d’April… Tu avais l’impression d’avoir veillé toute la nuit et d’avoir quitté le champ de bataille avant la victoire… Tu t’approchais quand même, croisant le docteur Evans qui te sourit avant de sortir de la chambre, ton cœur était partagé entre joie et regret… Tu souris à April… Tu t’installais tout près d’elle et elle prit ta main… Tu souris un peu plus avant de dire gentiment mais avec sérieux : « Ne me fais plus jamais une frayeur comme celle-ci… Oh et puis, j’ai signé une décharge pour que tu puisses sortir d’ici alors maintenant, tu vas êtres sous ma responsabilité alors hors de question que tu fasses une bêtise April, d’accord ? Tu vas rester tranquille, je serai là pour toi, et Jacob aussi, tu m’entends ? » Jacob était venu quelques minutes le matin-même, avant de partir au travail… Vous aviez parlé un peu… Il ne t’avait pas posé plus de questions que nécessaire mais votre entrevue s’était bien déroulée, du moins c’est l’impression que tu avais eue… Tu étais certaine que vous alliez vous serrer les coudes pour accompagner la convalescence d’April… Tu espérais intérieurement qu’April allait être la patiente parfaite que tu t’attendais à avoir mais tu savais pertinemment que tu allais avoir du fil à retordre avec elle… Mais tu savais avoir du caractère, quand il le fallait et il était tout bonnement impensable pour toi qu’elle puisse se mettre en danger… Tu chassais ces idées de ta tête avant de te concentrer de nouveau sur April. Tu serrais la main de cette dernière avant de lui dire : « De rien… » A ce moment-là, tu posais ta main libre sur sa joue, juste un instant, ne la quittant pas des yeux… Tu avais eu tellement peur… La pression commençait tout juste à retomber en toi…

Comme tu t’y attendais, le retour à domicile ne fut pas des plus faciles… April détestait cette sensation de surprotection que Jacob et toi aviez envers elle… Au fond, tu la comprenais mais tu ne pouvais tout simplement pas te comporter autrement… Elle avait besoin de soins… Elle avait besoin de repos. Un point c’est tout… Et puis, elle était sous ta responsabilité alors il t’était tout simplement impossible de concevoir qu’il puisse lui arriver quelque chose… Tu allais veiller sur elle jour et nuit, s’il le fallait… Tu t’en fichais bien de manquer de sommeil ou de t’épuiser l’important était que la jeune femme brune ait une bonne convalescence et qu’elle reprenne de l’énergie… Tu avais même pris deux semaines de congés payés, avec le soutien du docteur Evans… Tu avais usé toutes les récupérations que tu avais mais ça en valait amplement le coup… Tu cuisinais de bon petits plats à April, tu lui faisais ses pansements, tu faisais le ménage… Bref, tu faisais tout ce que tu pouvais… Mais tu lui laissais tout de même une part d’autonomie, tu savais que c’était important… Tant qu’elle ne se mettait pas en danger, ça t’allait… Les plaies évoluaient bien… Mais ce qui t’inquiétais plus c’était la douleur d’April… Tu n’aimais pas la voir grimacer, tu n’aimais pas la sentir frissonner sous tes doigts quand tu lui faisais ses pansements, frissons que tu prenais pour une réaction à la douleur… Alors tu essayais de faire les pansements avec le plus de douceur possible… D’ailleurs, en parlant de pansements, tu n’allais pas tarder à manquer de matériel… Il fallait absolument que tu ailles te re-fournir sinon tu allais en manquer pour la prochaine réfection… Une fois les pansements terminés, tu laissas April se rhabiller avant de venir te placer devant elle. Tu lui pris les mains et lui dis : « Tu es courageuse… Et je ne me sens redevable de rien… Il est hors de question que tu fasses ces pansements seule, d’accord ? Ça ne me prend que quelques minutes et au moins je peux évaluer l’évolution des plaies… Ça t’évite de retourner à l’hôpital au moins… Je sais que tu détestes ça…» Tu vins déposer un baiser sur son front, le premier que tu lui faisais, le dernier ayant été fait alors qu’elle était inconsciente… Tu ne savais pas pourquoi tu t’attachais autant à April… « Je vais te laisser quelques instants avec ton meilleur cet après-midi… Je dois aller refaire le plein de matériel médical pour les pansements et je vais faire quelques courses par la même occasion… Pas de bêtises, d’accord ? » De toute façon, tu savais que Jacob ne lui laisserai pas se mettre en danger… Il