Les jours passent, ils s’écoulent avec lenteur. Eréndira, elle réalise depuis plusieurs mois que sa vie n’est pas telle qu’elle l’aurait voulue, même qu’elle n’a rien à voir. Elle a toujours aimée son pays natal et aujourd’hui, elle le regrette encore plus. Jamais elle n’avait envisagée de venir vivre aux États-Unis, mais Manuel a remis sa vision en perspective. Elle l’aurait suivi jusqu’au bout du monde, Écosse, Japon, Nouvelle-Zélande, Kenya, Antarctique… pour lui elle serait allée n’importe où. Manuel, il avait eu besoin de venir à Memphis, pour le boulot -du moins, c’est ce qu’il prétendait à l’époque- puis Eréndira, elle avait acceptée de l’épouser et de venir vivre aux États-Unis, avec lui. Elle n’avait pas hésitée, elle s’était lancé corps et âme dans cette relation, se laissant emporter par le rythme, laissant Manuel choisir pour elle. Aujourd’hui, elle le regrette, parce que sa vie n’a plus rien d’heureuse, parce que sa vie ne ressemble plus au portrait qu’elle s’était imaginé. Elle avait eu trop d’attentes et maintenant, elle comprend que Manuel ne les atteindrait jamais. Parce que ce mariage n’est rien d’autre qu’un coup monté, parce que son mari ne l’a jamais aimée, parce qu’il ne l’aime pas et qu’il ne l’aimerait jamais. C’est la triste réalité et maintenant, elle n’y peut absolument rien. Elle suit la danse, elle fait semblait, elle fait comme tout allait bien, comme s’ils filaient le grand amour, alors que ce n’est pas le cas. Elle l’aime, ça oui, mais si elle le pouvait, elle rejetterait tous ses sentiments, seulement ce n’est pas aussi facile que ça. Eréndira, elle doit rester mariée à lui, elle n’a pas le choix, parce que la fin de son contrat signerait la mort de Manuel, une mort définitive, une vraie mort. Felipe, il n’hésiterait pas à le faire souffrir puis ensuite, il lui enlèverait cette vie misérable, elle connait trop bien son père, elle sait de quoi il est capable.

Eréndira, elle vient se poser doucement sur le banc de bois gelé, son regard perdu sur les enfants qui s’amusent dans les jeux. Elle regrette ce temps-là, où elle était cette petite fille innocente, vouée à une belle vie. Elle regrette ces beaux jours, où elle venait s’amuser au parc ou à la plage avec son frère, avec ses amies, sous le regard vigilant de sa mère. Elle regrette son enfance qui s’est envolée beaucoup trop tôt. Elle aimerait être à nouveau cette enfant, elle aimerait être la petite fille énergique et pleine de vie qu’elle était. Elle aimerait retrouver son innocence, mais il est trop tard, beaucoup trop même. Les années s’écoulent, elle a maintenant vingt-quatre ans puis sa vingt-cinquième année approche rapidement. Eréndira, elle observe cette belle jeunesse devant elle, elle laisse la nostalgie l’envahir. Elle a toujours adorée les enfants et elle se rappelle avec perfection la vision du monde qu’elle avait à cette époque. Elle était inébranlable, les enfants sont tellement plus forts que les adultes, sous leurs traits innocents, sous leur douceur qui n’appartient qu’à eux. Aujourd’hui, elle est une femme et la vie passe trop vite. Elle aurait aimée pouvoir éviter cette douleur, elle aurait aimée prédire son propre avenir. Ainsi, elle aurait compris pour Manuel, pour son père, pour ce foutu mariage qui ne rime à rien, ce foutu mariage qui lui broie les tripes et lui donne envie de vomir. Elle aurait aimé que son mari l’aime, qu’il partage ses sentiments intenses. Elle aurait aimée qu’il soit authentique, réel, elle aurait aimé qu’il ne soit pas qu’illusion. Aujourd’hui, Eréndira, elle n’y peut rien. Elle se contente de rester avec cet homme, même si au fond elle aimerait pouvoir lui dire adieu et passer à autre chose. Les choses sont allée beaucoup trop vites, elle aurait dû évaluer les dangers, elle aurait dû faire attention, mais Eréndira elle est ainsi, trop intense en amour, elle se dévoue corps et âme et s’écorche l’âme au passage. Elle souffre, à cause de son mari, mais surtout à cause de son père, car sans lui et son idée complètement débile, elle n’en serait pas là aujourd’hui. Eréndira, elle contemple les enfants qui jouent près d’elle  et elle comprend que même si elle désire en avoir, ça ne sera pas de sitôt. Elle n’en aura jamais avec cet homme qu’elle aime, c’est impensable, elle n’ose même pas y songer. Dans des moments pareils, cette réalité cauchemardesque la rattrape. Elle doit tenir jusqu’à ce que son père le décide, jusqu’à ce que Manuel lui donne le okay. En attendant, elle continue de faire comme si tout allait bien, comme si sa vie avait un sens, ce qui a ses yeux n’est pas le cas.