then i guess the pain is all in my head
When the skies have rained enough and the sun comes risin' up
Will it show which one of us needs to be saved.
Sur les traits fatigués de son visage, Treassa appliqua la caresse froide de sa main, lissant la peau pâle de celui-ci dans l’infime espoir d’effacer l’épuisement de son être tout entier. Ça ne passait pas, pourtant, cette lassitude qui avait envahi la moindre des fibres de son corps. Le quotidien, lourd, pesant. Il défilait lentement mais sûrement, laissant s’écrouler sur les épaules frêles de la jeune femme, les conséquences de la vie solitaire qu’elle avait toujours menée jusque-là. Elle passait trop souvent ses soirées en compagnie de ses cinq chats, deux chiens, devant un navet télévisuel à même de la distraire quelque peu. Treassa avait voulu changer ses habitudes, pour une fois, passant une robe qui avait été présentable, pour se rendre au gala de Noël organisé dans les beaux quartiers de la ville. Si seulement, si seulement ça avait pu être agréable, reposant, distrayant. Tout ce qu’elle avait fait, c’était avaler assez de champagne pour renforcer sa fatigue, et ne cesser de penser à à quel point il était pitoyable qu’elle y soit allée seule, là où des couples follement amoureux n’avaient cessé de graviter autour d’elle. Finalement, les excellents petits fours et l’alcool doucereux avaient été ses principaux compagnons de la soirée ; elle avait bien mangé, c’était déjà ça. Et puis elle avait dû s’enfuir, alors qu’elle s’était fait tenir la jambe par un mec un peu trop insistant, qui avait sans doute dû croire qu’elle était venue ici dans l’unique but de rentrer avec une compagnie pour la nuit. Peut-être bien. Elle-même se demandait encore ce qui avait pu faire qu’elle avait préféré les promesses de ce bal de charité, à une soirée toute simple devant la télé. Peut-être était-ce l’ambiance de Noël qui l’avait galvanisée. Ou un simple désir de ne pas se retrouver seule. Encore. La faute à qui, au fond ? Elle avait maintes fois reçu des messages de ses amis, l’invitant à aller boire un coup dans le bar du coin - elle avait bien souvent décliné, prétextant quelques empêchements pour bien enrober le tout. Sortir n’était pas dans son champ d’action, et dernièrement, l’affreuse sensation d’avoir un spectre perché derrière son dos, n’aidait en rien à chasser son naturel presque pantouflard. Le coeur de son petit appartement lui paraissait toujours sécurisant, bien plus en tout cas que les rues froides et vides qui entouraient l’immeuble où elle habitait, une fois la nuit tombée : c’était ça, l’inconvénient d’habiter dans un quartier surtout occupé par des familles, des gens respectables. Ils se couchaient tôt, et très vite les alentours devenaient lugubres.
Du fond de son sac, après de longues secondes de recherche, Treassa finit par sortir un autre trousseau de clés que celui qu’elle avait habituellement dans sa poche. Le silence, la solitude, autant de choses auxquelles elle espérait trouver remède ici. Ce n’était pas son appartement, à croire que ses instincts lui avaient dicté de ne pas rentrer là-bas pour la nuit. C’était celui d’Alec. Et si, bien souvent, s’y rendre ne faisait que remuer le couteau dans la plaie, ce soir, ressentir sa présence d’une quelconque manière, lui serait un réconfort doucereux. Juste une ombre, rien qui ne pourrait se comparer à ce dont elle avait véritablement besoin, ces mots qui ne franchissaient que rarement ses lèvres. Des demandes que personne ne serait là pour entendre, de toute manière. Elle n’était pas le genre de fille à se reposer exclusivement sur sa vie de couple, une histoire d’amour quelle qu’elle soit - bien souvent d’ailleurs, quand Alec était en permission, c’était elle qui se retrouvait à lui faire faux-bond à cause d’une urgence au travail. En trainant presque des pieds, un soupir passant ses lèvres, elle pénétra dans l’appartement ; juste pour mieux se rendre compte que les lumières étaient déjà allumées, diffusant quelques halos jaunâtres sur les murs, cette ambiance chaleureuse qui semblait tant manquer à son chez elle. Avait-elle oublié d’éteindre les lumières, la dernière fois qu’elle était venue récupérer le courrier et faire son fameux ‘brin de ménage’ ? La question n’eut pas le temps de trouver une réponse dans les tréfonds de sa mémoire, qu’une silhouette massive apparut dans le champ de vision de la jeune femme. Elle manqua de sursauter, comme si elle faisait face à une apparition crachée par son esprit épuisé. Peut-être bien. « Alec ? » Un premier mot, exprimant sa déroute, qui passa ses lèvres. Elle le trouva stupide aussitôt qu’il flotta dans l’air, cillant en remuant la tête comme pour se remettre les idées en place. « T’es rentré ? » Oui, sans doute l’était-il puisqu’il était là, bel et bien face à elle. Les bras ballants, elle fit quelques pas pour venir poser ses affaires, son sac devenu bien lourd, et sa veste qui l’étouffait dans une chaleur suffocante. « Quand ? » Elle aurait voulu enchaîner presque en l’accusant, lui demandant pourquoi il ne l’avait pas prévenue, cette fois. Tout autant qu’elle lui brûlait les lèvres, cette phrase resta bloquée au creux de sa gorge, désarçonnée qu’elle était, de se retrouver sous son regard à nouveau.
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