était surprotecteur, peut-être encore plus que toi... Tu veillais à laisser faire quelques petites choses à April, tu n’étais pas sûre que Jacob fasse de même en réalité mais c’était comme ça, les meilleurs amis… Au moins, ça te rassurait, tu savais que sous la protection de Jacob, April ne risquait rien. Tu préparais quelques biscuits dans une assiette et de quoi boire sur la table du salon, histoire que les deux amis passent un bon moment… Tu allais ensuite te préparer pour sortir, laissant April en train de lire un magazine. Tu enfilais une robe fleurie, en parfaite harmonie avec le printemps qui s’installait petit à petit… Tu revins rapidement auprès d’April et t’assis à ses côtés en attendant que Jacob arrive. Tu lui souris avant d’attraper sa main… Il était rare que tu sois aussi tactile avec quelqu’un… Tu ne comprenais pas pourquoi c’était ainsi avec April… Tu ne cherchais pas à comprendre… Ça te rendait heureuse, c’était le principal non ? « Je sais que tu détestes rester ici sans bouger… Mais promis, bientôt, tu pourras sortir profiter un peu du soleil mais pour ça, il faut que tu te tiennes tranquille pour l’instant. Avant d’avoir le feu vert du docteur… Tu sais, je dois lui faire un rapport tous les jours… Tu restes sa patiente… Heureusement qu’elle me fait confiance car sinon je crois que jamais tu ne serais rentrée… Le docteur Evans est du genre très méfiante et plutôt pessimiste de nature… Elle aime bien garder ses patients à l’hôpital jusqu’à être certaine que tout va bien… » Tu laissais passer un silence avant de continuer : « Et autrement… Tu as envie de faire quelque chose de spécial ce soir ? Tu veux regarder Star Wars ou quelque chose du genre ou autre chose ? Si quelque chose peut te faire plaisir et que c’est possible, je le ferai avec plaisir… Si tu veux je peux organiser une petite soirée avec tes amis ou n’importe quoi d’autre… » Tu souris. Tu étais absolument sincère en prononçant ces paroles…

Tu appréciais cette soirée. Tu appréciais faire connaissance avec les proches d’April… Tu appréciais un peu moins l’odeur de l’alcool qui régnait dans l’appartement, mais tu t’y faisais… Tu n’avais plus touché à l’alcool depuis que tu étais sortie de l’enfer de la prostitution, ni à la drogue… Tu avais horreur de ça, tu fuyais dès que tu en sentais l’odeur… En réalité, tu savais que pendant ces deux ans, tu étais devenue accroc, dépendante… Sortir de cette spirale avait été un véritable combat pour toi, il était hors de question que tu y retombes… Tu savais qu’il te suffirait d’une goutte… Pendant la soirée, tu passais donc parfois un peu par les toilettes ou par le balcon, pour reprendre de l’air, pour stopper cette odeur qui t’entêtait et qui te montait à la tête… A la place, tu buvais de la limonade… Et surtout, tu faisais en sorte qu’April ne remarque pas trop tes allers-retours… Elle discutait avec Jacob… Tu lui fis un sourire… Cette soirée semblait lui faire du bien et ça te faisait plaisir. Au moins, ça lui permettait de se changer un peu les idées, c’était une bonne chose. Tu étais fatiguée… Tu n’avais pas beaucoup dormi ces derniers jours ou plutôt, tu avais dormi par courtes séquences… Tu n’avais plus eu de crises d’angoisse… En réalité, tu faisais en sorte de ne jamais atteindre le sommeil paradoxal, le sommeil des rêves et des cauchemars… Tu ne voulais pas inquiéter April… Alors que la soirée avait commencé depuis plusieurs heures, tu commençais donc à bailler… Ton corps, ton métabolisme te rappelaient à l’ordre… Tu partis donc une nouvelle fois dans la salle de bain, cette fois pour te passer le visage sous l’eau froide, histoire de te réveiller… Tu en profitais également pour te refaire une petite beauté… Tu tenais à être présentable auprès des amis d’April, à faire bonne impression mais tu restais tout de même toi-même… Tu n’étais pas le genre de femme à te barbouiller le visage de maquillage… Tu préférais de loin le naturel… Ta routine de beauté se résumait donc la plupart du temps à un peu de blush, de rouge à lèvres (selon ton humeur), d’ombre à paupières et de mascara. Tu étais en train de remettre un peu d’ordre dans ta chevelure quand April arriva auprès de toi… Tu lui souris et écoutais avec attention ce qu’elle te disait… Ça te faisait du bien… De faire du bien à April… Toi qui depuis si longtemps évitait de t’attacher à quiconque de peur de ne lui apporter que du malheur. Tu te retrouvais toi-même, tu retrouvais cette part qui t’avait quittée depuis bien longtemps et que tu ne pensais pas retrouver un jour… Tu pris sa main dans la tienne avant de commencer à prendre la parole : « Tu n’as pas à me remer… » Mais April ne te laissa pas le temps de finir ta phrase…

Plongée dans les yeux de la brune, tu n’eus pas le temps de te rendre compte de ce qui se passait, de te rendre compte qu’April avait posé ses lèvres sur les tiennes… Tu étais incapable de bouger, incapable de penser à quoi que ce soit… Ce n’est que quand cette dernière s’éloigna de toi, après avoir prononcé des paroles d’excuse que tu revins sur terre… Les battements de ton cœur te brûlaient le thorax… Une nouvelle fois, tu passais ton visage sous l’eau froide avant de ressortir, de prendre congé de tous les invités, comme si de rien n’était puis de t’enfermer dans ta chambre… Là, tu t’assis sur le lit et tu te pris la tête entre tes mains… Tu n’avais rien vu venir… Tu devais partir, partir loin d’ici, loin d’April, tu refusais de risquer de lui faire du mal… Tu n’étais pas pour elle, elle méritait mieux que toi et surtout, jamais oh non jamais tu n’avais été attirée par une femme… Cependant, tu ne pouvais réfuter que ce baiser avait réveillé en toi des sensations que tu n’avais plus ressenties depuis longtemps… Mais tu ne pouvais pas prendre ce risque… Peut-être que ce dont April avait besoin, c’était un peu de sexe… Après tout, elle t’avait dit enchaîner les relations d’un soir ces derniers temps… Et puis, la dernière fois, tu les avais coupées dans leur élan, elle et le docteur Evans… Tu étais perdue… Complètement perdue…Tu avais besoin de sommeil. La nuit porte conseil… Tu te réveillas aux aurores, avant même que le soleil ne se soit levé avec une certitude : tu ne devais pas partir… Tu avais promis, promis à April que tu prendrais soin d’elle… Elle avait raison, ce baiser ne signifiait sans doute rien, elle avait bu, elle avait pris ses médicaments et puis il était tard. Tu pouvais passer au-dessus de ça… Tu avais besoin d’aller courir… Tu t’en fichais que cela puisse être dangereux, une jeune femme, seule… Tu en avais besoin, c’est tout… Tu enfilais donc un jogging, un débardeur et une veste après avoir attaché tes cheveux en chignon et sortit de l’appartement sans faire de bruit… April semblait encore dormir… Tu ne mettrais pas longtemps… Tu reviendrais avant son réveil… Tu courais, encore et encore jusqu’à que tes poumons te brûlent… Car outre le baiser, une autre chose t’avait perturbée la veille, une chose que tu n’arrivais plus à te sortir de la tête : le goût de l’alcool qu’avaient laissé les lèvres d’April sur les tiennes… Ça te faisait mal, ça te vrillait le cerveau mais tu ne devais pas faiblir... Il était hors de question que tu retouches à l'alcool... Ta volonté pouvait être plus forte

Quelques minutes plus tard, tu rentrais et allais prendre une douche avant de t’habiller avec une jupe bleue et un chemisier… Tu pourrais arriver à faire comme si de rien n’était, tu espérais que ce serait également le cas d’April… Tu préparais le petit déjeuner avant de voir la brune rejoindre le salon… Tu lui souris avant de dire : « Bonjour April… » Puis tu t’approchais d’elle, tentant de garder une distance raisonnable même si cela t’était compliqué… Tu avais ce besoin d’être tactile avec April, tu ne le comprenais pas mais dorénavant tu devais essayer de le limiter… Tu ne voulais pas faire de mal à la brune… Tu commençais alors à prendre la parole, en bafouillant : « Pour hier soir… Ce n’est rien, d’accord ? Faisons comme si rien ne s’était passé. Mais j’ai promis de prendre soin de toi jusqu’à que tu puisses reprendre le travail alors je le ferai… Si tu es d’accord bien entendu… Mais je comprendrai aussi si tu me demandais de partir… » Tu finis par baisser les yeux en prononçant la fin de ta phrase avant de reprendre : « Je tiens à toi April… Tu es devenue une amie importante pour moi en seulement quelques jours mais… je ne voudrais pas te faire de mal… » C’était à elle maintenant de choisir… Choisir ce qu’elle pensait être le mieux… Si elle pensait qu’il était mieux pour elle que tu t’éloignes, tu le ferais même si tu garderais toujours en toi cette impression d’avoir échoué, une nouvelle fois… De ne pas avoir tenu ta promesse de prendre soin d’elle… Tu étais capable de faire comme si de rien n’était… Ce baiser n’était rien, n’est-ce pas ce que t’avais dit April… Tu savais ce que provoquait l’alcool sur l’esprit alors tu n’allais sans doute pas tenir rigueur de cela à April… Par contre tu ne comprenais pas vraiment pourquoi à chaque fois que tu repensais à ce baiser, à la sensation des lèvres d’April sur les tiennes, ton cœur se mettait à battre plus vite…

Le temps avait repris son cours. Normalement. Ou presque. April avait repris le travail. Tu avais repris le travail. Tu vivais toujours chez elle mais parfois vous ne faisiez que vous croiser, partager un repas, des banalités. Et ça te faisait mal au cœur… Même si tu n’osais te l’avouer. Tu avais l’impression d’avoir perdu l’une des plus belles choses qui te soit arrivée depuis bien longtemps : la complicité que tu t’étais trouvée avec April, une complicité qui s’était construite rapidement… Une complicité qui avait volé en éclats en un instant… Ça te faisait du mal de devoir prendre sur toi, contrôler chacun de tes gestes pour ne pas te montrer trop tactile avec April… Ça te faisait du mal de la voir rigoler et être si proche avec Quinn… Le docteur Evans… Elles étaient heureuses ensemble… Ça te faisait plaisir… Tout était peut-être mieux ainsi… Ou pas. Le docteur Evans avait pris ton relais pour les soins… April avait très bien fini son rétablissement, Quinn t’avait félicitée pour ton travail… Parfois, tu passais la soirée avec April et Quinn mais tu ne te sentais pas à l’aise. Tu avais l’impression d’être une intruse… Tu ne te sentais plus vraiment chez toi… April t’avait demandé de rester il y a un mois… Tu étais restée parce que tu te sentais bien ici, parce que tu savais que même si tu rentrais, elle viendrait te chercher… April était le genre de femmes qui savait se montrer persuasive… Mais maintenant, il te semblait qu’elle construisait quelque chose avec le docteur Evans… Peut-être qu’il était temps que tu partes… Tu avais l’impression qu’elles vivaient leur relation à distante parce que tu étais au milieu… Tu ne voulais pas qu’elles te prennent pour un poids, tu ne voulais pas qu’elles n’osent pas te demander de partir… Si elles n’osaient pas, c’est toi qui allais poser la question… Tu allais bien… Tu allais mieux. Jamais tu ne pourrais remercier assez April pour ce qu’elle t’avait offert pendant un mois entier… Elle t’avait fait re-goûter à la joie de vivre, sincère et vraie… Et ça, jamais tu ne pourrais l’oublier…

Enfermée dans ta chambre, tu ne parvenais pas à trouver le sommeil… Tu avais envie de sortir, sortir et te prendre une cuite… En un mois, cette envie ne t’avait jamais vraiment quittée… Tu l’avais enfouie au fond de toi, t’enfermant dans le travail, faisant bien plus d’heures supplémentaires qu’à ton habitude. Tu rentrais épuisée, le cerveau à plat… Tu dormais, tu travaillais, tu discutais un peu avec April, avec Jacob, avec Gemma, avec Quinn, avec des collègues et ainsi de suite… Demain soir, April organisait une fête pour Quinn qui avait été désignée chef du département de cardiologie. Tu étais heureuse pour elle, elle le méritait, amplement. C’était une chirurgienne hors pair… Mais pourquoi ne parvenais-tu pas à te réjouir complètement ? Pourquoi ne partageais-tu pas l’excitation de tout le monde par rapport à cette fête ? Pourquoi avais-tu mal au cœur à chaque fois que tu voyais Quinn ? Elle était ton amie, ta collègue et pourtant… Pourtant cette sensation que tu avais ressentie il y a un mois, ce matin-là, en voyant Quinn sortir de la chambre d’April ne t’avait jamais quittée. Tu avais eu envie d’hurler, de frapper sur quelque chose… Peut-être de te faire du mal, à toi… April avait-elle eu l’objectif de te mettre dans son lit ? Les relations charnelles t’effrayaient au plus haut point, là était le résultat de tes années de prostitution… Mais plus le temps passait, plus les questions se multipliaient dans ta tête… Tu avais envie de voir April te sourire… Tu n’en pouvais plus d’avoir cette impression d’être comme une inconnue et tu t’étais même surprise à avoir envie que ses mains se posent sur toi et non pas sur le docteur Evans… Cependant, tu avais vite chassé cette idée de ta tête, honteuse même d’y avoir pensé. April était heureuse avec Quinn et c’était réciproque… Il était hors de question que tu puisses imaginer autre chose, que tu puisses gâcher leur relation… De toute façon, tu ne méritais pas quoi que ce soit de ce genre… Tu n’avais même pas pensé pouvoir mériter l’amitié d’April. Cependant, cette dernière c’était construire entre vous, avec un rare naturel… Une amitié spéciale… Une amitié qui te manquait tellement…

La soirée était chaleureuse… Pourtant tu n’avais pas le cœur à la fête… Tu savais qu’il te fallait avoir le cœur net, dès ce soir… Devais-tu partir ? Tu avais félicité le docteur Evans, comme si de rien n’était… Tu avais l’impression de te conduire en hypocrite… En réalité, tu lui en voulais… Tu rejetais inconsciemment la faute sur elle, tu la pensais responsable de cette distante qu’il y avait entre toi et April cependant tu savais que Quinn n’y était pour rien et après l’avoir détestée, tu te mettais à te détester toi d’avoir pensé cela… Quinn était une personne adorable, au grand cœur… Tu l’avais toujours appréciée comment pouvais-tu la détester ? Les coupes de champagne, les cocktails te donnaient envie... Tu avais du mal comme rarement à y résister… Cette soirée te faisait surtout repenser à celle d’il y a un mois… Et tu n’avais qu’une envie : fuir… Tu partis donc t’isoler un instant dans ta chambre, t’asseyant sur ton lit et te prenant la tête entre les mains… Que t’arrivait-il ? Tu ne comprenais plus rien. Tu ne comprenais plus rien à ce que tu ressentais… Tu étais perdue… Et tu étais en train de te noyer dans ce tumulte d’émotions, de sentiments et de questions auxquelles il t’était bien impossible d’apporter une réponse par toi-même… Ressortant dans ta chambre, tu te rendis sur le balcon, ayant besoin d’air frais, évitant du mieux que tu pouvais les gens… Tu n’avais pas envie de parler… Quelle ne fut ta surprise de voir April sur le balcon, un verre à la main… April d’un côté, la foule de l’autre… Tu avais l’impression d’être prise au piège… Tu avais besoin de parler à April, entre amies… Tu n’en pouvais plus des non-dits… Tu n’étais surtout pas du genre à garder tout en toi jusqu’à que ça explose… Pourtant, c’était exactement ce que tu faisais depuis un mois... Tu vins t’asseoir auprès d’April, vous étiez bien plus proches que vous ne l’aviez jamais été depuis un mois tu lui demandais donc : « Ça te dérange que je m’assoie là ou tu veux que je m’éloigne ? » Prononcer ces paroles te faisaient mal au cœur, tu ne comprenais pas pourquoi ça te faisait autant de mal… Quant à la question d’April, elle te surprit… Tu ne t’y attendais pas, tu ne savais pas quoi y répondre… Tu devais lui dire, lui dire ce que tu avais sur le cœur… « Je suis contente pour Quinn… D’ailleurs, elle est très en beauté ce soir, tout comme toi… » Quinn rayonnait de bonheur et tu ne pouvais t'empêcher de l'envier. « April… Je voulais te dire… » Tu te retrouvais ne sachant plus quoi dire… C’est à ce moment-là que sans même t’y attendre tu déclarais : « Tu me manques… » Tu ne la regardais pas, tu avais les yeux plongés au sol… Tu secouais la tête avant de reprendre avec sérieux : « Tu ne crois pas que ça serait bien que je parte ? Que je retourne chez moi ? Je sais que je gène, je le sens April…Quinn n’ose pas me le dire mais je le sais… Et vous êtes tellement heureuses ensemble, je ne veux pas gâcher ça…» Laissant passer un silence, tu finis par continuer : « Je ne devrais pas te le dire mais j’ai envie de boire un verre, April… Depuis un mois cette idée m’obsède… Mais j’ai peur, peur de flirter avec le danger… Je ne sais pas si je me sentirais capable de m’arrêter ensuite… » Tu soupirais bruyamment avant de te lever et d’admirer le ciel étoilé et les lumières de la ville… Tu revins vers April et lui pris la main, venant coller ton front contre le sien, juste un instant, furtivement… Tu venais de briser le « périmètre de sécurité », tu le savais… Ton cœur commençait à te vriller la poitrine… Alors tu partis, laissant en plan April et tu allais dans ta chambre. Là, t’appuyant contre ta porte tu te laissas glisser au sol jusqu’à te retrouver assise. Que se passait-il ? Pourquoi chaque contact avec April te chamboulait autant ? Tu ne voulais pas. Pas que cela chamboule aussi April… Tu ne voulais pas gâcher sa relation avec Quinn, tu savais que si c’était le cas, tu t’en voudrais jusqu’à la fin de tes jours…

Tu ne t’attendais pas à la voir débouler dans ta chambre… Tu ne t’attendais pas aux paroles qu’elle allait prononcer… Tu ne t’attendais à rien de ce qui se déroula dans la suite de la soirée. Mais inconsciemment, tu avais l’impression que ton cœur n’attendait que ça… Depuis longtemps, trop longtemps… Pourtant, tu ne pus t’empêcher d’avoir mal, tu avais l’impression que des poignards s’enfonçaient profondément dans ta poitrine… Tu ne savais pas mettre de mots sur tes sentiments mais c’était bien plus fort, plus fort qu’une simple amitié… Et ça te fichait la trouille… Tu pensais à Quinn… Tu ne pouvais pas lui faire ça… Tu ne pouvais pas… Tu t’apprêtais alors à repousser April mais la violence, la fougue de son baiser, son corps contre le tien eurent raison de toi… Tu n’arrivais plus à penser… Elle posa sont front contre le tien, plongeant ses yeux dans les tiens et il n’existait plus rien dans ta tête, plus rien autour de toi à part April… Tu écoutais attentivement ces paroles et cela enfonçait encore un peu plus les poignards que tu avais l’impression d’avoir dans le cœur… Tu devais tout arrêter. Maintenant… Ou vous alliez atteindre le point de non-retour… Mais tu n’avais pas la force de te battre… A moins que ce ne soit l’envie qui te manque… April déposa à nouveau ses lèvres sur les tiennes et tu te surpris un instant à répondre à son baiser, plein de douceur… Puis, elle plongea une nouvelle fois ses yeux dans les tiens avant de s’éloigner de toi et de partir sans un mot, comme elle était arrivée… La première chose qui te sauta à la figure ensuite était que déjà, sa présence à tes côtés te manquait… Tu t’allongeas sur ton lit, la tête dans l’oreiller… Mais que t’arrivais-t-il ? Puis une question te vrilla le cerveau : est-ce que ce qui venait de se passer était une maudite reprise de ce qui s’était passé il y a un mois ou était-ce tout autre chose ? Tout cela t’était inconnu, comment pouvais-tu répondre à ces questions par toi-même ? Tu te demandais si dans la chambre voisine April et Quinn étaient ensemble et cette idée te vrillait l’estomac… D’une part parce que tu aurais voulu qu’April vienne de nouveau te prendre dans ses bras comme elle l’avait fait la nuit où tu avais fait ta crise d’angoisse et d’autre part parce que tu t’en voulais tellement… par rapport à Quinn… Tu n’étais pas sûre de pouvoir la regarder en face encore une fois…

Les bras de Morphée avaient fini par t’emporter… Sans que tu ne t’y attendes… Faire une nuit blanche à brasser toutes ces questions dans ta tête ne t’aurait pas étonnée mais tu étais épuisée et tu ne pouvais pas repousser encore et encore tes limites… Quand tu ouvris les yeux, le soleil était déjà levé et une délicieuse odeur te parvenait depuis la cuisine… Ton ventre ne put s’empêcher de gargouiller. Tu te débarbouillais rapidement et sans prendre la peine de t’habiller plus, tu rejoignis la cuisine, vêtue simplement d’un short et d’un t-shirt… Ton estomac avait été plus fort que ta raison… Aujourd’hui était ton jour de repos et tu avais bien envie de flemmarder également… Ton cœur fit un bon quand tu vis April… Toute la soirée d’hier te paraissait encore tellement irréelle… Elle avait préparé un délicieux petit déjeuner… Tu ne pus t’empêcher de te demander si Quinn était encore dans la chambre et si elle allait en sortir comme un mois auparavant… Tu te demandais également si ce petit déjeuner t’était destiné… Peut-être était-il pour Quinn ? Peut-être qu’April regrettait et essayait de gommer sa culpabilité ? Tu n’en savais rien… Cependant, quand tu vis April te sourire et te présenter l’assiette, toutes ces questions s’envolèrent. Tu lui rendis son sourire avant de lui dire : « Bonjour… » Après quoi tu commençais à déjeuner avant de voir ta colocataire revenir avec des pansements dans les mains… Tu la regardais avec des gros yeux, une interrogation dans le regard. Tu laissais parler April… Tu écoutais avec attention tout ce qu’elle avait à te dire, manquant plusieurs fois de t’étouffer en buvant ton café… Tu ne la coupais pas… L’envie ne t’en manquait cependant pas mais tu avais trop de choses à dire, tu n’arrivais pas à mette de l’ordre dans les pensées qui assaillaient ton cerveau.

Tu te levais sans un mot et allait chercher une paire de gants avant de récupérer les pansements… Après quoi tu te plaçais, toujours sans un mot au niveau de sa hanche… Tu lui fis le pansement sans un mot, les mains tremblantes… Tu ressentais bien la tension qui régnait entre vous… Tu sentis April frémir, frémissement que cette fois, tu ne rattachas pas à la douleur… Tu allais jeter le matériel usagé, consciente que tu faisais toi-même régner un silence pesant dans la pièce puis tu revins vers April et sans même réfléchir tu vins poser tes lèvres sur les siennes… Tu voulais lui faire ressentir ce que toi aussi tu pensais éprouver pour elle… Tu goûtais chaque parcelle de ses lèvres, délicatement avant de t’éloigner en secouant la tête… Tu pris difficilement la parole : « April… Je ne peux pas… Je ne peux pas faire ça à Quinn tu m’entends ? Je n'ai pas le droit ! » Tu t’étais mise à trembler en prononçant ces paroles… Tu te souvenais tout à coup de Mason, ce jour où tu l’avais surpris avec une autre… Ça t’avait brisé le cœur… C’est suite à cela que tu étais tombée dans la prostitution… Tu ne voulais pas te comporter comme lui mais c’était ce que tu étais en train de faire…. Tu te détestais… Tu te retournais… Tu ne pouvais pas regarder April dans les yeux en disant cela, c’était trop douloureux : « Je ne comprends rien à ce que je ressens à ce moment précis, April, je suis complètement perdue mais même si mon cœur me dicte le contraire, je sais que ce n’est pas une bonne idée d’imaginer ça… De continuer… Parce que depuis deux ans, il n’y a jamais eu aucune relation pour moi et que j’ai peur… Peur de ce que pourraient être mes réactions… » Tout en disant ces paroles, tu te surpris à prendre conscience qu’une larme s’était frayée un chemin sur ta joue, tu la repoussais d’un revers de main… Tu te retournais ensuite vers April, cherchant ses yeux bleus de ton regard « Mais je ne sais pas si je pourrais continuer à être ton amie comme ça, April… Parce que je crois que rien ne pourra être comme il y a un mois maintenant… Parce qu’il m’est déjà arrivé d’avoir envie d’être à la place de Quinn… Je ne comprends plus rien et ça me fiche la trouille April… Je sais juste que j’ai besoin de toi auprès de moi… » Tu avais mal à la tête, ton cœur te vrillait la poitrine… mais qu’étais-tu en train de faire ?

Tu avais l’impression de respirer de nouveau, de t’être tenue en apnée pendant un mois entier… Tu avais l’impression de revoir enfin le soleil… Oh et surtout : tu souriais de nouveau car April te faisait sourire, parce que tu avais besoin de cette proximité avec elle, d’être tactile avec elle… Tu ne savais pas où tout cela allait vous mener mais tu refusais de vivre de nouveau avec des regrets… Elle avait eu raison… Peut-être que vous aviez eu des histoires difficiles pour vous trouver ? Tu n’étais pas romantique pour un sou et cette idée te faisait sourire mais peut être qu’au fond, c’était cela… Il y eut une époque où tu étais romantique… Cette époque avec Mason… Le seul que tu n’aies jamais aimé… Tu n’étais alors encore qu’une adolescente dans ta tête… Tu croyais aux contes de fées… Tu pensais finir ta vie avec lui… Mais il avait pris ton cœur entre ses mains et il l’avait écrasé, en mille morceaux… S’étaient enchaînés ensuite la drogue, l’alcool et la prostitution… Mais aujourd’hui, pour la première fois, tu avais envie d’envoyer balader tout ce passé, et d’essayer d’écrire un futur… Un futur que tu ne voyais pas sans April… Et cela, malgré tes peurs, malgré ta crainte de lui faire du mal, de ne pas être assez bien pour elle. Tu avais envie de prendre le risque de faire un bout de chemin avec elle… Tu ne savais pas où cela allait vous mener mais pour la première fois, auprès d’April, tu te sentais revivre, autre part que dans ton travail… Tu avais passé la journée à penser… Tu t’étais repassée tous les moments que tu avais passé avec April, depuis cette entrevue sue vous aviez eu dans ce café… Comment se faisait-il que tu lui aies fait aussi rapidement confiance ? Comme se faisait-il que tu te sois très rapidement sentie comme chez toi chez elle ? Comment se faisait-il que votre amitié s’était développée d’une manière si fulgurante et si forte ? Tu te rappelais encore ce que tu avais ressenti en la voyant arriver aux urgences suite à la fusillade. Tu avais eu envie d’aller étriper celui qui lui avait fait cela… Et dans la nuit, à son chevet, tu avais eu les larmes aux yeux… Parce que tu refusais tout simplement l’idée qu’elle puisse mourir… Ce jour-là, s’il l’avait fallu, tu aurais déjà donné sans hésiter ta vie pour la sienne… Parce qu’elle t’avait déjà tant donné, parce qu’elle méritait tout le bonheur du monde… Jamais tu n’avais ressenti un aussi rapide attachement pour quelqu’un… Depuis le début, la relation que tu partageais avec April était spéciale… Tu ne pouvais pas mettre de mots dessus… Peut-être ne valait-il mieux pas chercher à mettre de mots dessus, au final… La réalité était que tu avais attendu avec impatience son retour, parce que tu avais beaucoup de choses à lui dire, des choses qui te paraissaient folles mais tu voulais saisir cette chance, tu en avais envie, tellement… Si quelqu’un était venu te voir il y a quelques jours pour te dire que tu allais vivre tout cela, tu ne l’aurais pas cru une seule seconde… Peut-être même lui aurais-tu ri à la figure… Comme quoi, on ne sait jamais de quoi demain sera fait… Tu avais commandé des pizzas car tu n’étais tout simplement pas en capacité de les préparer toi-même… Ton cerveau était trop obnubilé par d’autres pensées, ayant toutes un seul et même thème central : April. Il t’était tout bonnement impossible de réfléchir à autre chose alors tu étais certaine que si tu te lançais dans la préparation de pizzas, tu aurais fait des gourdes de proportions et les pizzas auraient été une vraie catastrophe, et la soirée aurait été gâchée… Mieux valait prévenir que guérir… Tu étais cependant descendue pour aller acheter un bouquet de fleurs. Tu n’avais pas opté pour des roses ni pour quelque chose de rouge, tu n’aimais pas les clichés, ça t’aurait paru complètement déplacé et ridicule en réalité… Tu avais donc préféré opter pour une petite composition de pivoines que tu déposais sur la table du salon… Après quoi, tu étais partie te préparer… Tu te demandais alors ce que devais être en train de faire April… Et si elle changeait d’avis ? Et si elle prenait peur ? Et si elle fuyait et allait de nouveau chercher une conquête, se rendant compte que tout cela n’était pas une bonne idée du tout ? Ton cœur se mit à battre un peu plus fort alors que tu enfilais une robe émeraude, toute simple mais que tu aimais beaucoup… Tu te mis à compter les minutes avant le retour d’April et plus le temps passait plus tu te montais des scénarios dans ta tête… Tu te maquillais, naturellement comme à ton habitude… Il était hors de question pour toi d’en faire trop… Tu te serais sentie bien trop mal à l’aise… Déjà qu’April te mettait mal à l’aise dès qu’elle se trouvait auprès de toi… Ou disons plutôt qu’elle faisait battre ton cœur un peu (beaucoup) plus rapidement. Tu allais ensuite t’installer sur le canapé…

Quand tu entendis les clés ouvrir la serrure, tu ne pus t’empêcher de soupirer de soulagement avant de sourire en voyant April… « Coucou. Comment s’est passée ta journée ? » Elle vint s’asseoir auprès de toi après t’avoir embrassé sur la joue puis elle pris un journal qu’elle ne garda que quelques secondes dans les mains… Tu souris un peu plus en voyant son trouble puis en l’entendant parler… Tu pris alors ces mains dans les tiennes et vint te placer en face d’elle… Tu ne voulais pas lui donner une image fleur bleue parce que ce n’était définitivement pas un adjectif qui te correspondait mais tu voulais lui montrer ton attachement, sincère, ton envie de prendre le risque… Tu savais que ça ne serait pas facile, tu avais peur de ce que pourraient être tes réactions mais le jeu en valait peut-être la chandelle, non ? Tu restais de longue secondes à simplement regarder April dans les yeux, peut-être quelques minutes même ; pour toi, le temps semblait s’être arrêté puis, humidifiant tes lèvres en y passant doucement la langue, tu finis par prendre la parole : « April… Tout cela me paraît tellement fou tu sais ? Mais j’ai envie de faire de bout de chemin avec toi si tu le veux bien sûr… Qu’importe où cela nous mènera… Ce mois à être loin de toi, à te voir être complice avec Quinn a été un vrai supplice pour moi… J’aimerais juste essayer de rattraper le temps… Je ne comprends toujours rien à ce que je ressens, April, j’y ai réfléchi toute l’après-midi jusqu’à m’en donner mal à la tête mais je ne veux pas que d’une amitié avec toi April… » Et n’y tenant plus, tu vins attraper son visage entre tes mains et déposer tes lèvres sur les siennes… Tu ne sais pas combien de temps tu restas à l’embrasser mais elle t’enivrait… Tu finis par t’éloigner un instant, attrapant de nouveau une de ses mains : « April, tu n’as pas besoin de me protéger tu sais… Tout va bien… Tout va très bien… Et je ne suis pas en sucre… Tu n’as pas à te demander si tu vas faire une connerie… C’est en réfléchissant trop que l’on en fait tu sais ? C’est ce que j’ai fait pendant un mois : réfléchir, réfléchir pour ne pas être trop proche de toi, réfléchir et lutter intérieurement pour ne pas être trop tactile avec toi… » Tu finis par te lever, quittant à regret la proximité du corps d’April pour aller chercher une pizza et de quoi boire… C’est à toi de choisir le film ce soir… » Cependant, tu n’étais pas certaine d’être concentrée sur le film, ton esprit bouillonnait toujours trop et tu préférais largement admirer April… Tu n’avais jamais été attirée par aucune femme, tu t’étais toujours pensée hétérosexuelle, à cent pour cent, tu ne t’étais jamais d’avantage questionnée sur la question… Mais April t’émerveillait, par sa force, par sa féminité malgré tout, par son histoire que tu connaissais… Elle venait bousculer toutes tes convictions.